Musique et drame
Monday, 19 November 2007
Une toute simple dynastie du Nord
Casadesus à Lille
J'aime les familles du Nord. Il en est que je connais depuis des dizaines d'années, et dont les membres pourraient à l'instar de la jet set, tirer vanité de leur pouvoir qui est considérable et de leur fortune, chèrement acquise à force de travail et d'économies de bon père de famille. Une tradition s'y est établie, qui fête mon anniversaire à Lille avec les enfants et les parents. Ils m'invitèrent aujourd'hui à un concert de ce chef admirable de désintéressement qu'est Casadesus, issus de la célèbre dynastie. Ce serviteur humble et infatigable de son art, a été jusqu'à jouer pour les démunis et les prisonniers. Sa popularité auprès de la population lilloise qu'il initie à la musique classique, se révéla à la chaleur frénétique des applaudissements à tout rompre. Les bons bourgeois lillois, plutôt prosaïques découvraient le prestige et la magnificence d'un grand orchestre et de bons pianistes. Le programme n'était pas particulièrement ésotérique. Le deuxième concerto de Beethoven n'a pas révolutionné la musique et le premier de Tchaïkowsky est devenu la bête noire des membres du jury. L'écouter plusieurs fois, c'est le détester... A l'exception du 2eme mouvement d'une poignante nostalgie. Mais enfin, les auditeurs qui le découvraient étaient éblouis par la richesse des rythmes et des mélodies. Il étaient aux trois quart conquis à la cause de la musique classique et c'est ce qui compte. Reste à inciter les lillois d'ouvrir largement leur escarcelle pour aider une trésorerie endémique. Se doter d.un Grand Orchestre quand on se veut pôle culturel, ça se mérite.
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Thursday, 15 November 2007
Une polémique avec Philippe Estivalezes
Les indications : andante mouvementé, expressif. Au soprano la ligne de chant enveloppante, coulante. L'accompagnement est à trois temps (3/4) c'est à dire divisé pour chaque mesure par trois groupes de deux. Pourquoi Michelangeli a-t-il changé le rythme. En visualisant la partition on tient peut-être un élément de réponse. Le pianiste a réparti les six croches en deux fois trois notes : trois correspondant à la main droite (en clé de sol) trois à la main gauche (en clé de fa), et il utilise le pouce de la main gauche pour séparer les deux groupes. (le pouce est placé sur la quatrième croche) ; auditivement cela sonne bien, bien mais faux.
Estivalezes est un homme d'un courtoisie et d'une tolérance à nulle autre pareilles. Il est venu ce soir me rendre visite, notamment parce qu'il est un des hommes qui m'ont porté un respect et une indulgence sans doute excessifs. Cest un excellent mélomane qui ne manque jamais un événement et qui passe son temps à courir d'un concert à un opéra, de Moscou à New-York, du Japon en Australie. Un vrai puit de science, doté d'une mémoire infaillible, capable de distinguer la dernière version de la Sonate VIII de Mozart, au dernier concert de Dinu Lipatti, celui où il se mourait à Besançon, de l'avant dernier où il avait encore un peu de force. Et c'est avec cet homme que je me suis disputé, ou plus exactement que j'ai agressé, car de sa part de dispute point, un sourire tenace agrippé à ses convictions, dont vous devinez qu'elles ne sont point les miennes. Opposition de postulats incompatibles.
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Tuesday, 6 November 2007
La structure transactionnelle du Ring
la mécanique juridique de l'Or du Rhin,
chronique d'une catastrophe annoncée
Ring peut se décrire comme une suite de transactions et d'équations formalisables.
Ces transactions sont des "assertions" complexes comprenant les composants suivants :
- Un ou des objets de l'échange (ou du troc, ou de l'équivalence) Les objets peuvent être matériels (la lance) ou conceptuels (l'amour).
- Un à deux personnages ou actants, profitant de l'échange.
- Un catalyseur qui par sa seule présence permet le passage à l'acte de ce qui n'était qu'une idée d l'échange.
- Les lieux de l'échange.
- Des transformations et des mutations qui opèrent un changement dans un objet, par exemple le pouvoir se transforme dans l'argent, la menace dans l'appétit de revanche.
LES ASSERTIONS
1. Les filles du Rhin et leur père Rhin, possèdent l'OR (la richesse potentielle de la nature) afin d'en jouir. Elle craignent que des étrangers le volent et font tout pour les séduire afin de distraire leur attention de la vision de l'OR.
2. Le nain repoussant Alberich, convoite la possession sexuelle des filles du Rhin. Celles-ci, l'allument et l'humilient cruellement. Le nain plein d'une rage impuissante montre son poing dressé (la menace). Mais son attention est alors distraite par l'OR. Les filles du Rhin ont désobéi au père.
3. Les filles du Rhin énoncent l'équation ; Or + Renoncement à l'Amour = Anneau. L'anneau symbolise la richesse illimitée. Elles ne se méfient pas car elles confondent SEXE et AMOUR.
4. Alberich se dit "puisque je ne puis avoir l'amour, autant m'acheter le plaisir sexuel illimité avec l'argent infini de l'anneau". Il passe à l'acte, maudit l'amour et forge l'anneau.
5. Le roi des Dieux, Wotan a bu l'eau de la source du savoir technologique et juridique. Il y gagne la LANCE qui lui donne le pouvoir sur l'humanité ... mais il ne peut se soustraire aux lois qu'il a gravées sur sa hampe. Il perd alors l'oeil gauche, celui de l'intuition et se marie avec Fricka, conventionnelle et raisonneuse, en délaissant Freia, la Vénus humanitas. Ce choix est logique : il a renoncé à l'oeil de l'intuition.
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Introduction aux masterclasses sur le Ring
J'ai eu plusieurs fois Alexandre au téléphone et j'ai l'impression qu'en dépit des difficultés il en a retiré un apport qu'il n'oubliera pas de sitôt. Ce qui a été cependant hautement significatif pour son job de dirigeant, a été la découverte du "problem solving" qui empêche Wotan de dormir à la fin de L'Or du Rhin. C'est qu'il aborde de front les deux problèmes qui assaillent ceux qui ont atteint le pouvoir suprême ou le contrôle sur des masses d'argent illimitées. Le premier de ces problèmes est la difficulté de créer au sein de l'organisation des êtres courageux, motivés et autonomes, alors que la prise de risque devient de plus en plus lourde. Le second est de susciter un contre-pouvoir nécessaire pour éviter la sclérose. Or les dirigeants ne cessent de prôner l'autonomie de leurs cadres, mais dès que ceux-ci essayent d'en manifester des velléités, le cien bureaucratique s'écroule sur leur tête, et les manitous qui les incitaient à la désobéissance, se font curieusement invisible dès qu'il s'agit de les défendre contre les conservateurs les plus rétrogrades qui tiennent les rouages de l'entreprise.
Tel est le sujet de L'Or du Rhin, qui fait appel on le voit à une connaissance profonde des entreprises et des organisations, mais aussi à la perception fine du mécanisme musical de la partition qui raconte à sa manière cette aventure conceptuelle.Mais même cette connaissance est superficielle et ne touche qu'au structurel de surface, et non au structural profond. Ce dernier ne peut être abordé par l'analyse grammaticale et sémantique des séquences des scénarios entre-mêlés.
Ci-dessus, la formalisation sous forme de grammare formelle du début du Ring. Aucun élément du scénario n'est passé sous silence, ce qui montre l'absence totale d'abitraire dans le poème. Ce dernier se réduit à un enchevêtrement de propositions mathématiques formelles et rhétoriques, ainsi que l'a montré avec son logiciel, Madame Gallais-Hammonaud.
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Monday, 5 November 2007
Entrée dans le Ring
Masterclasses pour Alexandre
Je m'en suis déjà expliqué dans un précédent billet sur ► l'argent fou, Le Ring de Richard Wagner est un réservoir inépuisable d'enseignements paradigmatiques, qui ne prennent toute leur utilité et leur signification qu'au début du XXIe siècle. Ils analysent avec une acuité exceptionnelle les rapports complexe entre l'argent-pouvoir illimité, valeur close sur elle-même, étrangère à toute autre, et l'amour. Amour de la femme, amour de la nature, respect des cycles naturels, pleine conscience de la valeur d'une femme. La thèse soutenue dans le Ring, repose sur l'incompatibilité entre l'amour, la nature et l'argent et le pouvoir. Il y a bien des tentatives hypocrites pour avoir le beurre, l'argent du beurre, et la crémière, mais elles reposent sur des faux-semblants qui finissent par se fissurer, puis par s'écrouler.
Des quatre drames qui constituent la Tétralogie, le plus "hard" est certainement l'Or du Rhin, prologue aux trois journées, piédestal de 2h40 à une monument qui en dure quinze. Dans toutes les quatre séquences, on trouverait difficilement une étincelle d'humanité, une once de sentiment. L'obsession du pouvoir illimité, des richesses sans fond, domine toute considération contingente, comme l'avenir de la planète, promise à la pollution universelle. Tous les dés sont pipés. Si l'on excepte les deux figures féminines de Freia (la valeur et la beauté d'une femme) et d'Erda (la prophétesse, émanation de la nature menacée dans son équilibre) tout mentent, tous biaisent, la mauvaise foi domine toutes les répliques.
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Sunday, 4 November 2007
Le roi Cochet
Les deux colombes, au théâtre de la Potinière à Paris.
D'accord, Sacha Guitry n'est pas Molière, mais tout est relatif. Lorsqu'on le compare aux divertissements télévisuels et aux pitreries des stars adulés du public et faisant assaut d'aigreur et de vulgarité, il est un super Molière. Ce qui le sépare des plus grands, outre quelques effets facilesn est la superficialité du fond. Ce n'est au fond que du divertissement, mais de quelle qualité !
La Potinière est un tout petit théâtre un peu pauvre, dans le quartier le plus riche de Paris, non loin du Ritz et du Grand Hôtel. La distribution est dominée par Cochet dont la réputation est légendaire parmi les jeunes débutants de la comédie, qui viennent essayer de comprendre "comment il s"y prend". Autrefois, ils se glissaient dans les répétitions de Patrice Chéreau. Mais les autres rôles sont admirablement tenus de la soubrette, aux deux viragos sus-nommées les blanches colombes en passant par l'extraordinaire princesse russe, plus russe que nature, grande, visage anguleux et princièrement vêtue. Quelle classe !
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