CHRONIQUE
Caricatures
Le moment est venu de vous livrer une interprétation de l'immense parabole qu'est le texte Typhon, ainsi que divers commentaires qu'il a suscités.
Le premier commentaire vient de ma muse préférée, qui n'avait alors lu que l'introduction du récit. Elle avait peur que celui-ci ne verse dans la caricature. La suite de celui-ci devait lui donner raison dans la mesure ou MacWhirr est un personnage vraiment caricatural. Cela nous mène à nous interroger sur la nature et l'intérêt de la caricature qui pour bien des gens a une connotation négative que ce soit à l'égard de l'artiste qui se livre à ce genre mineur, ou du sujet ainsi portraituré. C'est que l'inculture générale les porte à prendre pour référence les "nuls", les dessins satiriques du canard enchaîné ou des masques de carnaval. C'est ne pas faire grand cas des chefs-d'oeuvre de Daumier ou des grands dadaïstes. Mais les connaît-on?
Indépendamment de ces cas d'exception, où les artistes étaient conscients de leur rôle de caricaturistes, il est des périodes et des cultures, ou la caricature est la règle constante.Si l'on appelle caricature le procédé qui consiste à forcer le trait pour faire rire ou à des fins expressives, un bon exemple est donné par la numismatique romaine, qui au contraire de l'art hellénistique, loin d'idéaliser les empereurs ou les héros, les portraiture en faisant ressortir les moindres défauts quand il y en a (Auguste, Hadrien, en sont dépourvus) de façon à améliorer la ressemblance, un peu comme les dessins satiriques visant les dirigeants actuels.
Je vous donne ci-dessous un exemples d'effigies tirées de pieces romaines.
Ci-dessus les empereurs Vespasien, Gaius (Caligula) et Hadrien.Au dessous Brutus, le héros de Shakespeare. On découvre dans ses traits accusés (sans doute forcés) le petit parvenu avide et sans envergure.
Note : Cette pièce exceptionnelle, la meilleure des onze connues dans le monde a été acquise par la Deuxième Fondation.
Comme on a pu le constater, pour les monnayeurs romains, caricature était expression de vérité et vérité de l'expression.
En ce qui concerne la litterature, l'universalité de la caricature ne se discute même pas. Que serait Molière ou Balzac sans ces personnages décrits au vitriol et tournée en dérision? Ce n'est que la musique qui n'offre que peu de prise à la caricature. Une plaisanterie musicale de Mozart, Ariane à Naxos ou le Rosenkavalier de Richard Strauss figurent parmi les rares exemples.
La caricature et la vie
Notre éducation si souvent tournée vers l'ironie et la dérision, n'admet cependant pas la caricature comme art à part entière, sauf quand il est couvert par l'alibi de l'ironie et de la dérision. Notre caractère modéré abhorre ce qui est illogique et exagéré. Quand un La Bruyère tourne dans ses Caractères en ridicule les moeurs de sont temps, soit. Le propos est toujours écrit avec finesse et satisfait notre amour pour la logique. Mais il en est tout autrement pour les tirades des fous de Shakespeare ou des sorcières de La nuit de Walpurgis de Faust I (Goethe).
Mais ces propos ne sont guère valables dans le cas où les personnages de l'écrivain sont eux-mêmes des caricatures. Et c'est précisément le cas de MacWhirr. L'approche d'un typhon économique mène à la découverte stupéfaite de ces personnages obtus, incapables de voir plus loin que le bout de leur nez. Des Macwhirr abondent à tous les niveaux de la Hierarchie et tout particulièrement en Hollande patrie des dirigeants sérieux, conscencieux et disciplinés, en un mot professionnels à 120% ! Un certain nombre d'entre eux raisonnent exactement comme le héros du récit.Cela est même plus fréquent qu'on ne l'imagine dans notre propre pays. Alors que nous dansons sur un volcan, des manifestants et des bureaucrates se préoccupent de leur plan de retraite et d'une grève dans une île qui vit en parasite. Les managers que je connais fixent à leurs directeurs des objectifs ambitieux et déplorent une baisse de CA comme si elle était de leur fait. Ils agissent exactement,comme s'il se ne devait se passer rien d'excessif, et que cette crise n'était qu'une des péripéties qu'ils avaient déjà expérimentée dans leur carrière. Ils demandent avec anxiété : quand croyez-vous que la crise finira, alors que la bonne question est : quand croyez-vous que la crise éclatera?
Le texte Typhon contient une surprise, un double fond caché. A vous de le découvrir. Essayez de deviner, car la clé est bien en évidence sous vos yeux et autour de moi personne ne s'en est douté.
Sur ce défi, je vous dis bonne nuit, faites travailler vos méninges!
Bruno Lussato 23h07
Rosenkavalier