Wednesday, 23 May 2007
Des goûts et des parfums
J'adore enseigner. On s'en est déjà douté en lisant les "masterclasses". Mais cela dépend quand même des auditoires. Lorsque j'étais à la Wharton School, les undergraduates étaient des affamés de connaissance, curieux, imaginatifs, posant des questions décalées avec bienveillance et naïveté. Au niveau du doctorat,les futurs PHD étaient aussi créatifs, mais avec la connaissance en plus. On peut même estimer que la connaissance, ils l'avaient dépassée et ils désiraient s'aventurer vers les territoires inconnus, avec toutefois le souci de respect des règles académiques. Ils ne seraient pas allés juqu'à admettre la parapsychologie! Cette largeur de vue était réservée aux grands maïtres comme Hazan Osbekhan ou Adrian McDonough, et encore, dans la confidentialité de leur salon. Le problème - pour moi - était le milieu : les graduates, ceux qui aspiraient au MBA. Il y avait toujours parmi eux un "geek" ou une femme savante, dont le seul moyen de se valoriser était de poser au Prof des questions très pointues dont ils connaissaient les réponses , pour ensuite le coincer. Ces prétentieux, agressifs et imbus d'eux même, me rappelaient certains bobos parisiens, ce qui montre que l'ignorance pédante n'est pas un apanage de notre pays.
Le vrai bonnheur pour un professeur, est de tomber sur un jeune en fin d'études, passionné par son métier, jusqu'au fanatisme. Il y a beaucoup à apprendre, surtout si l'étudiant est spécialisé dans une branche aussi différente que possible que la votre. C'est le cas de Raphaël Amanatian, un garçon de 22 ans qui termine ses études sur les "Flavours". Ce terme américain est intraduisible. Il enveloppe aussi bien les notions de goût (la saveur, la sapidité) que d'odeur (parfums, senteurs). Ls quelques rudiments qu'il m'a appris, rejoignent les paradigmes universels, découverts par Lawrence et Lorsch (la théorie de la contingence) et d'une manière plus spécifique, la globalisation à l'envers de David le chameau.
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Repères
"Tout ce qui est politique est culturel, tout ce qui est culturel est politique", me répétait souvent Alain Gourdon, ancien administrateur de la Bibliothèque Nationale, parodiant Jack Lang. Mais en dépit de la banalité de la formule, je ne suis pas loin de la trouver exacte. A condition, bien entendu de ne pas borner la culture à celles des pommes de terre ou de l'internet, auquel cas elle deviendrait tautologique.
J'ai déjà consacré deux livres (Bouillon de Culture, Le défi Culturel) au rapport entre la haute culture (celle des chefs-d'oeuvre qui honorent l'humanité) et la basse culture, qui au mieux vise le divertissement et l'émotion immédiate, et au pire satisfait à nos instincts les plus primaires pour en tirer le maximum de profit. Cette distinction toute socratique, est tout naturellement suivie par l'ensemble des grands artistes et je m'en suis expliqué dans ce blog. Malheureusement l'influence de Medusa, qui refuse toute hiérarchie et pratique l'égalitarisme forcené, a diabolisé cette distinction, en dépit - ou à cause - de sa valeur d'évidence pour la totalité des artistes et des écrivains de tous les temps et de toutes les nations - sauf, bien entendu l'ère de la contreculture qui a sévi à partir de Lénine.
Matrix, la société de divertissement de masse (les armes de distraction massive forgées par l'Amérique) rejoint pour des raisons opposées Medusa. Matrix combat la haute culture parce qu'elle ne rapporte pas d'argent, du moins pas à partir du public banalisé mondial qu'exploitent les grandes firmes planétaires. Boulez ou Mahler, rapportent moins d'argent que Madonna ou Céline Dion. Le grand Public, serait bien en peine de nommer cinq grands artistes de notre temps, toutes spécialités confondues, alors qu'il connaît sur le bout de doigts le nom des chanteurs rapp, du show biz ou du cinéma de divertissement. De ce point de vue, Nicolas Sarkozy, en honorant publiquement Johnny Halliday, Mireille Mathieu et Doc Gynéco, était à l'unisson du peuple, ce qui est sa stratégie.
Mais devenu Président, Sarkozy a compris que de même qu'il représente tous les Français, il doit honorer aussi bien les stars populaires, que les grands hommes qui ignorés du peuple, ne sont connus et accessibles que par une élite. Or devenir une grande cantatrice ou un pianiste virtuose, delande infiniment plus de travail à l'artiste comme au public, mais ce labeur non productif dans l'immédiat, se révèle comme un des fondements de toute civilisation qui se respecte. L'exemple vient d'en haut, mais comment le haut pourrait-il le donner s'il n'était pas guidé?
C'est dans les arts plastiques, que les repères sont le plus brouillés. L'homme politique est soumis à d'innombrables influences incessantes. La pire est le clientélisme : on saupoudre les fonds à un grand nombre d'artistes médiocres et affamés au lieu de les concentrer sur les plus "performants", les têtes de file. Mais losqu'on tient compte de la notoriété, on tombe entre les griffes des galeries qui fourguent aux institutions d'Etat, leurs poulains, tantôt novateurs géniaux, tantôt médiocres épigones, les premiers servant d'alibi aux seconds. Ainsi, même François Pinault est tombé dans le piège,victime de conseiller plus ou moins sectaires, interessés, ou ... les deux. La mode, la spéculation, la promotion par de grandes galeries, les parti-pris de l'intelligentsia sont déterminants. Par exemple Georges Mathieu, Hans Hartung, Leon Poliakoff, qui ont créé d'inestimables chefs d'oeuvre, sont tombés dans l'oubli, supplantés dans leur pays, la France par des nouveaux réalistes, même vulgaires ou médiovres.
Le projet New Wave sélectionne les 25 plus grands artistes du XXIeme siècle. (Soulages, Rauschenberg, Stella et autres classiques, sont hors-concours). Frédéric Bonnet qui est notre animateur et notre professeur, m'a adressé une liste que j'ai commenté à l'intention du pouvoir. Je serais heureux que ces immenses talents mondiaux soient accueillis et honorés par nos officiels -puisque l'exemple vient d'en haut) et que leur oeuvre soit exposée en permanence dans nos musées. Tous peuvent voir les nymphéas ou la Joconde à volonté. Il n'en est pas de même pour un magnifique Jeff Walls ou pour telle video de Bill Viola. C'est à quelques amis qui sont suffisamment proche du pouvoir pour inspirer le Président, que je dédie cette liste. Puissent-ils se convaincre et convaincre autour d'eux les décideurs institutionnels, de la nécessité de se doter d'un réseau de relations dense et du plus haut niveau. Jack Lang ne s'en privait pas, et il a laissé le souvenir d'un homme sectaire, mais cultivé.
La culture ne doit plus résider à gauche, elle appartient à tous les Français, et c'est le président qui les représentent. Je n'en dirai pas plus aujourdhui.
Tuesday, 22 May 2007
La liste commentée des artistes de référence
En rouge les cinq plus importants
En bleu, les artistes Français
En vert les commentaires de Bruno Lussato
John Baldessari (1931)
Artiste californien qui après avoir œuvré dans le champ de la performance, fondateur de l’art californien de la seconde moitié du XXe siècle, s’est distingué par son travail sur le langage et sur la porosité des limites entre peinture et photographie. Son œuvre se caractérise par de complexes assemblages d’image sur le mur.
Baldessari a également produit des oeuvres conceptuelles marrantes : par exemple l'artiste apprend à lire l'alphabet à une plante en pot. Dans ce régistre, il passe pour un des artistes les plus importants de sa génération. Ses grandes photogaphies retouchées montrent un sens dramatique de la composition. Voici un DVD sur l'oeuvre conceptuel de l'artiste.
Dans le premier de ces films conceptuels, on voit simultanément le sable d'un sablier d'écouler vers le bas, pendant que le mercure d'un thermomètre s'élève. Le film s'arrête lorsque les deux colonnes atteignent simultanément le nadir et le zenith.
Matthew Barney (1967)
Issu d’une plus jeune génération, il s’est distingué par une œuvre globale et lyrique, le Cremaster, qui aborde la condition de l’homme et de l’artiste dans une veine onirique. Cette suite de cinq films, réalisés pour certains avec les moyens du cinéma, a donné naissance à de complexes installations sculpturales.
Je suis tombé par hasard sur la gigantesque installation Cremaster, parce qu'elle était exposée au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris qui était à deux pas de chez moi. Je n'avais jamais entendu parler de cet artiste, et les salles étaient désertes... les premiers jours. J'enrage de ne pas avoir essayé de connaître l'artiste, un des plus grands de sa génération. Le Cremaster décrit le combat de l'informe qui essaye de s'organiser, mais aussi le magma indifférencié, asexué, riche de toutes les potentialités. Tout l'espace du Musée avait été convoqué pour abriter des photos, des objets, des films en couleur, une musique un peu funèbre, des mannequins en costume, des bibliothèques, des objets, et même un bar, en vaseline réfrigérée. Un univers obsessionnel et indéchiffrable, d'une complexité et d'une beauté confondantes.
On peut se consoler en achetant le DVD ci-cintre qui n'est qu'un intermède presque chorégraphique. L'artiste qui est un ancien gymnaste, adepte des situations extrêmes, y défend symboliquement l'idée, que toute création importante provient d'une résistance à des forces adverses. On trouve dans cet oeuvre, comme acteur le célèbre sculpteur Richard Serra, dans un rôle initiatique, rappelant les compagnons du Moyen Age.
Daniel Buren (1938)
Artiste français emblématique de la mouvance conceptuelle et post-conceptuelle, interrogeant la possibilité de la peinture après sa remise en cause par l’art conceptuel. Il a fait de l’espace public le terreau de ses nombreuses interventions, qui au-delà du pictural on notamment montré comment cet espace pouvait « absorber » et redéfinir le champ pictural.
Buren, vous connaissez, c'est l'auteur des célèbres et controversées colonnes du Palais Royal. Certaines réalisations font penser à des stores du BHV, pour la bonne raison que ... ce sont des stores du BHV. Ceux qui se gaussent pourront voir à Beaubourg dans l'exposition Air de Paris, un espace remarquable, qui dénote un réel talent. *
Maurizio Cattelan (1960) Artiste italien, volontiers provocateur et facétieux, considéré comme faisant partie des plus importants de sa génération. Son œuvre se distingue par un goût de la provocation assumée, qui en fait une sorte de « bouffon » de l’art contemporain qui touche souvent juste en pointant avec justesse les dérives de la société contemporaines.
Deux installations sont justement célèbres. Dans l'une on voit, dans une immense salle au tapis rouge, le pape Jean Paul II terrassé par une météorite tombé du ciel, après avoir brisé la verrière. Dans un autre, qui fait partie de la collection Pinault, et qui a fait sensation à Venise, on voit un garçonnet prier à genou dans une grande salle, peut-être une église. En s'approchant, on découvre que l'innocent enfant n'est autre que Hitler. Ref. Catalogue de l'Exposition François Pinault au Palazzo Gritti à Venise. Where Are We Going?
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Robert Gober. Work 1976-2007
Schaulager, Bâle, jusqu’au 14 octobre
www.schaulager.org
La rétrospective consacrée à Robert Gober (né en 1954 à Wallingford, Connecticut, vit à New York) par le Schaulager, à Bâle, est un événement à plus d’un titre, et s’annonce comme un des temps forts, si ce n’est immanquable, des pérégrinations estivales des aficionados de l’art contemporain.
Surtout, cette exposition révèle la magistrale complexité et l’absolue cohérence d’une œuvre entamée il y a trente ans, que l’on peut embrasser dans ses divers aspects pour la première fois.
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Monday, 21 May 2007
L'artisanat technologique
Au moment où on annonce le "Grenelle de l'écologie", il n'est pas inutile de s'interroger sur les relations structurales entre la globalisation et la pollution, la destruction des classes moyennes et la concentration démente des moyens de production et la fracture sociale et économique. Le problème est qu'on confond "Force de la terre", essentiellement proche de la nature, et hostile aux mégaorganisations, et "Matrix" qui envahit le monde et le détruit implacablement. Or les sensibilités de gauche, confondent les deux noeuds sémantiques et s'attaquent aussi bien à "Force de la Terre", facteur de prospérité et d' humanité, sinon d'humanisme, qu'à "Matrix" qui en est l'hideuse caricature. Le résultat est inverse à leur but. En effet Matrix est beaucoup plus résistant que Force de la Terre, et d'ailleurs s'emploie également à le détruire.
Par ailleurs, il faut bien reconnaître que les altermondialistes et les écologistes ont raison de tirer la sonnette d'alarme et de manifester contre la mise à sac de la planète. C'est à juste titre qu'ils accusent la politique à court terme des organisations multinationales prédatrices. Le problème est qu'aveuglés par leur idéologie, ils associent Force de la terre, facteur de prospérité, à Matrix, se rangeant eux-même sous la bannière de la contre-culture Medusa. De raison, ils se donnent tort.
L'intérêt de l'initiative de Nicolas Sarkozy, d'officialiser des mouvements jusqu'ici rejetés par la politique à court terme de Matrix, est qu'elle permet d'affirmer les valeurs traditionnelles de la droite Force de la Terre et celles des écologistes. En fait l'alliance est légitime puisque Force de la Terre, contrairement à Matrix, respecte la nature, pense aux cycles longs (on plante des chênes plutôt que des peupliers) et ses valeurs de patrie et de civisme, sa haine du gaspillage conduit à des pratiques que les écologistes en peuvent renier.
J'engage les internautes à se reporter à la seconde partie de David le Chameau et la globalisation, que je viens de finir à l'instant de rédiger. On montrera comment la haute technologie permet d'espérer concilier efficience et qualité. J'espère dans une masterclass prochaine, rappeler la logique des structures cellulaires, qui sont un pas de plus vers l'humanisation des organisations et qui va beaucoup plus loin que la simple décentralisation. N'hésitez pas de poser des questions. C'est le but de ces Masterclasses.
Une histoire de David le chameau
La globalisation à l'envers
(suite de la masterclass 6 ) Cliquez ci-contre
Voici la réponse
Le système traditionnel
Détaillons le processus de fabrication et de commercialisation en commençant par les fonctions classiques. Généralement l'ordre est le suivant : 1. étude de marchés, 2. Recherche et Developpement, 3. Design, 4. commande des matériels : machines outils, 6 Commandes et gestions des stocks de tissu et d'accessoires. 7. Définition des besoins et des quantités. Enquêtes marketing et merchandising, 8. Fabrication et stockage en entrepôt. 9. Logistique : manutentions et transport. 10 Gestion des stocks de produits finis. 11. Répartition des bénéfices aux actionnaires. (fonds de pension). 12. Centrale d'achats du distributeur. 13. Logistique et gestion des sotcks. 14. Merchandising, publicité, promotion est ventes. 15. Gestion du magasin. 16. Liquidation des invendus. 17 Distribution des dividentes aux actionnaires. (fonds de pension)
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