Le dossier de l'entretienSunday, 16 August 2009Le journal du 16 AoûtCHRONIQUE L'HOMME À LA BULLE
C'est moi et la bulle est mon blog.
En effet lorsque je rédige mon billet, ce qui est actuellement mon cas, le monde extérieur disparait, les conversations que l'on tient autour de moi semblent un murmure lointain, mon cerveau est en contact avec vous et exclut toute autre information. Pour les gens qui m'entourent cela est d'autant plus frustrant qu'ils ont l'impression injustifiée que je me terre dans cet univers intérieur quatre à six heures par jour. Or les 90% de ce temps est employé à me battre avec mon Apple pour le faire fonctionner à peu près correctement.
NOTE : L'apple a arrété de fonctionner depuis trois jours.
Le complaisant et hyper compétent Marc Guilhery m'a donné la recette pour envoyer les emails alors que je ne pouvais que les recevoir. Après application de son très compliqué mode d'emploi, je ne puis à présent ni les envoyer ni les recevoir ! C'est catastrophique car je dois accomplir toutes sortes de formalités pour mon voyage en Russie dans moins de dix jours. C'est de tels cas que l'on prend conscience de l'état de dépendance où nous a subrepticement mis le système télématique (faisant appel à un réseau collectif pour avoir accès à vos données personnelles). C'est pour cette raison que j'ai fait imprimer tous mes billets jusqu'au mois de Juillet. Aujourd'hui pour la première fois mon blog est à nouveau accessible. Hier j'ai gaspillé tout mon dimanche à essayer, en vain, de communiquer avec vous.
LA BULLE, MOI, ET LES AUTRES Ce que j'entends par bulle est un état prolongé de concentration sur un sujet bien déterminé, correspondant à un rêve persistant et cohérent. Ce rêve peut être une simple rèverie, une obsession de vengeance ou de gloire, de récit fantaisiste qu'on se conte à soi-même, ce qu'on nomme l'imagination diffluente. Mais ce peut être un travail en cours, tendu vers un projet concrêt et destiné à apporter sa pierre dans la collectivité. Wagner ressasant pendant sept ans les matériaux du Ring sans que rien n'y transparaisse, les multiples remaniements de Faust, les esquisses inlassablement répétées de Léonard, les questions non résolues que se posent Darwin, Einstein ou Bernardo Trujillo, le théoricien de la grande distribution.
Je n'ai cité que des noms célèbres, des êtres arrivés au sommet de la gloire, mais tout être animé par un projet créateur fort, et déterminé à lui donner vie, de le faire accoucher et non avorter, se renferme dans un état second, proche du somnambulisme qui nous coupe des autres et nous donne la réputation d'être un esprit chagrin et asocial. Il est certain que les choses ne sont pas si simples et que bien des créateurs sont en même temps socialement adaptés et capales de s'extraire de cet état. Proust, Oscar Wilde, Chopin lui-même étaient intégrés à leur environnement. Pierre Boulez entretenait des liens très étroits de bien des personnalités politiques.
Je dois reconnaître que malheureusement je vis presque exclusivement dans cet état de concentration excluant le milieu extérieur, même si son objet est très varié. D'en d'autras termes, on me reproche d'être "trop sérieux" et cela explique certainement la difficulté de me trouver une épouse (je me suis marié à 43 ans !) voire même des amis. Les deux qui me sont fidèles Olaf et Socrate, me voient à petite dose.
Marina hier soir trouva dans ce trait de caractère la raison de l'abandon d'Axel Poliakoff. Voici un jeune homme, hédoniste, aimant s'habiller, conduire de belles voitures, fréquentant la jeunesse dorée, face à un vieillard malade, sans fortune, sans avenir, l'accablant de son affection encombrante et malade d'anxiété dès que son petit fils adoptif fait preuve d'indifférence ou pis encore, de mépris courtois. Il suffit que quelques amis bien intentionnés le calomnient pour se donner un pretexte à rupture.
Je me souviens à ce propos, qu'en pleine violence contestataire de Mai 68, je fus toujours respecté par les plus barbares des révoltés. Jamais personne n'aurait porté la main sur moi. On me dit souvent que j'étais comme protégé par un mur de glace.
Sans doute l'enveloppe transparente de la bulle.
Monday, 22 June 2009Le journal du 22 juin 2009(suite)CHRONIQUE DERNIER JOUR À DEAUVILLE
Le temps est de plus en plus radieux. Nous regrettons de devoir regagner la capitale polluée, étouffante et pour moi, devenue claustrophobique.
J’ai été entouré de tant d’amour et de sollicitude que j’en ai puisé le courage nécessaire pour lutter. Il y a d’abord la tribu Auchan, ma seconde famille, et tout particulièrement Henri Mathias, Arnaud Mulliez et Vianney. le trio si proche de moi. Il me tarde de connaître à nouveau la joie de me retrouver à Lille, au milieu de leur chère famille et en particulier Sophie, cuisinière émérite et femme de caractère, courageuse et aimante, et la « Baronne » une internaute active et à l’intelligence aigue.
ACCUEIL Certes tous mes amis lillois ont été interloqués d’apprendre par le blog, la nouvelle de ma conversion. Mais ils ont compris qu’il ne s’agit pas d’un OU BIEN , OU BIEN, une foi rempçant une autre, mais d'un ET, une foi s’ajoutant, complétant, enrichissant les autres. Je n’ai pas choisi une nouvelle religion, bien au contraire, je suis revenu aux sources, d’avant le Concile de Nicée, cette Eglise fondée par Pierre et qui est restée depuis à peu près inchangée. Ce sont le catholicisme, puis le protestantisme qui sont venus infléchir, humaniser et enrichir l’orthodoxie, chargés des monuments culturels et artistiques qui sont l’honneur du monde occidental. Mais pourquoi opposer des faces différentes d’un même cristal? Le thème étant fourni par l’orthodoxie brute, faut-il négliger le variations qui n’en sont que les transformations changeantes ? Le musicien vous répondra : non.
PANNE
LE JEUNE PUGACHEV, l'enfant terrible et son père SERGEI
LE DOIGT DE DIEU
Continuer à lire "Le journal du 22 juin 2009(suite)" Saturday, 17 January 2009Le journal du 17 janvier 2008CHRONIQUE Fin de parcours
J'ai tenu à terminer mes conversations autour de "La nuit des Rois" avant de vous quitter le 20 Janvier à 8 heures pour un plongeon dans l'inconnu. J'espère que vous aurez pris le soin de relire la pièce en bilingue et que mon successeur S*** aura la bonté de me remplacer au gouvernail de ce petit blog.
J'ai été heureux de communiquer avec vous, même aux petites heures de la nuit, ponctuées par les problèmes récurrents de mon misérable serveur. Evitez Orange, c'est le conseil que je puis vous délivrer. Autre conseil, dès que vos moyens vous le permettront, passez à APPLE. Tous ceux qui le peuvent font de même. Convivialité et antivirus garantis.
Peut-être trouverai-je le temps d'une nouvelle communication. Je n'aimême pas consulté le nombre de visiteurs qui doit être en baisse notable,Shakespeare est difficile.
Bonne nuit
Bruno Lussato
Monday, 20 October 2008Le journal du 19 octobre 2008CHRONIQUE Le point sur l'entretien
Ma visite à la Bibliothèque Nationale de France où sont entreposés mes manuscrits, m'a donné quelques inquiétudes sur leur sort : tésor ou dépotoir? Foyer de connaissance ou cimetière?
La plupart de mes amis sont partisans de dupliquer l'original tels quels, et parmi eux, un ami avocat enthousiaste qui a été jusqu'à demander à une sienne amie éditeur, de venir voir la suite de ces volumes, dans la perspective d'une édition in simile.
Cela me parait tout à fait illusoire. La photo ci-dessus montre le volume de la version dite "peau d'éléphant".
Ci dessous la couverture du volume IX représentant la séance de tirages de tarots chez Mme Reubenstein
Si ce format dépasse le A4 traditionnel d'un album conventionnel, on peut en fire autant pour les premières versions calligraphiques classiques.
Ci-dessus, une page du codex Pepys vol. II. Le département des hyperréalistes. En haut Estès, en bas Morley.
Ci-contre, un pot de merde, exemple prophétique d'art Scatologique (à ne pas confondre avec la merda d'artiste de Manzoni.
Ci-contre, l'oeuvre de Manzoni qui a inspiré le détail ci-dessous de L'Entretien, Pepys II.
Ci-dessus la page de Pepys II montrant l'Estes dans sa totalité. Continuer à lire "Le journal du 19 octobre 2008"
Posté par Bruno Lussato
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Saturday, 20 September 2008Le journal du 21 septembre 2008CHRONIQUE La Russie et l'occident
Ce sujet m'a été demandé à plusieurs reprises, mais il est particulièrement difficile à traiter car d'une part la situation ne cesse d'évoluer, de l'autre les analyses disponibles sont empreintes de présupposés doctrinaires et reflètent plus les opinions et la vision de " l'expert " qu'une réalité, même fragmentaire. Le pire est la vision dite géopolitique, qui considère l'Occident comme un tout et n'établit aucune distinction entre la Grande Bretagne et la France par exemple.
Il est évidemment des gens, d'ailleurs très nombreux, qui connaissent bien la situation et savent la suivre, mais il ne vont pas s'en vanter. Moi-même, je ne puis exprimer librement mes opinions, de peur de transgresser les limites de la confidentialité.
NATALIA NAROCHNITSKAYA. Foundation for Historical Outlook Moscow
1. Le background de la mésentente : le vieux schisme orthodoxie-catholicisme de 1054.
3. La Russie a vaincu Hitler et Napoléonqui eux-même ont mis à genou le reste de l'Europe : humiliation des Européens.
4. Les Européens ne veulebt pas dépendre de l'énergie russe
5. L'Europe et l'Occident ont profité de la faiblesse russe sous Eltsine, et l'ont méprisée pour cela. Is ne respectent pas les naïfs, les faibles;mais paradoxalement, on supporte encore moins son réveil. 6. Les Russes occupent tous les domaines du pouvoir : ressources, territoire, volonté, cerveau, science, cerveau, équipements militaires, personnels qualifiés. Jalousie et gêne de l'Occident.
7. La Russie est une nation d'un tel niveauque sa seule exiustence pose un problème à l'ordre mondial et dérange tous ceux qui veulent un ordre unipolaire.
8 Le retour de la Russie à l'orthodoxie gène l'Occident matérialiste, qui l'est plus que la Russie ex-soviétique.
9.La Russie est une barrière naturelle contre l'islamisme, mais refuse d'être instrumentalisée par les Américains contre l'iSLAM. Pouchkine a dit que l'Europe a été sauvée des Mongols par les Russes, et les Russes pensent que bnous sommes ingrats. Les Russes reprochent aux Américains d'avoir appuyé les Tetchènes. La Russie est une barrière naturelle.
L'Europe comme entité historique et géopolitique devrait bénéficier d'une Russie forte plutôt que redevenue faible et s'unir pour la survie de l'Europe. L'Europe a peur de mourir pour que quoi que ce soit car le libéralisme met la vie physique au dessus de tout. La Russie a subi deux fléaux : le communisme et le libéralisme. La dernière épée contre la Russie fut le communisme qui lui fit perdre une pârt de son identité et, hélas quand il a été vaincu ke virus libéral a poursuivi son action contre l'identité.
COMMENTAIRES DE Bruno Lussato.
Très judicieuse explication mais qui a l'inconvénient d'être trop globalisante. Les facteurs locaux ont leur poids et en Occident, L'Amérique ne réagit pas comme le Danemark et comme la France.En particulier ce pays a joué un rôle particulier en exportant dans le monde l'anticléricalisme (les lumières) la bureaucratie à la française (Crozier, Gélinier) le règne de la raison pure (Alain Minc) et en y ajoutant la haine des riches,la jalousie et le mépris. Les petits juges mal payés, les syndicats, la gauche revancharde sont un obstacle au progrès et réprouvent les excès dispendieux et le m'a-tu-vu des Russes, qui sont cependant admis chez les riches arabes du golfe. Ces facteurs jouent un rôle de frein puissant qui contrecarre la forte inclination des Russes pour la France. Ajoutons à cela la lâcheté et l'avarice petite-bourgeoise des notables français, répandus dans la population et le rôle mondial de la presse et des "intellectuels". Il serait une grave erreur de sous-estimer le rôle particulier de notre pays dans les relations avec les Russes. On attribue à la fois un rôle exact à la presse (cf. la chute de Lehmann) et exagéré (la force des choses l'emportera toujours). On sous estime également la chute culturelle grave de 'lOccident (les armes de destruction massive). Enfin il manque la distinction entre civilisations fondées sur la notion d'appartenance (l'islam) et celles qui sont dépourvues de tout patriotisme et de toutes chaleur communautaire (le libéralisme à outrance et la spéculation débridée).
On aura remarqué que mes billets sont en avance sur les parutions. C'est que j'établis des réserves car j'envisage des voyages et je ne disposerai pas d'un ordinateur pour le blog. Vous aurez ainsi de la lecture d'avance. J'ai quelque remords d'avoir gaspillé des billets pour retranscrire la quasi totalité d'un ouvrage aussi personnel que le Livre de LH. Mais après tout il fait partie d'une catégorie admise (le dossier de l'entretien) et je considère que la fin est ce que j'ai fait de mieux depuis que ce blog existe.
Avant de passer à la situation géopolitiquen à autre chose, un problème de chronologie se pose. Les évènements décrits dans le livre de L.H. ont-ils eu lieu en 1962 et la source est-elle originale?
En 1962, soit voici 44 ans j'avais 31 ans ce qui ne correspond guère au récitt .A 31 ans, ma vie était déjà orientée selon de nouvelles voies, au BHV et au CNAM.
Si je me reporte à la description des lieux et des êtres, je trouve les éléments factuels suivants:
- Je connaissais Max Lorenz, et Flagstad dans Tristan et Isolde. - j'allais , crois-je, à Recloses et j'étais maigre comme un clou. Je faisais de la calligraphie.
- mes protecteurs étaient M.Canat, mme Lapp, Mme See. je collectionnais les minéraux,(M.Guillemin).
- J'improvisais et je faisais de la poudre aux yeux. J'étais au lycée CARNOT.et mon modèle était un superbe suédois blond, Nicolas Martin, qui me dédaignait et qui me tolérait à cause de Flagstad. Je finis par ledominer et et descendis même chez lui, dans la Lorraine. Il s'était à la fois embourgeoisé et provincialisé. Piteux. Je crus par la suite trouver des succédanés de L.H mais tous finirent mal. J'habitais au Grand Hotel. bien entendu et mon père travaillait dans les surplus américains (la snvs) avec pour assistant un certain Gilbert Bokanowsky, qui joua le rôle de LOUIS XVI dans le film de Sacha Guitry. Les deux hommes fumaient comme des pompiers dans la chambre 152.
A 32 ans, j'étais déjà apprécié au BHV, ma carrière était amorcée et je me vois plutôt comme débutant ayant tout juste en quête d'un emploi. Tout cela ne correspond guère à la larve minable que Lasse avait connue. C'était donc avant. Mais quand?
Je fouillai alors méthodiquement dans mes écrits et ce que j'y trouvai me stupéfia. Dans tout ce que j'avais produit avant 1962, il n'y avait rien.
Rien.
Absolument rien. Comme si une amnésie scripturale s'était abattue sur mes archives. Tout avait pris un départ fulgurant en 1962. Que s'est-il passé en 1962? Pourquoi 1962?
En revanche, je dénichai collées dans de vieux albums en décomposition, des photos. Je les détériorai hélas en essayant de les décoller, sans penser à les photocopier!
Continuer à lire "Le journal du 21 septembre 2008" Friday, 19 September 2008Le journal du 20 septembre 2008CHRONIQUE Fin du livre de L.H.
J'avoue que cette nuit je n'attendis pas de retranscrire la fin du récit. La volonté d'en connaître sans tarder la suite l'emporta et je m'installai confortablement au lit, rognant sur ce qui me restait de temps disponible pour préparer mes plans de travail, et me ménager un peu de sommeil. C'est qu'en fait l'intrigue devient baucoup plus confuse et disparate et qu'il est difficile d'en démêler l'écheveau. Je serai donc emené à en couper des segments nombreux et significatifs.
LA NUIT D'AMOUR DE MADEMOISELLE VH.
Mademoiselle Van Holten et sa fille étaient de vagues connaissances du beau Oscar, dont nous admirions tous la désinvolture et la fortune souriante. La mère, grande femme osseuse au menton énergique dépensait ses ressources à la prospection d'un mari pour Maggie, qui lui convint. Voyages, toilettes et vie mondaine mettaient en valeur une fille que Oscar trouvait charmante et horripilante.
Un Samedi soir, après dîner, j'attendais Lasse qui avait coutume de bavarder avec moi avant de draguer les étudiantes au Boul'Mich. Non loin de nous, Mme VH me fit un petit signe amical que, par politesse, j'échangeai froidement par un bref salut. Il n'en fallut pas davantage pour que la douairière fit voile vers nous, remorquant sa mijaurée de fille. " Mais quel plaisir de vous retrouver, après votre brillante conférence d'hier! C'était pâssionnant, mais oui, vraiment paâassionnant, pas vrai Maggie". Maggie ne répondait pas, fascinée par le jeune homme qui lui souriait, ce qui incita la mégère à répétrer d'un ton pénétré : passionnant, Maggie aussi était passiönnée, elle ne parlait que de vous. Un tel puits de science à votre âge : la minéralogie, l'astrologie, la chimie, la télépathie, quelle chance ont vos parents..." La bavardage de la vieille perruche me contraignit à lui présenter Lars,-bien à contre-coeur - Il les invita à dîner pendant que la Van H. m'accablait de ses compliments afin de laisser parler à son aise sa fille. J'étais d'autant plus furieux que mon ami donnait dans le panneau avec une surprenante naïveté. Il proposa même à Maggie de passer le week-end à Saint-Germain-en-Laye à trois. J'allais refuser de jouer le chaperon quant je surpris le regard menaçant de Lars qui savait fort bien se faire comprendre de cette manière." Ce n'est pas dans les principes de mon enfant que de partir ainsi avec deux jeunes gens, mais vous connaissant comme un esprit sérieux, je ferai une entorse à la coutume à condition que vous me disiez où vous comptez vous rendre et l'heure de votre retour. "
Maggie ne pouvait cacher sa jubilation bien qu'elle tentat de la dissimuler sous un air supérieur qu'elle attribuait à une demoiselle de la High Life. En me souhaîtant un "bonsoir, cher à demain" elle me tendit sa blanche main avec une telle désinvolture que je dus me retenir pour ne pas la gifler.
En allant chercher dans le hall du papier à lettres je rencontrai de nouveau la reine mère dont la fille était allée pêcher un taxi."Quel jeune homme charmant que votre ami, me dit la matrone - et si comme -il -faut. Il n'est pas étonnant qu'il vous soit si attaché. Mais si, mais si, l'expérience m'a appris à déchiffrer l'expression des yeux . Quand il vous regarde à votre insu quelle affection ! Mais est-il sérieux? Tenté de lui répondre "non !" je le décrivis comme un sentimental fleur bleue en dépit de son apparence de Viking. Bref, un grand timide.
De surcroît cette femme rouée avait senti l'argent derrière la façade ordinaire du jeune homme, comme le cochon sent la truffe.
Avant de monter me coucher, je frappai au 134. Je déclarai fermement à Lars que je n'avais aucune intention de jouer les dames patronesses. "Tant mieux - répondit-il- je n'avais nullement l'intention de t'emmener ! . Qu'as-tu donc? tu serais de trop,et puis, tu as le mal de mer, toi. " "Elle est antipathique. Je ne comprends pas comment tu te laisses embobeliner ainsi. "Tu ne l'as pas bien observée. Bon. D'accord. Elle est un peu fadasse, mais elle a un corps magnifique, des seins à croquer et une peau d'une fraîcheur ... " Lasse épouserait-il cette mijaurée? Je me souvenais de ses yeux moqueurs et brillants, quand il raillait mon mal de mer.
Lundi j'étais fier de dîner avec Guillemin, spécialiste des "plombs" et dont j'espérais obtenir quelques beaux cristaux de phosgénite de Monte-Poni en échange d'anglésites vertes. Je venais de m'habiller avec soin c'est à dire comme un vieillard : complet gris, pull-over gris, cravate à pois de Poirier, quand on frappa à la porte. Trop tôt pour le dîner avec Guillemin, et d'alleurs ce n'était pas lui mais qui donc? Une madame Van H. visage congestionné en un curieux état. Sans attendre que je l'y invite, elle entre au 648, la chambre de ma soeur. Que désirez-vous? - Vous parler! " la voici en train de me débiter à toute vitesse, une histoire incroyable, entrecoupée d'injures, où il est question de sa pauvre Maggie, violée et torturée par un monstre dont je suis le complice. Cela me coûterai cher - où, si j'étais insolvable, à mes parents responsables de mes actes. Où sont-ils?
Je poussai madame Van dehors en refermant la porte derrière nous. Allons chez Monsieur Hall, nous y serons mieux pour nous expliquer. - "Il n'est pas là répondit la mégère. - Il ne tardera pas à entrer, j'ai la clé de son salon. Ce qui était hélas exact, car je me préparais à y recevoir Guillemin au 136.
Dand le salon rococo, à l'abri de l'intrusion de mes parents, je retrouvai mon sang-froid. Madame mère me raconta avec force détails ecoeurants, comment Lasse avait enlevé sa victime, violée et martyrisée atrocément toute la nuit avant de la ramener évanouie chez elle. Mme Van Holten l'avait découverte pantelante à son retour (elle faisait des courses) et en coup d'oeil avait tout compris.(Tiens, me dis-je). Elle s'empressa d'appeler un médecin. ll serait forcé de... de ... - de l'épouser? complétai-je douceureusement. ..." Oh non, Ma Maggie ne voudrait pas de ce cannibale! "
Elle m'en dit tant et si bien qu'ébranlé, je finis par la croire. La quantité des détails suppléait à leur réalisme.
Larse apparut à la porte de communication et je lui demandai de se justifier. Il ne répondait toujours pas. Madame van H commença par l'invectiver, mais elle fut froidement interrompue : " Je sais mieux que vous ce qui s'est passé, j'y étais" dit-il. Faites-nous grâce des détails et venez-en au faits. Que recherchez-vous? Un procès? Je ne vous le conseillerais pas si vous tenez à la réputation de mademoiselle votre fille, et à votre place, voyez-vous, je n'ébruiterais pas cet incident. Je crois même que je l'oublierais."
La furie paraissait s'être refroidie.. En regardant Lasse, je compris pourquoi. Immobile adossé au chambranle, pour une fois bien habillé en bleu foncé, cravate rayée, montre en platine, les yeux étincelants dans l'ombre, il en émanait des ondes de terreur. Je ne l'avais jamais vu ainsi. Sa voix était musicale, avec un accent léger, mais très basse et murmurée.
Mes nerfs prirent alors le dessus. Les récits des actes impunis des nazis, les mauvais traitements infligés par mes camarades du Lycée Carnot de Paris, me firent perdre tout sens du ridicule. Je pris le parti de la veuve et de l'orpheline et assurai Madame présumée veuve, et que ma sympathie lui était acquise. L'attention de Lars se concentra sur moi et il me dit doucement " Tais-toi. Nous parlerons de tout ceci plus tard".
Mais j'étais allé trop loin et sans réfléchir j'aggravai ma situation par des paroles très dures, affirmant que si procès il y avait, je témoignerais contre lui.
Mais la mère outragée à mon profond étonnement, me dévisagea avec mépris, haussa les épaules et glapit quelques injures à l'adresse de Hall qui la fixait toujours sans bouger. Soudain elle fit volte-face et partit précipitamment. La porte claqua et le silence s'appesantit dans la pièce. Il faisait tout à fait sombre. M. Guillemin allait survenir d'un moment à l'autre. L'essentiel était de partir au plus vite sans se retourner. FIler avant qu'il ne réagisse. J'étais paralysé par la peur comme dans ces cauchemars où on se sent des semelles de plomb. Lorsque j'esquissai un mouvement, Lasse dit calmement : reste... Nous devons parler. Ton ami ne viendra pas, j'y ai veillé". Il alluma puis se balança un peu comme je l'avais vu faire avec le pauvre R***
"Á nous deux maintenant...Ainsi tu porterais témoignage contre moi?"
La gorge serrée, je ne pouvais me défendre ni me justifier. Il vit cela et je crois qu'il n'en tira aucun plaisir. Alors, reprenant espoir je lui dis des mots qui durent l'apaiser. Pourrais-je me libérer?
Il me suivit dans l'ascenseur, croisa une jeune fille brune et très élégante. " Mon amour, dit-il, ce sera pour Lundi prochain, j'ai une affaire urgente à régler" Il lui parla longuement à voix basse et elle sourit de plaisir.Cela me donna de l'espace et je quittai le liftier quand il me rattrapa d'un bond en me poussant dans l'ascenseur. "Alors, tu veux m'échapper? me dit-il en riant. Je sentis que je ne m'en tirerais pas si facilement.Je me retrouvai coincé, non pas au 136 mais au 134, la chambre à coucher, pour une fois en ordre. Lasse fut d'une gentillesse inattendue, comme si rien ne s'était passé. Je retrouvai mon personnage familier. Il se mit comme d'habitude torse nu el en shorts. Ma peur apaisée, la rogne monta en moi. Je ferais mieux de me taire, le terrain était mouvant. Sans se fâcher il dit que j'étais un adolescent attardé et que je ne connaissais rien aux choses de l'amour. J'étais mortellement humilié et se moquant de moi, il me conta par le menu sa nuit d'amour avec Maggie. Cela me fit l'effet d'une horrible révélation. Je découvris que l'acte amoureux peut être brutal, pervers, prémédité. Lasse balançant négligemment ses jambes parla de la joie de broyer une femme, en comprimant toutes les fibres les plus intimes de sa chair, de la sentir se débattre, puis céder ouverte au désir le plus intense. La joie de la contemplée anéantie après l'étreinte. Car bien des femmes sensuelles désirent être maltraitées, leur nature est masochiste, sans quoi elles ne supporteraient pas nos attouchements. Il faut d'ailleurs aller très lentement avec ces amoureuses leur faire savourer chaque instant de supplice. Bien qu'elles s'en défendent je sens combien elles sont satisfaites.C'est autre chose que l'amour bourgeois et tranquille des cocus moraux et sentimentaux selon ton modèle.mais non, je ne suis pas un monstre ajouta-t-il en souriant, c'est toi qui tu te mêles de juger, toi qui jamais ne prendras femme.
Une tendance du pervers essentiel, avais-je appris, est sa tendance à assassiner le surmoi d'autrui de meurtir par l'hédonisme ce qui fait la raison d'exister, d'affaiblir sa charpente morale. En ce sens Lasse était un pervers. Et je ne voulais pas me laisser pervertir. Mon surmoi réagit vigoureusement pour son intégrité. Fou de rage, je lui dis ce que je pensais de lui, et aussi ce que je n'en pensais point. Je dus dépasser toute mesure car soudain il se mit debout et je sus qu'il allait attaquer. Ses yeux lançaient des éclairs et soudain il bondit sur moi, m'étendit sur le grand lit et posa son genou sur ma poitrine, appuyant d'abord légèrement, pour m'empêcher de me dégager, puis de plus en plus lourdement. Une douleur atroce irradiait à partir de là. Il me deshabilla et s'allongea tout du long sur mon corps malingre. La sensation d'être écrasé, chaque fibre tendue à se rompre, avec de brefs répits, je la connus par la suite à l'höpital, mais sans cette humiliation destructrice. Des ondes de douleur ondoyaient sous ma peau, dans les tréfonds de mon corps. Je pleurai de honte et de souffrance.
Allait-il me tuer? Il en était capable en ce moment. Mais il y avait ses yeux. penché sur moi il les plongea droit dans les miens. La mèche qui barrait son front m'aveuglait. Il s'était à présent couché confortablement sur moi et je compris qu'il allait m'étouffer. Je fixai ses yeux comme une planche de salut. La pupille s'élargit assombrissant le regard. Un instant auparavant ekke était réduite à une fente minuscule et les yeux étaients verts et cruels comme d'un chat de gouttière. A présent, ils étaient violets comme ceux des gosses du nord de la Scanie. La prunelle formait comme jadis un anneaux très clair entouré d'un cerne sombre. Comme les poètes le chantent, ses yeux ressemblaient au ciel et à la mer. J'y sicernai les vagues que j'entends dans les coquillages, un océan trouble aux lots verts et violets. C'était la combinaison de ce vert émeraude clair et de ce bleu violet, qui donne la couleur si spéciale du regard de Lars ce bleu des tapis de haute laine de Copenhague, du ciel de Recloses par jour de mauvais temps. N'est-il pas étonnant que le souvenir dominant de tant de souffrance, soit une magie de couleurs?
Je ne puis dire ce qui se passa après, sinon que la douleur se retira comme un reflux océanique, sous l'apaisement de ce regard. Comme une amnésie ou une anésthésie bienfaisante. Il ne bougea pas tout au long de cette correction, mais je subis un choc sévère. Je ne sais comment je me retrouvai dans ma chambre dans une profonde torpeur, un sommeil sans rêves; moi, l'insomniaque chronique. Continuer à lire "Le journal du 20 septembre 2008"
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