Chronique
Photos de la vente du siècle
Je devrais recevoir prochainement les photos officielles de la vente avec autorisation de les diffuser sur le blog. En attendant, je vous communique quelques images prises à la fin de la dernière session. Auparavant vous voyez la version Jésus de L'Entretien dont je vous entretiendrai plus bas.
Me voici avec l'équipe impressionnante et hyper efficace des téléphonistes de la
vente du siècle.
.Me voici à la fin de la vente, auprès du podium, tout content d'avoir acquis un lot, qui s'est révélé apocryphe;
Potins de la vente
On dit qu'une grande partie des tableaux achetés chez Alain Tarica, ne se sont pas vendus. J'avous pour ma part que Tarica ait vendu des Gericault au couple, lui dont le père dédaignait mes Tàpies.
Lorsque je visitai l'exposition de Koons à Versailles, la foule était indescriptible. J'attribuai cet engouement à la la curiosité,, par la provocation de l'artiste. Mais point du tout! Nul n'avait entendu parler de Koons. On était là uniquement pour voir Versailles!
De même l'enthousiasme pour la vente du siècle ne toucha que peu nos couches populaires. France-Soir n'en a fait aucune mention, ni mon employée de maison. Cette dernière qui sait mieux manier un ordinateur qu'un grille-pain, n'avait que vaguement entendu parler de l'évènement. Mon avocat et ami Me Daninos, me fit don d'un livre extraordinaire de Leo Perutz : Le Judas de Léonard, datant de 1959 et traduit de l'allemand en 1987, éditions Phébus. Saisi d'un soupçon, j'interrogeai mon employée : savez-vous qui est Léonard de Vinci? - Oui, ça me dit quelqie chose,ce n'est pas un roi? Réponse digne de "Le Homard de Vinci". Est-ce l'effet de la télévision, de l'Education Nationale, de l'environement? Le fait est là. Pourtant la télévision française couvrit remarquablement bien l'évènement.
La mise au net de L'Entretien
Vous vous souvenez peut^etre de ce manuscrit à peintures, sélectionné par la BNF pour figurer, honneur suprême, dans la salle des manuscrits anciens à Richelieu. L'ouvrage original comprend plus de vingt volumes de grand format, mais la première mise au net était calligraphiée avec des couleurs précieuses: or à la coquille, vermillon naturel, Lapis-Lazuli etc. Les petits volumes in-8 qui servent de support à ce travail monastique, sont une interprétation moderne de la reliure du journal de Samuel Pepys, célèbre chroniqueur, volumes vendus voici 30 ans chez Rizzoli 5 th Avenue à NewYork. Cette merveilleuse libraire en acajou et bois précieux vendait des fac-similés culturels : posters, livres d'heures, et des livres de pages blanches dont le Pepys. L'emboitage annonçait : "tout ce qui manque à ce livre de faire un chef-d'oeuvre, c'est vous. " Ne pouvant me payer un original, je relevai le défi en réalisant mon propre "chef d'oeuvre" (Au sens d'oeuvre de compagnonnage". Ce fut le célèbre calligraphe Claude Mediavilla qui m'initia et traça l'alphabet du "chef d'oeuvre". Je remplis ainsi un volume et un autre qui resta en suspens. Une des raisons à cela, est que je perdis mon acuité visuelle et je fus obligé de porter des lunettes. Une autre était le temps pris par la réalisation d'une page : plus de trois heures et demie. Ce temps était trop lent pour suivre ma pensée qui était bien adaptée à la spontanéité et la tolérance à l'erreur des livres carrés, aujourd'hui les originaux. Depuis j'en tirai un grand nombre de moutures imitant les livres de J.M.Ricci ou encore des innovations numériques,sur photoshop.
Aujourd'hui je décidai de faire le ménage dans ce texte foisonnant et choquant dans bien des pages. A ne pas mettre entre toutes les mains! C'est un grand travail de re-création et j'avais le choix entre deux solutions : de grands volumes format Jésus, très majestueux et permettant une exécution rapide. Vous en avez un exemple en tête de ce billet. Les matières employées, sont de qualité moyenne : gouaches Uni Posca, Or et argent Pentel, grands titres au feutre calligraphique etc....
L'autre possibiliité fut de continuer le manuscrit Pepys, abandonné voici trente ans pour les raisons que j'ai mentionnées. Il y en avait une autre. Dans un souci de variété, j'adoptai une caroline (du temps de Charlemagne) mais je m'aperçus que ni cette écriture, ni la gothique, ne me convenaient. Elles étaient pour ma main, contre-nature. Mon écriture normale, prevenant sans doute de mes ascendances florentines, est l'humaniste: droite ou cursive, dite de Chancellerie (Cancelleresca).
Je me procurai chez Sennelier les matières précieuses nécessaires : poudre d'or et d'argent, gouaches à l'oeuf, aquarelles Rowney etc. (voir ci-dessous) sans compter les précieuses plumes calligraphiques Brause, de 2mm et de 5 mm. Hélas des déconvenues m'attendaient, dues à la perte d'un savoir-faire des grands fournisseurs de ces produits nobles. Si c)ela vous interesse, continuez la lecture sur le corps du billet..
De bas en haut : petits pains d'or (pur) et d'argent à la coquille. Mortier pour broyer les couleurs, pierre à encre et son bâton, brunissoir en agathe, boite de voyage Rowney contenant un réservoir d'eau et un godet, couleurs Rowney et Windsor et Newton, tempera à l'oeuf Sennelier.
Ce matériel est de qualité bien inférieure, de son équivalent d'il y a trente ans. Par exemple la boite portative d'aquarelles Rowney est d'une finition grossière à la peinture, alors qu'elle était jadis cuite au four. Les temperas de Musii à l'oeuf et au miel, utilisées pour retoucher et retoucher les tableaux anciens, ont disparu, il est impossible de s'en procurer et la liste est illimitée.
Le monde n'est plus ce qu'il était, les objets le savent.
Tout à fait par hasard, après avoir fait mes achats, je retrouvai, enfoui dans un cartable et des étuis de sanglier sauvage (Gucci dixit, en réalité du carton bouilli recouvert d'une croute de porc).Tout ce dont je m'étais servie voici trente ans, s'y trouvait rassemblé. Je pus ainsi constater la subtile baisse de qualité et de soin qui en trente ans est devenue choquante. Les plumes Brause,existaient en 1,2 mm, les aquarelles Winston et Newton, de qualité transcendante. En place des gouaches à l'oeuf, je trouvai un témoin précieux fabriqué par Bourgeois : les temperas brillantes, à l'oeuf et au miel, dites gouaches de Musii, et employées pour retoucher les livres d'heures et les rétables médiévaux. Je décidai de ne pas toucher à la malette et à la garder comme souvenir.
Un autre problème m'attendait, les pages et les miniatures du volume Pepys, surtout le deuxième, étaient d'une telle finesse, que tous ceux qui les ont vus se demandent comment ils ont pu être réalisés. Le malheur est que je ne sais pas moi-même. Je crois que j'utilisais des rotring à fil extrêmement fin, de l'épaisseur d'un cheveu, mais cela ne me donne pasla clé de la recette.
En revanche, la réalisation d'une page est exaltante car on se demande comment se présentera la page suivante! Chaque page est une création unique et un défi conciliant artisanat et innovation. Tous ceux que j'ai consulté préfèrent de loin les livres Pepys à leur version plus rapide , de format Jésus.
Ci-dessus,une page particulièrement difficile à réaliser à cause de la dimension de la gravure suspendue en haut de la vitrine.
Ci-dessus l'agrandissement de l'estampe encadrée.
La plupart des visiteurs pensent qu'il s'agit d'une reproduction, mais la date et la signature prouvent qu'il s'agit d'une variation perverse d'une estampe authentique.
Je suis incapable de rééditer ce tour de force et je ne me souviens pas des instruments utilisés. Ce que je sais en revanche, c'est que je n'ai jamais utilisé une loupe. J'ai dû sans le vouloir imiter les graveurs de camées et de monnaies grecques et romaines, encore que l'on sache qu'ils utilisaient des pantographes.
L'artisanat au temps de Léonard
Je vien de terminer cette nuit l'excellent livre de Leo Perutz que m'a offert Me Daninos. C'est un livre qui rappelle l'art d'un Stefan Zweig (concision en moins) ou d'un Kosinski.
Ce livre se lit comme un policier, il rappelle The Daughter of Time de Joséphine Tee, en mieux écrit. Précipitez-vous pour l'acheter si vous êtes attriré par l'humanisme. Merci à Me Daninos.