CHRONIQUE
Les objets purs s'entourent d'hommes purs
Les objets purs s'entourent d'hommes purs
Les hommes purs s'entourent d'objets purs
Les objets impurs s'entourent d'hommes impurs
Les hommes impurs s'entourent d'objets impurs.
BOUDDHA
Cette citation correspond à une réalité. LH III veut acheter un appartement de prestige à Paris. Marina et moi courons toutes lesagences pour trouver la perle rare. Et voici qu'une des relations Mme X*** aussi mondaine qu'on peut l'être me parle d'un somptueux duplex au Trocadero avec une vue à 360°. Je m'y pointe avec Mme X***et LH III. C'est une véritable horreur. On pouvait s'en douter car son pédigrée est Alain Delon qui coula des jours fastes avec la pauvre Romy Schneider, puis le roi Fouad. Mme X*** nous fait l'article : admirez la vue qui donne sur la Seine, la nuit on voit passer les péniches, c'est enchanteur. Et la vue sur la tour eiffel imprenable etc... En fait ce duplex n'est pas du tout au Trocadéro mais à l'extrême bout de l'Avenue du Président Kennedy, donnant côté sud sur les gratte-ciels, coté nord sur tous les immeubles de la rue Raynouard. Mais la décoration toute en marbre, faux tableaux de maïtres, salle à manger pour trente personnes, est non seulement la plus kitsch et hideuse que j'aie jamais vu mais dépassant de surcrît ce qui est imaginable. LH III silencieux comme d'habitude se vit montrer les monstrueuses baignoires, les toilettes pour invités pouvant accueillir simultanément six personnes, et possibilités de mettre une piscine sur le toit ! Lorsque nous nous trouvames en tête à tête, il était furieux d'avoir ainsi gaspillé son temps et, lui qui la veille était enchanté d'avoir vu ma bibliothèque, radieux à l'idée de la posséder un jour, redevint sérieux et glacial comme d'habitude. J'appris plus tard que Mme X*** avait comme toute référence une employée de la BNP ! Cet objet impur rejeta l'homme pur qu'est LH III.
En revanche je vis hier le plus beau appartement que j'aie jamais vu. Il était tout entier en bois précieux, y compris le plancher. Les bibliothèques splendides qui ornaient les murs étaient chargées d'objets des Arts Premiers, en particulier d'Afrique, de même que chaque pièce de l'appartement. L'union de cette collection qui peut rivaliser avec le musée du quai Branly, et ce bois exotique, me remplit d'enchantement. Mais j'eus un scrupule: cette demeure était exigeante. Il manquait des chambres d'enfants et une chambre maîtresse séparée de la chambre à coucher principale. Mais il y avait autre chose. Que donneraient ces murs vides des tableaux de Hartung, de Lam, ou de Fautrier, qui les peuplaient an alternance avec des bibliothèques immenses mais désepérément privées de tout objet? Ce n'était guère possible, à moins de tout raser ce qui eût été un acte de vandalisme. Ce magnifique lieu était voué à la haute culture et pas n'importe laquelle. Le seul choix qui restait à L.H III était de constituer à son tour une collection muséale et pas n'importe laquelle. Par exemple la statuaire chrétienne médiévale ne cadrait pas avec le lieu. A force de dialoguer avec des gens cultivés, je trouvai deux crénaux : d'une part un collection de la céramique depuis les Gourgans persans du XI siècle qui inventèrent la glaçure, jusqu' aux magnifiques poteries des artisans de Vallauris et signées Picasso ou Braque. Le second choix était de collectionner l'art premier (primitif) de l'Amérique du nord, et en particulier de l'art esquimau. Il est encore possible de les avoir à un prix élevé mais accessible.
Voici donc un cas dans lequel l'objet pur ( en l'occurrence, la maison) impose sa volonté et manifeste son désir de s'entourer d'homme pur. LH III convenait particulièrement à cet objectif étrangement ambitieux. Je n'ai jamais connu de jeune désirant se cultiver tous azimuths, comme un prince de la Renaissance. Je lui donc parlé ce soir et il m'e comprit au vol. Je crois qu'il aurait trouvé bon qu'en tant qu'héritier d'une longue est prestigieuse dynastie, il prenne place parmi les grands fondateurs culturel de ce monde.
Par ailleurs, les lieux que vous habitez - en admettant que vous soyez libres de votre choix, impriment leur marque sur votre personnalité. Si les autres appartements étaientsimplement prestigieux, ils auraient filtré leurs visiteurs et donné à leur habitant une aura de "m'as-tu-vu' de mauvais aloi. Au contraire en appartement comme celui dont je viens de vous entretenir, ajoute au prestige qui s'y attache et qui est du niveau le plus élevé, une atmosphère de haute culture, séparant ainsi L H III de la masse des nouveaux riches. Et cela il l'a compris.Il est possible qu'en voyant cette de meure il ne l'aime pas, qu'il la trouve trop mal adptée à ses besoins. Mais l'important à mon sens c'est que je crois que dorénavant il fera passer les exigences culturelles au même degré d'importance que le prestige.
Denier exemple tiré de mes souvenirs. C'était voici au moins quinze ans et j'étais conseiller du Président d'une grande firme d'informatique. Il m'invita à visiter le lieu flambant neuf et ses bureaux conçus dans le même style. J'avais une réputation sulfureuse pour tous les jeunes informaticiens notamment à cause de ma détestation pour la HI-TECH et par mon prêche sur la haute culture.
Lorsque j'arrivai dans la mégapole technologique en béton, verre et plastique, je constatai que les murs étaient couverts de graffitis, le sol était jonché de débris innomables, et la lumière trop forte et morte en même temps.
Je fus accueilli dans l'amphi où je devais prononcer une conférence, par des vociférations obscènes, un orchestre Rapp, des cris d'animaux et des rires méprisants. Impossible de me faire entendre. Je leur dis alors, en hurlant pour couvrir ce vacarme " Vous illustrez parfaitement mon hypothèse : les lieux barbares suscitent autour d'eux la barbarie. Je vous excuse par ce que lorsqu'on voit où vous travaillez est fait pour des zombies, et vous êtes des zombies, vos actes sont en parfaite adéquation avec votre environnement". On était en présence d'une boucle de feed back positive : l'environnement déjeté suscitait une anticulture qui poussait les jeunes intoxiqués à saccager l'environnement. Il s'y cachait un désespoir, un mal de vivre non déclaré qui poussait à cette forme de suicide de l'humain en nous.
J'appris plus tard que les "jeunes" avaient été stupéfaits et désorientés par mes attaques et qu'ils désiraient tous me réécouter. Mais voici un exemple où un objet impur (la mégapole) s'entoure d'êtres impurs. Un exemple parallèle est connu et oublié de tous. On a besoin de policiers et de gardes musclés, pour limiter laviolence dans les matches de boxe, de football, ou les discothèques. A-t-on besoin d'un service d'ordre pour garder les salles de concert?
Il est 5h40. Je n'ai guère été raisonnable car j'ai attrapé hier un épouvantable rhume de cerveau, dont je suis venu à peu-près au bout, a force de paracétamol, d'occilococcinum et d'autre remèdes de bonne femme. On m'a recommandé de dormir tôt, le temps de m'en débarrasser. Mais voici que la tentation a été la plus forte. Par ailleurs je me suis aperçu de la disparition de magnifiques encres de Chine de Zao-Wou-Ki, de grands dessins de Wilfredo Lam, et autres oeuvres de plus grands maîtres, faites pour moi. Tout ce que j'ai trouvé est un dessin fait pendant la guerre et qui montre ma chambre à coucher.On remarquera sur une étagère des livres reliés : les oeuvres de Shakespeare traduites par Montaigu. Il y manquait un volume contenant le Roi Lear et Macbeth, que je ne connus que tardivement.
J'ai retrouvé également de documents datant de 1955, ce sont les seuls rescapés de la disparition de tout ce que j'ai produit avant 1962. Ce sont mes cahiers de cours, et mes fiches "antisèche". C'était l'époque où je connus LH I
Bonne Nuit et à demain.