CHRONIQUE
Anticipation
Ce n'est pas une erreur. Si j'ai anticipé la date du journal de un jour, c'est d'une part pour sauvegarder mon billet sur Goethe qui risque de s'évanouir commeles trois autres moutures (et j'ai bien fait, car la même erreur vient de se reproduire tout à l'heure. Généralement elle survient quand on enregistre), d'autre part parce qu les journées d'aujourd'hui et de demain risquent d'être surchargées.
Hier soir, alors que je désespérais de le voir un jour, le jeune homme glacial, appelons-le L.H.2. m'a téléphoné, ainsi que son frère et son père le chancelier. Une telle simultanéité est étonnante, et j'aurais pensé que LH2 aurait été téléguidé si je ne connaissais son indépendance d'esprit. Je lui ai dit ce que je pensais de mon attitude peu honorable, ce chantage à l'affection déçue et j'ai remis les choses à leur place. Bon. Je ne suis qu'un professeur, un initiateur et même un maître, mais rien de plus, rien en tout cas qui m'autorise à demander la moindre bribe d'affection. Néanmoins,je suis libre de lui donner la mienne,unilatéralement et sans limite. Il a paru soulagé et m'a invité au restaurant japonais. Devant mon appétit pour les bonnes choses il s'est tout à fait détendu et il a ri de bon coeur. Il a voulu me revoir ce soir et passer du temps avec moi, et je crois que cela lui faisait plaisir.
C'est à propos de notre relation que j'ai eu l'idée de vous parler d'un aspect de la Nuit des Rois de Shakespeare, la plus nostalgique, la plus ambigüe de l'auteur, la plus négligée aussi. Son homosexualité à peine déguisée, proche de La confusion des sentiments de Zweig contraste violemment avec les passages d'une ironie violente, inconvenante,dont je compte vous parler,si mon serveur le permet.