CHRONIQUE
ANNIVERSAIRE ROYAL
Le titre de ce billet est trompeur. Aucun anniversaire prestigieux ne sera décrit, Marina, contrairement aux années passées, sera seule avec moi pour le fêter. Mais le mot "Royal" désigne l'hôtel où il aura lieu, sa problématique, les menaces qui pèsent sur lui.
San Remo, 5h du matin.
L'anniversaire du 9 juillet
Comme je j'ai écrit dans le précédent billet, j'ai passé l'anniversaire de Marina, en tête à tête. Nos amis de naguère boudent l’hôtel qui a augmenté ses prix au moment ou la récession frappe durement les américains… et les autres. Des appels du lointain ont servi de substitut et Sandrine a envoyé un magnifique bouquet de fleurs. Le directeur de l’Hôtel lui a offert un beau cadre en argent massif, le maître d’hôtel un foulard de La Perla, le maître nageur une merveilleuse rose parfumée… Ce qui était important c’était toute la sympathie, la gentillesse, la compassion aussi pour notre commune fragilité, de tout le personnel de ce merveilleux sanctuaire, où les valeurs traditionnelles d’accueil sont encore vivantes.
Je vous ai déjà dit à quel point, en dépit d’une férocité foncière, les Russes peuvent se révéler les plus chaleureux des amis quand on ne les déçoit pas. Nous avons connu un couple attachant. Lui c’est un bon gros nounours, marchand de meubles en Biélorussie en affaires avec l’Italie. Elle est la plus ravissante créature qu’il ne m’ait jamais été donné d’admirer. Une grâce, un sourire illuminant un visage aristocratique, danseuse hors pair, modeste et irradiant la bonté. Le couple nous a invité à l’occasion de l’anniversaire de Marina. Lui a chanté d’une magnifique voix de basse, les excellents musiciens de l’hôtel, dont une chanteuse hors pair, ont consacré une partie de leur programme aux chansons Marina, Marina, et Happy Birthday to you.
Ci dessus des photos de Marina,de moi et des deux Tatiana.
J’ai vu rayonner le visage de ma chère sœur, portée par une telle sympathie. Malheureusement elle comme moi, avons fait des imprudences, Marina était sous l’air conditionné tombant sur sa nuque et moi-même oubliant mes lombalgies, je me suis enfoncé dans un « brise-reins » . J’espère qu’on n’en n’en subira pas les conséquences tout à l’heure.
LE DILEMME DU ROYAL, UN FAIT DE CIVILISATION
Le Royal est un établissement unique dans son genre. C’est un hôtel important, doté de toutes les caractéristiques d’un hôtel de grand luxe : piscine olympique d’au de mer dessinée par Gio Ponti, nombreux salons, salles de relaxation, et fitness, salle bien équipée pour les enfants, personnel polyglotte, service ultra-rapide, important rapport nombre de gens de service par client, etc.
Mais la plupart des hôtels de luxe, en Thaïlande comme au Maroc, répondent largement à ces agréments. La spécificité du Royal, en fait se situe ailleurs.
En effet, cette maison est gérée comme une petite pension artisanale, où la mamma officie à la cuisine, le mari à l’accueil, le fils au suivi des moindres désirs de clients, devenus des amis, des personnalités à honorer, des humains à respecter.
Au Royal vous n’êtes pas un numéro, mais une connaissance dont on prévient individuellement les moindres désirs, à laquelle on se plie aux exigences d’une santé chancelante. Il m’est arrivé de devoir appeler un médecin de qualité, une ambulance … ou simplement un technicien qui m’apprenne à faire fonctionner mon téléphone en panne, tout cela en pleine nuit ! J’ai obtenu ces services avec la plus grande gentillesse.
Un autre exemple : je crains les courants d’air et j’aime bien manger. La majeure partie des hôtes prend un brunch de qualité mais de variété limitée au restaurant de la piscine. Ainsi ils peuvent pratiquer une journée-soleil continue. Il n’y a que le grand restaurant « I fiori di Murano » qui satisfasse votre désir. Cela vous oblige bien entendu à vous mettre en veston, mais en revanche vous pouvez demander votre menu particulier à votre maître d’O qui connaît par cœur vos goûts et ce que vous avez déjà mangé. E merveilleux restaurant n’est fréquenté que par deux ou trois habitués. Une dizaine de serveurs et maîtres d’hôtel est à leur disposition pour satisfaire leurs goûts.
La maison a toujours été la propriété du Seigneur Bertolini, le fils du fondateur, que j’ai connu à Courmayeur au lendemain de la guerre où il tenait le « Royal Bertolini » L’année dernière encore, on le voyait, haute silhouette voûtée affectée par le Parkinsonisme, silencieux et affable. Il était partout et il observait et contrôlait. L’œil du maître, de la race dont on fait les Gérard Mulliez et les François Dalle. Il scrutait tous les minuscules détails qui font qu’un magasin, une usine, un hôtel, baignent dans l’huile. L’exemple de devait être communicatif.
Hélas, Bertolini est mort cet hiver et sa famille n’a ni l’envergure, ni le désir de prendre sa succession qui a été confiée à un directeur, homme de valeur, mais redoutable héritage.
En effet, la récession a fait partir le meilleur, le plus « Signorile » (noble) de la clientèle traditionnelle. Afin d’assurer le remplissage de l’hôtel on a dû accepter la présence de tours recrutés par l’internet ou par des tours-operators. Ces gens-là qui payaient deux fois moins cher que nous, pour des services identiques, étaient au mieux de petits cadres modestes, mangeant chez eux des sandwiches ou le soir dînant dans de petits restaurants, par ailleurs excellents. Au pire c’était des gens très mal élevé, ne contrôlant pas leur marmaille qui parcourait tout l’hôtel et barbotait dans la piscine, courant dans tous les sens en poussant d’insupportables cris aigus. Il me faut, en dépit de ma sympathie pour les Russes, de reconnaître que c’est dans leur classe moyenne que se recrutaient les pires occupants. Père et mère, assistaient placidement, béats, aux agissements de leurs gosses, sans rien entreprendre pour les faire cesser. On finit par les appeler « I barbari ». De même qu’il suffit d’un peu d’eau boueuse pour contaminer une baignoire d’eau claire, il suffit d’une poignée de ces gens pour imprimer à l’hôtel, une ambiance d’hôtel mal tenu, de deuxième classe. Les prix très élevés du Carlton ou de la Cala di Volpe, les met à l’abri de cette engeance irrespectueuse, mais ils peuvent faire le plein dans la haute Société, d’ailleurs insupportablement snob, grâce à leur renom mondial. Mais l’accueil est poli et glacé, totalement impersonnel, à moins que vous vous nommiez Brad Pitt ou Jacques Chirac.
Le Carlton passe sans relâche d’une main à l’autre, d’une multinationale à une autre, il devient écossais, canadien, chinois, tour à tour, le personnel subit une rotation du personnel analogue. Je me souviens qu’un jour lors de mon arrivée dans cet hôtel que je fréquentais depuis des années, une demoiselle les yeux penchés sur son écran, sans jeter un seul coup d’œil sur moi, me tendit ma clé. Le liftier m’introduisit dans la chambre où m’attendait une télévision allumée pour me souhaiter la bienvenue : WELCOME LUSSATO BRUNO MISTER bienvenue tirée des premières réponses du formulaire de police : nom, prénom, sexe…
Admettons que le Royal tombe entre les mains d’une de ces multinationale. On aura tôt fait de supprimer le restaurant à midi, on réduira le personnel, il sera remplacé par des jeunes mal formés, et des bureaucrates venant d’écoles hôtelières homologuées, de firmes comme Cartier, ou Estée Lauder, et ne connaissant rien au métier ni à ses clients. Ce sera la fin d’un mythe.
Mais comment éviter le piège ? J’ai ma petite idée là-dessus et je la réserve au directeur, homme de bonne volonté et de patiente écoute. Puis je vous la livrerai. Mais essayez de trouver vous aussi une troisième voie et faîtes-le savoir.
Bruno Lussato
Lire dans le corps du blog, la suite du journal des temps d'innocence
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