CHRONIQUE
Principe de précaution
Ce billet est la continuation du précédent : "en relisant Goethe". Il est destiné à limiter les dégâts dûs à mon serveur à la noix, réseau orange.
En relisant Goethe (suite).
(Faust saisit le livre et prononce le signe de l'Esprit, l'air mystérieux. Une flamme rougeâtre s'allume, l'Esprit apparaît dans la flamme.
L'ESPRIT:
Qui m'appelle?
FAUST (détournant son visage)
Effrayante vision !
L'ESPRIT
Tu m'as attiré avec force,
tu as longtemps aspiré à ma sphère,
et maintenant...
FAUST
Hélas ! Je ne le supporte pas !
Commentaires
L'excitation de Faust se mue en terreur sacrée. Les points d'exclamation sont toujours aussi nombreux. Il ne peut supporter la présence de l'Esprit. Ce dernier le raille et lui reproche son manque de courage, en le traitant de ver craintif voulant échapper à son étreinte.
FAUST
Dois-je, être de flamme,reculer devant toi?
C'est moi, je suis Faust, je suis ton égal !
L'ESPRIT
Dans les flots de la vie, dans le torrent des actes,
je monte et je descends,
je souffle ici et là,
naissance et tombe,
océan éternel,
va et vient,
vie incandescente.
C'est ainsi que je travaille au métier sonore du temps
et ourdis le vêtement vivant de la divinité.
FAUST
Toi qui dans ton vol parcours le vaste monde,
Esprit industrieux, comme je me sens proche de toi !
L'ESPRIT
Tu ressembles à l'Esprit que tu conçois,
pas à moi ! (Il disparaît)
Ces vers splendides dénotes plusieurs réminiscences. L'ERDGEIST ressemble à s'y méprendre à Ariel, l'esprit de la Tempête, oeuvre ultime et ésotérique de Shakespeare. De même la description de l'Erdgeist est pleine de sous-entendus ésotériques qui acroissent sa puissance d'évocation. Plus tard, dans le début du second Faust, on entendra sonner les cloches du temps pour figurer le passage des heures. Schumann a mis en musique d'une façon remarquable la texture sonore qui imprime le texte et le son, de l'Erdgeist.
On admirera l'extrême concision du discours, les phrases courtes dont le sens déjoue la prétention de Faust. La scène se conclut sur un anticlimax : "tu ressembles à l'Esprit que tu saisis, pas à moi ! L'anticlimax se prolonge et s'accentue avec l'arrivée du cuistre Wagner en robe de chambre et en bonnet de nuit, une lampe à la main, intervention aggravée par ses propos prosaïques : "Pardon ! Je vous entends déclamer.; vous lisiez sans doute une tragédie grecque?
PROCHAIN BILLET : EN RELISANT SHAKESPEARE.La nuit des Rois.