Les circonstances de la publication de Virus
Par Bruno Lussato
Ce texte a été écrit avant que l'ouvrage n'ait atteint sa forme définitive. Notamment le pauvre Kevin Bronstein a été totalement exclu du titre. On le retrouvera dans l'article : Kevin Bronstein, introduction à Virus.
Ce travail est tout sauf spontané. Il commença par une commande, d'une grande firme transnationale, dont les dirigeants qui s'apprêtant à changer radicalement de structure, s'attendaient à toutes les manoeuvres les plus machiavéliques de la part de tous ceux dont le changement dérangeait les habitudes et compromettait le statut.
Une des menaces qui guettait ces dirigeants, était la dénaturation de leurs déclarations, la réinterprétation de leurs messages et de leurs instructions et la manipulation subtile des collaborateurs de l'entreprise afin qu'ils s'opposent, par inertie ou excès de zèle, à la nouvelle organisation. Je me rendis compte que de toutes les manipulations, la plus nocive était ce que j'ai appelé la désinformation, terme qui ne coïncide pas tout à fait avec l'acception commune et notamment, celle vulgarisée par un orfèvre en la matière, le regretté Vladimir Volkoff. Je désigne ainsi un procédé consistant à présenter des faits, soit authentiques, soit inaccessibles, dans un contexte qui leur attribue, par inférence, une signification apparemment objective. C’est comme si leur réarrangement retenait quelque chose du réel qu'il organisait, en transformant en un hybride où le virtuel était inextricablement absorbé par la froide description scientifique.
J'avais ainsi l'occasion de poursuivre un travail que je n'ai jamais abandonné depuis ma jeunesse, et qui consiste à interroger sans relâche les finalités et leur traduction en objectifs et en actions. Mon métier de théoricien de l'information, qui englobe la connaissance de la sémantique et la psychologie cognitive, fut étayé par une pratique quotidienne du milieu de l'entreprise. Jusque vers les années soixante dix, le domaine du management pouvait être sans dommage être séparé de la sociologie des organisations et de l'étude des mouvements idéologiques. Mais aux approches du nouveau millénaire, cette position n'était plus défendable. Le conseiller en organisation ne pouvait se désintéresser des idéologies qui conduisent le monde, ni des stratégies de pouvoir qu'elles mettent en oeuvre pour s'implanter et se combattre. Et de toutes ces armes, la désinformation est la plus importante, car elle procède masquée, et contamine la planète toute entière, à la faveur de la surinformation qui noie les cerveaux.
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