CHRONIQUE
La nuit des Rois (suite)
Je viens d'acheter deux éditions bilingues : celle de Laffont dans Bouquins, et celle toute nouvelle de Gallimard dans la Pléiade traduite par un homme de théâtre pour le théâtre.
L'analyse de Victor Bourgy pour "Bouquins" est proche de la vision toute personnelle que je vous ai présentée lors du billet précédent. Après avoir fait re marquer que la nuit des rois est l'épiphanie qui suit de douze jours Noël et qu'elle est propice à la fin des réjouissances, il dément que le titre "comme vous voudrez" dénote une désinvolture de l'auteur pour sa pièce, qui au contraire est la plus murie et la plus aboutie de la série. Il démontre que la division en romanesque et théâtre de marionnettes, est fausse. En fait tous les personnages sont fortement intégrés, partageant la même propension à la rêverie et à la mythomanie ou à l'illusion, si l'on excepte Viola et son jumeau.
A ce propos, Shakespeare a introduit pour la première fois le thème de la gémellarité, point nécessaire à l'intrigue. Il suffit pour cette dernière que les frère et soeur se ressmblent suffisamment pour entrâiner une méprise, ce qui est le cas de toutes les sources de la comédie. On rappelle que Shakespeare fut très affecté par la mort d'un de ses jumeaux.
Un exemple d'intégration, est l'attention dont Olivia est le centre : Orsino (ne serait-ce qu'un mois) Viola-Cesario, Messire André, Malvolio, sont tous amoureux de la comtesse. Orsino de son côté n'aime pas Olivia ni Viola, mais l'amour. Il est inconstant tout en proclamant sa fidélité.
Un ressort troublant, que je rappelais à propos de La confusion des sentiments de Stefan Zweig, est la passion homoérotique, notamment d'Antonio (l'Eraste) pour Sebastien (l'Eromène). Il s'ensuit une liaison amoureuse sans résolution, à la différence de celle d'Orsino pour Cesario. Les souffrances homoerotiques sont longuement décrites dans les Sonnets où c'est le poète qui est victime de cette passion.
Dans La nuit des Rois il serait donc faux de ramener le plan à une intrigue principale, sérieuse,et à un théâtre de marionnettes séparé, pièce rapportée en quelque sens. La fusion de l'ensemble porte la contradiction au sein même de toutes les répliques, elle envahit la pièce et la traduction du club français du livre intensifie le contraste.
Dans le prochain billet, vous trouverez des exemples de traduction.
Pour l'instant je m'emploie à retrouver des travaux sur Word, qui bien qu'enregistrer ont mystérieusement disparu. Avis à Emmanuel s'il lit ce billet.
Bonne nuit et à demain.
Bruno Lussato