Bouillon de culture
Monday, 15 October 2007
L'art chez les (très) riches
Suggestion ou autosuggestion?
Frédéric Bonnet débarque de Mexico, tout excité. Il a fait l'inventaire d'une des plus importantes collections d'art contemporain du pays afin d'en choisir les meilleures pièces pour monter une exposition qui fera date. Le collectionneur est l'héritier d'une fabrique de jus de fruits, dont je suppose celui de la passion. Il habite Los Angélès dont il ne bouge pas, alors que le gros des oeuvres et dans ce pays qu'il évite pour des raisons de sécurité. Son ambition : constituer une collection qui compte dans le monde, à l'exemple de Pinault, d'Arnaud pour ne citer que les deux seuls mécènes Français.
La collection comprend trois cent pièces majeures, ce qui est suffisant en effet pour attirer un public de connaisseurs. Le reste est constitué de 1700 oeuvres sans qualité, dont une majorité d'horreurs. Par ailleurs la sélection a été établie dans le désordre total, sans aucun plan muséal ou pédagogique. Le mécène a acheté au nez, à l'inspiration, d'après des propositions filtrées par sa directrice qui n' apparemment aucune initiative. Le pire du pire est mexicain et correspond sans doute au goût inavoué du mécène pour ce qu'il est capable de comprendre. Le médiocre vient des galéristes qui font la cour au bonhomme, et profitent de son ignorance pour lui fourguer des oeuvres secondaires de grands noms. Le choix du mauvais vient de la mode, d'artistes dont le look et le chic tiennent lieu de génie. Ceux qu'un très riche doit avoir dans sa collection. Il y avait Clemente naguère à New York, il y a Murakami partout.
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Sunday, 14 October 2007
Poésies chinoises
Vincent à propos de facebox me rappelle qu'il est exempt de toute tentation nombriliste, dont ce blog n'est pas exempt. Voici une recommandation qui ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd. Mon histoire personnelle ne peut intéresser que pour autant elle peut illustrer un propos d'intérêt général, culturel ou médiatique. Malheureusement la tentation est grande de se confier dans les recoins cachés, bouteille à la mer, chant suspendu. Il est vrai que le motif en est la douleur et non le triomphalisme, l'un excluant l'autre. Mais pourquoi se plaindre. Une poésie chinoise m'admonestait :
J'ai laissé en route maints compagnons de ma jeunesse. Ceux-là du moins ne souffrent plus. Ceux-là ont trouvé le repos.
Mais debout lâche voyageur!
Le printemps revient pour toi, les roses vont sépanouir pour toi, et tu voudrais mourir? Sors dans la plus suave nuit de l'année... Il pleut des fleurs de pruniers, qui sécheront tes larmes d'enfant.
La Flûte de Jade. Tai-Chou-louen 942-981. Dans une hôtellerie.
Mais nous sommes en automne, aux portes de la saison que j'appréhende, moi, un amoureux du printemps. A quoi bon de se plaindre alors que le poète vous prête ses mots et ses images. A ce propos, pensez vous que les lettrés capables de tels sentiments, et de les exprimer de façon si simple, si pudique, si sensible, sont les ancêtres des commerçants avides, de la soldatesque sadique qui opprime le Tibet, des financiers ignares et sans scrupules? Où sont les poètes d'antan. Il est vrai qu'on peut en dire autant de la Grèce : où sont passés les Aristote, les Phidias, les Eschyle? Le SMS a tout détroné. Certes Vincent ou poil à gratter ont beau jeu de me dire qu'un média en vaut bien un autre, et popol que le chiffre d'affaires d'Eschyle ne pèserait guère comparé à celui de Madonna. Que voulez-vous répondre à cela?
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Friday, 12 October 2007
Désenchantement
Il arrive parfois que les vagues grises de la déception recouvrent les plaines fertiles de l'imagination. Il suffit de peu pour que la tristesse déborde. Ce soir j'ai laissé tomber mon téléphone portable dans la baignoire. On ne peut plus me joindre. Plus tard, j'ai essayé d'expliquer le Ring à Alexandre Hall-Bentzinger, mais j'étais sans cesse interrompu par des communications urgentes qui me rappelaient qu'il est pris par des occupations autrement importantes que les aventures de Wotan. Je me suis senti misérable et inutile. Que pèse la culture humaniste dans un monde gouverné par le pouvoir et l'argent ?
Pour couronner le tout, j'ai eu droit de la part d'un soviétologue renommé à un discours sur l'âme russe (mais n'est-il pas applicable aux grands qui nous dominent?). Sans penser à mal, les Slaves vous posent des lapins, changent d'idée comme de chemise, renient des promesses jurées dans l'élan de l'instant, pour renier ensuite leur reniement, passent des déclarations les plus chaleureuses à l'indifférence la plus glaciale... Comment l'amitié peut-elle naître et tenir sur ce sol ingrat, balayé par le vent du caprice, où l'oubli gomme les projets les plus audacieux, où tout est mirage? Cette question peut vous laisser indifférents sauf lorsque vous êtes engagés dans une relation amicale et profonde, ce qui est mon cas.
En guise de consolation, j'ouvre mon recueil de La Flûte de Jade, qui a servi de source d'inspiration à Mahler pour son Chant de la Terre et qui mieux que n'importe quelle poésie , résonne dans mon âme. J'en relis quelques uns de ces concentrés de vie douce-amère.
Je me promenais
En files noires de oies sauvages traversent le ciel;
On voit dans les arbres des nids abandonnés
Les montagnes semblent plus lourdes
J'ai trouvé, près de la fontaine, la flûte de jade que tu avais perdue, cet été; l'herbe haute l'avait soustraite à nos recherches. Mais l'herbe est morte, et ta flute brillait au soleil, ce soir.
J'ai pensé à notre amour,qui est resté si longtemps enseveli sous nos scrupules.
Chang Wou Kien 1879
Sagesse
Lorsqu'une femme te parle, souris et ne l'écoute pas. Livre des rites, 7e siècle av.J.C.
Notre bateau glisse sur le fleuve calme
Au delà du verger qui borde la rive, je regarde les montagnes bleues et les nuages blancs
Mon amie sommeille, la main dans l'eau. Un papillon s'est posé sur son épaule, a battu des ailes, puis s'est envolé. Je l'ai suivi des yeux, longtemps. Il se dirigeait vers les montagnes de Tchang-nân. Etait-ce un papillon ou le rêve que venait de faire mon amie?
Chang Wou Kien
Le bonheur
Je suis vieux. Rien ne m'intéresse plus. D'ailleurs je ne suis pas très intelligent, et mes idées ne sont jamais allées plus loin que mes pas.
Les doigts bleus de la lune caressent mon luth.Le vent qui disperse les nuages, cherche à dénouer ma ceinture.
Vous me demandez quel est le suprême bonheur ici-bas?
C'est d'écouter la chanson d'une petite fille qui séloigne après vous avoir demandé son chemin.
Le livre des Rites
Les trois princesses
Au pays de Sin, trois princesses, jeunes et belles, sont assises sur une plage blanche. Elles cherchent du regard une nef qui les emmenerait, très loin, au delà de l'horizon, vers une île qui doit exister, où les femmes sont heureuses. La mer est bleue.
Au pays de Sin, trois princesses, qui ne sont plus ni jeunes ni belles, pleurent debout, sur une plage blanche. La mer est bleue.
Au pays de Sin, trois princesses ,, vieilles et sans voix, sont accroupies sur une plage blanche. Elles jouent avec le sable et s'en inondent les cheveux, croyant que les grains de sable sont des fleurs. La mer est bleue.
La Ksu Feng. IIIe siècle de l'ère chrétienne.
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Tuesday, 9 October 2007
Chronique La vie après la chaire
Pour "l'autre Alexandre"
Je me suis toujours dit que je mourrais, si le Seigneur le permet, en enseignant. Depuis l'âge de cinq ans, paraît-il, je poursuivais les grandes personnes en faisant de grands discours inintelligibles, mais qui ressemblaient fort à des sermons. Plus tard, passés les sept ans, j'accablais mon père, à son retour d'un travail harassant, de longues démonstrations sur la catalyse ou sur l'action de l'air sur l'aluminium enduit de mercure. (Il s'oxyde spontanément et il en pousse d'assez répugnantes concrétions vermiculaires blanches, d'alumine). Mon père essayait de ne rien en faire paraître, mais un soir je l'entendis se plaindre à ma mère : "Qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu pour avoir engendré un pareil phénomène! Je ne peux plus le supporter!).
Plus tard, les quelques jeunes de mon âge horrifiés, faisaient le vide autour de moi. Quant aux filles, parlons-en! Je ne savais pas conduire, pas danser, sans argent pour leur offrir un pot. En revanche je discourais sans arrêt sur l'influence de la mort sur les oeuvres des grands compositeurs, sujet qui me hantait et qui me poursuit encore aujourd'hui. La rançon de cette passion d'enseigner fut la solitude, la solitude totale. J'étais coupé du monde des jeunes et par là de toute possibilité de relation authentique et sentimentale : pas d'amis, pas de camarades, pas de flirts, ... en revanche je m'entendais à merveille avec de grands pianistes, des savants (notamment des cristallographes, des chimistes, des pianistes et des compositeurs), des personnages ayant dépassé les soixante dix ans, et qui plongeaient leur "weltanschaung" leur mémoire et leurs racines, dans l'univers post romantique. J'en héritai et cela consomma définitivement tout contact avec mes contemporains, plus proches d'un existentialisme hédonique mâtiné d'aigreur gauchiste, que de l'idéal des Zweig et des Thomas Mann.
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Monday, 8 October 2007
Chronique
Elle sera sommaire, vu l'heure, et l'analyse et la rédaction du cas TFP qui m'a passablement "pompé". J'ai commencé par me piquer au jeu, par réflexe professionnel, et puis je me suis souvenu, que d'une certaine manière j'étais affectivement impliqué dans cette lutte où des mondes opposés se heurtent de front. Il se trouve que le combat n'est pas équilibré et que Médusa l'emporte par sa haine, son agressivité, ses méthodes soviétiques, l'appui de l'Etat, l'utilisation san complexe du mensonge le plus grossier et de la désinformation la plus tordue. La loi est violée, une terreur insidieuse s'infiltre dans notre pays, et il est important que justice se fasse, que les coupables soient châtiés, et publiquement désavoués. Un commentaire ne s'est pas fait attendre, qui fournit un mémorandum très précis sur les événements factuels de l'affaire. Les amateurs pourront s'y référer.
Mon projet initial a été retardé. Il était destiné à Ben qui attend toujours une liste des disques classiques et la manière de les aborder utilement. La musique est un art beaucoup plus complexe que la peinture, plus abstrait, plus d'ifficile d'accès, mais paradoxalement plus facile à approfondir par un profane intelligent, à cause de sa rationalité qui le rend accessible aux informaticiens et aux biologistes, alors que la peinture est chose mentale, certes, si on en croit Vinci, mais aussi sensuelle, tactile, voluptueuse. On l'appréhende instantanément.
Pour ne pas faire languir trop longtemps Ben, voici un point de départ :
1. Il vaut mieux acheter un seul disque et l'écouter cent fois, que d'en acheter cent et de les écouter une fois. En plus, cela coûte moins cher!
2. Il y a des incontournables des chefs d'oeuvres universels dans leur version de référence. Par exemple :
J.S.Bach. Le clavier bien tempéré, par Richter.
J.S. BAch. L'Art de la fugue par Hermann Scherchen
Beethoven , les trente deux sonates par Wilhelm Backhaus et par Wilhelm Kempff.
Beethoven, les symphonies et la messe solennelle par Arturo Toscanini
Mozart (en DVD) : la Flûte Enchantée par Levine, les Noces de Figaro par Bohm mis en scène par Ponnelle.
Wagner. Le RIng par Boulez- Chéreau (DVD)
Chopin , les préludes par Alfred Cortot, la sonate op.35, funèbre, par Backhaus, le sonate op. 58 par Dinu Lipatti
Mahler , Le Chant de la terre par Klemperer et Christa Ludwig
Moussorgsky, Boris Godounov (DVD) par Gergiev
Tchaikowsky, Eugène Oneguine, par Solti (DVD)
Mode d'emploi. En attendant mes conseils, commandez-les aussitôt que possible, car ces disques ne resteront pas longtemps dans le commerce. Vous pouvez vivre avec , et rien qu'avec eux , pendant quelques dizaines d'années.
Friday, 5 October 2007
La bibliothèque d'Art
Pour Christine
...pour les enfants
Billet réactualisé et complété
L'avantage théorique des ouvrages d'initiation pour les enfants, est qu'ils sont facilement abordables pour les adultes et qu'ils sont tenus à une obligation de clarté. Ils partent du point de vue que l'enfant ne sait rien, qu'il est facilement dissipé et attiré par des jeux vidéo, ou des amusettes et que par conséquent il faut inventer une présentation attrayante, faisant appel à sa curiosité afin de l'emporter sur une concurrence toute puissante. Par ailleurs, ces ouvrages vont vers l'essentiel, les bases, puisque l'enfant est supposer tout ignorer de l'art.
Or ce qui est vrai pour l'enfant l'est aussi pour la majorité des adultes. L'école les a laissés en friche du point de vue artistique, au point que le homard de Vinci et Mickey L'Ange ne sortent pas d'un sottisier mais de copies du bac. Au cas où par miracle, des gens même éduqués auraient autre chose qu'une vague notion des tableaux du Tintoret, de Rubens ou de Klee, ce ne serait jamais qu'un souvenir superficiel. Les queues innombrables qui défilent dans les expositions internationales, les yeux mornes, les jambes pesantes, ne retiennent des oeuvres surabondantes que de vagues impressions ainsi que le montrent des interviewes et des sondages que j'ai effectués tout au long de ma carrière.
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