CHRONIQUE
CASTES
Hier soir me téléphone un charmant arriviste prefessionnel: Boris Borodine, BB pour les amis. Doté pour tout bagage d'un charme caché, d'une belle voix et d'un gentil gratter de guitarre, il attire les plus belles femmes, les plus riches, les plus intelligentes, sans avoir pour autant un physique de don Juan. Quel est son secret?
Manifestant la plus sincère admiration, la plus féconde solidarité, pratiquant le name dropping sans citer de noms, BB était très convainquant je l'avoue. Je le chargeai d'une mission qu'il se faisait fort de mener à bien. C'était voici quelques mois ! Depuis, silence radio. Il s'est excusé hier de son silence prolongé, sans donner la moindre raison mais réitérant ses sentiments profonds d'amitié, assortis d'un "aidez-moi !, moi je vous aide". Et je dois reconnaître que dansle passé, il est venu en aide à un de mes meilleurs amis, ce qui est beaucoup et qu'il m'a présenté une relation intéressante mais qui n'a pas eu de suite. Qu'importe? L'intention compte.
Qu'est-ce qui a valu ce soudain réveil de sollicitude?
- C'est qu'il se trouvait dans un somptueux yatch de 75 mètres, appartenant à un riche Russe, à bord avec le meilleur ami de mon fils Roderigo, marchese de Montegambero. La mer était radieuse et on apparaillait vers Capri !
Mon fils, de son côté, passait des week ends agréables après avoir été premier témoin du Mariage du Marquis de Montegambero avec Patricia Hutton : sky nautique et divertissements entre jeunes chez Igor junior, le frère d'Axel Poliakoff invité habituel de la maison où j'ai été si mal accueilli par Igor sénior.
Je n'envie pas cette joyeuse et insouciance jeunesse car mon tempérament me pousse à la construction de mon esprit par la fréquentation des grands artistes et des génies qui honorent l'humanité. Je suis la vivante antithèse de ce monde factice de courtisans et de courtisés, de cette connivence dans l'adoration de l'éphémère.
Marina s'étonnait du fait que certains de mes amis les plus puissants et les plus affectionnés, n'aient jamais pensé à m'inviter sur leur yatch même pendant leur absence, alors que j'en aurais eu bien besoin pour me retaper,, et qu'ils le mettaient à disposition de relations beaucoup moins proches que moi, s'il faut les en croire.
Je crois que j'ai eu hier la confirmation de ce que je pressentais.
Nous sommes à l'époque ou la table des seigneurs (hommes d'état, magnats hyperfortunés, vedettes de la télévision, du ciéma, du show biz) admet les parasites les plus éhontés, les courtisans qui les amusent, mais jamais des savants, des artistes sérieux, ou tout simplement des hommes sages.
Comme me le disait le grand poète Yves Bonnefoy au cours d'une visite qu'il me fit l'honneur de me rendre, il est des temps où les riches et les puissants acceptaient à leur table des artistes et des hommes de science. Ainsi cette semaine vous trouverez dans Le Figaro Magazine, un article sur François Premier. Il était de ce temps et avait contribué à le modeler. C'était alors, pour employer les termes de Bonnefoy, les hautes eaux. Mais aujourd'hui, les puissants et les riches font table à part, reléguant les hommes d'esprit à la table des mendiants. Ce sont les basses eaux, et nous sommes dans une période de basses eaux.
En d'autres termes il existe deux castes étanches.. Celle qui habite les somptueux bateaux, qui circule en jets et conduit des lamborghini, est en complète incongruité d'avec les professeurs et chercheurs. C'est pourquoi mes amis Socrate et Olaf, ne m'ont jamais invité sur leurs bateaux pour une croisière de rève. Tout simplement cela ne leur venait pas à l'esprit. Ils n'arrivaient pas à visualiser "Le Professeur", en un lieu ou plane le souvenir des courtisanes. Car l'acajou bien astiqué des cabines d'un yacht dégage des ondes, comme les vieilles pierres d'une fermette. On ne "voit " pas Edgar Morin, ni Pierre Boulez, en train de paresser sur le Phocea ! Ce n'est pas qu'on ne veuille pas les recevoir, mais on n'imagine pas un tel accouplement entre sérieux et la légèreté vide. Il ne restait à Edgar Morin qu'à accepter pendant un mois mon hospitalité du Centre Culturel des Capucins, zone franche.
Je me trouve, vous le savez, à Divonne. Le temps est nuageux, l'eau de la piscine est froide, on doit subir comme à San Remo la promiscuité d'émirs mal élevés, d'enfants brailleurs... Enfin, ce n'est pas un camping, mais un château reconverti qui a bien du mal à joindre les deux bouts. Le climat est excellent pour la santé mais le plaisir est, pour moi, pur méridional, la Méditerannée, et, ne fut-ce qu'une semaine, paresser sur un yacht de rève, serait un moment de bonheur que j'emporterais avec moi.
On pourrait penser que le terme "caste" emprunté à la civilisation hindoue est une métaphore. Mais ce n'est pas du tout mon intention., je prends tout cela à la lettre. Les deux castes dont j'ai parlé sont aussi étanches, aussi radicales qu'en Inde, mais d'une manière bien plus sournoise, plus subtile, non énoncée, inconnue du public dont la gauche-caviar attise la jalousie. Mais il ne s'agit pas d'une sépartion entre les riches et les pauvres. Je ne vois pas Gérard Mulliez tout fortuné qu'il le soit, sur le pont d'un magnat de la finance. Et bien des sans-le-sou comme Boris Borodine, sont admis dans le yacht qui est en train d'appareiller pour Capri. Non c'est une affaire de caste, c'est tout.
A quelle caste appartiens-je? La question vaut d'être posée car les deux castes : celle de la jet society, celle du milieu académique, me rejettent également. En dépit de mes titres et de mon statut d'ex-professeur à la Wharton School, je ne fus jamais reconnu par mes pairs. C'est que je dédaignais leurs séminaires, produisaise des livres plutôt que des "papiers" dans les revues qu'il faut, et que je menais une vie plus que confortable, me subventionnant moi-même. Cela est inconvenant selon leurs standards. Mon statut réel dans la caste des intellectuels était inférieur à celui d'un chercheur de l'université de Trifouillis-les-Oies. Depuis, je fais partie des sans-castes, des déracinés; des painted birds, des errants. Autrement dit à la caste la plus basse de l'Inde : les intouchables. Et cela se sait, cela se sent, et entache gravement ma réputation. C'est peut-être une clé de la désaffection et du mépris que témoignait cet été Axel Poliakoff à mon égard.
Comme on revit dans ses enfants; au moins théoriquement et biologiquement, je suis heureux qu'au contraire de son père, Pierre Lussato-Johäntgen participe de la caste d'en haut en tant que co-propriétaire d'un fond d'investissements prometteur, sans jamais toutefois renoncer à la culture où il suit mes conseils attentivement. Il fit un détour appréciable, seul de son groupe, par Taipeh, ex. Formose pour un pélerinage au Musée du Palais dépositaire presque unique des chefs d'oeuvres de la Chine, arrachés au régime maoiste. Quelle fierté de penser qu'en accord avec son épouse qui partage l'amour des polonaises pour la musique classique, il élèvera ses enfants dans le respect des grands musiciens et de cet humanisme qu'il peut revendiquer en tant que sémi-italien de culture française.
DU BLOG NOTES
VISSICITUDES DU BLOG
Toute la journée mon blog a fonctionné, non pas sur l’USB Bouygues, gratuit, mais sur carte Météore, lourdement payante. C’est ainsi que les quelques amis qui en ont l’habitude, ont pu prendre connaissance à 8 heures du matin de mes faits et gestes. Ils ont approuvé ma décision de préserver leur anonymat. Les intimes n’ont pas manqué une bribe de l’affaire Poliakoff dont ils connaissent fort bien les protagonistes et chacun y va de son explication. D’autres, issus d’une famille lointaine étaient très émus de lire « le journal des temps d’innocence » dont les parents ou les ancêtres étaient désignés. Bien entendu les antiquaires, marchands et collectionneurs trouvèrent ample matière à réflexion dans les articles sur la muséologie et le Mingei. C’est d’ailleurs ainsi que je fis la connaissance de Mme S.C. ancien conservateur au Louvre et collectionneur en primitifs italiens.
La baisse de fréquentation du Blog est paraît-il naturelle, comme naturelle est la décision de ne pas emporter son ordinateur quand on doit faire son marché, ou se prélasser sur une plage bondée. Et puis, il y a les sports nautiques, la découverte de contrées lointaines, plus rarement les festivals. La vie reprendra à la rentrée, avec la grippe A et le retour galopant de la crise. J’admire la manière triomphaliste avec laquelle les Américains accueillent non pas le remboursement de la dette et des fondamentaux, mais un ralentissement dans l’évolution de la déchéance. Cela me rappelle Harpagon à qui Frosine faisait valoir la riche dot de Marianne. La richesse consistait dans les économies qu’elle pourrait réaliser par rapport aux dépenses des coquettes dispendieuses de son âge.
La raison pour laquelle je suis si actif sur le blog est, outre le mauvais temps, une enfilade de contractures le long de la hanche gauche, qui ne fait qu’empirer et me contraint à ne pas bouger. Faire le tour de mon lit est un supplice. En revanche si je me tiens coi, je ne souffre pas ce qui me permet de dormir. Que faire dans ces conditions ? Ecrire mon blog.
Malheureusement l’imprévu fait de mon travail une route parsemée d’embuscades. Ce soir, en dépit de la connexion établie à grand frais, il m’était impossible d’avoir accès comme quiconque à mon blog. La préposée a essayé sans succès de s’y connecter. Je me suis donc résigné à utiliser Word, qui a entre avantages de ne pas coûter un sou. Mais une surprise m’attendait : le nuage qui ne bougeait jamais n’est plus, dans la barre d’outils, la vignette W pour Word avait disparu pour la première fois. Je finis à force de torturer les entrailles mon Apple, par le réinstaller, et c’est ainsi qu’en ce moment je puis entrer en contact avec vous.
Je pense aux merveilles qu’on nous promettait sans rire voici deux ou trois décennies. Je me souviens d’une annonce fait par M.Vergnes, PDG Europe, ou un de ses employés. Il s’gagissait de la dernière découverte technologique d’internet. La vie et la mort devenaient un jeu d’enfant pour l’homo informaticus . Voici un premier exemple.
Vous vous trouvez dans une ville étrangère et un malaise vous terrasse. Si nous sommes en France, les passants feront charitablement in détour pour ne pas vous piétiner et vaqueront à leurs affaires sans vous avoir fourni la moindre aide à moins qu’une personne âgée ne passe par là. Mais rassurez vous, IBM est là qui veille ! Automatiquement dès que vous avez pressé sur le bouton rouge, on vous énoncera un formulaire décrivant vos symptômes. D’après vos réponses, le logiciel établira un diagnostic et l’adressera aux spécialistes les plus renommés de la région. Seront choisis ceux dont le site sera le plus proche de l’endroit où notre homme est tombé.
Salzmann, sous François Mitterrand a été encore plus loin puisque le Président J.L. Servan-Schreiber, a fixé comme but à l’institut mondial de l’informatique, la diffusion dans les pays du tiers monde d’un bidule de 500g remplaçant le médecin traditionnel.
LA FAMILLE POLIAKOFF
Ainsi qu’on pouvait s’y attendre, le billet qui parle de ma mésaventure a été suivie par bien des protagonistes amusés ou indignés. Ils m’ont appris bien des anecdotes révélatrices qui ont contribué à dédramatiser la situation, mais aggravent l’impasse matérielle : le second avortement de la seconde fondation.
La première information concerne Axel, mon disciple préféré dont j‘admirais le sérieux un peu austère, sa capacité d’apprendre et de comprendre, la passion de s’initier aux mystères de l’art. J’apprends à ma stupéfaction que sur la côte d’azur il parade avec une Lamborghini blanche toute neuve et bien d’autres de ce acabit. Sa passion est la compétition sportive, comme Lindsay Owen Jones, l’ancien président de l’Oréal. Il ne fréquente que des bobos, des fils à papa la cervelle vide, de petits jeune hommes oisifs et ne sachant que faire de leur vie. Lui même fume, flâne, s’adonne aux plaisirs les plus vulgaires, admire le standing et le mode de vie de ceux qu’il pense être de sa caste. Il a raté de façon spectaculaire son mariage en se liant à une mégère qui ne cache pas son antipathie pour tout le clan des Poliakoff qui e lui rend bien. Son aîné ,au contraire, est sérieux, soucieux de sa famille, et grand sportif . Je suis d’autant plus à l’aise de transmettre ces potins, qu’ils viennent de sources diverses mais concordantes. Ils valent ce que valent les potins, des demi-verités.
La seconde information est plus sérieuse : la jalousie serait à la base de tout cela. Axel, aussi exclusif que secret, n’apprécie pas mon exceptionnelle relation avec Olaf Olafson. Marina me reproche à ce propos de trop l’étaler et d'en parler, ce qui suscite des jalousies chez les autres qui se disent « en quoi cela me concerne ? Je suis donc un laissé pour compte ? » La seule preuve à l’appui de cette thèse, provient d’Axel lui-même qui m’a dit la dernière fois que je l’ai vu, qu’il n’avait pas totalement confiance dans la sincérité de notre relation . "Vous ne mettriez pas votre vie en danger pour moi à la différence d'Oleg".
Troisième thèse, celle du pot-de vin. Mon insistance à le voir installer dans le merveilleux appartement proche du mien et où j’aurais voulu loger la bibliothèque de livres précieux dont la Divine Comédie illustrée par Botticelli est le fleuron, et qui faisait partie du don de mes biens culturels. Je me souviens que la dernière fois que je le vis, il semblait rayonner de plaisir à mon contact et qu’enfin j’avais conquis un peu de son cœur. Et puis, après qu'il eut avec insistance confirmé qu'il désirait prendre en charge comme mon successeur la seconde fondation, devenue la collection Lussato-Poliakoff, je m’enflammai pour le projet et je fis pression pour qu’il fasse confiance dans mes marchands de référence comme tous les collectionneurs sérieux. Je compris enfin qu’il se méfiait de mon jugement et voulait une expertise sérieuse. Il pouvait aussi supposer que je prenais une commission sur ces documents. L’expertise, je la pris sur mon budget personnel et elle confirma ce que je savais déjà : les prix consentis étaient proposés à un prix inférieur à ceux du marché.
Quatrième thèse, celle d’Olaf : derrière les Poliakoff se tient un ennemi caché qui a dû débiter je ne sais quelle calomnie sur mon compte, auquel cas je dois le démasquer car, comme un virus en sommeil, il peut se réveiiler à n'importe quel moment de faiblesse de ma part.