L'avocat du diable
On aura compris en lisant mes différentes notes sur l'affaire Battisti, que ma conviction était faite : Battisti est coupable, et ceux qui les soutiennent obéissent à des mobiles inavoués, ou sont tout simplement sous influence de Medusa. La thèse de la désinformation est d'autant plus fondée, qu'il ne s'agit pas là d'une conjonction d'invidus isolés exprimant leur intime conviction, mais d'une levée de boucliers massive et cohérente, influencée par des présupposés politiques (Battisti est un résistant, pas un criminel, c'est la droite berlusconienne qui lui en veut etc...) et utilisant toutes les ressources de la réduction de la dissonance cognitive.
Afin de ne pas tomber dans ce piège, nous devons utiliser le procédé de l'hypothèse nulle. Il consiste à ne relever que les faits admis par l'adversaire en faisant abstraction de ceux qui sont invoqués par les autorités. On considèrera donc comme nulles les conclusions des différents juges, italiens ou européens de même que leurs inférences. Nous relèverons alors, s'il y en a les contradictions internes et les invraisemblances entraînées par cette posture. L'inquisition italienne utilisait ce moyen de prévenir les fausses dénonciations et les vengeances. Ceux qui s'aviseraient de la critiquer feraient bien de se reporter aux règlements de compte après l'occupation, ou encore les méthodes expéditive de la Révolution Française, gardienne supposée des Droits de l'Homme!
Le test de l'hypothèse nulle
Nous allons accorder le bénéfice du doute à Battisti, en ignorant délibérément les faits invoqués par la Justice et en ne retenant que ceux qui sont admis, ou que l'adversaire est incapable de nier. Autrement dit les informations falsifiables.
Banditisme
Battisti a purgé deux ans de prison pour banditisme classique.
Complicité
De son propre aveu Battisti est un participant actif du groupe des Prolétaires armés pour le communisme (Pac). Non seulement il était au courant de ses assassinats, des braquages et de expéditions punitives, mais il les revendiquait haut et fort. Il pouvait le faire, se sentant en sécurité dans la France de Mitterrand.
J'assume mes responsabilités politiques et militaires de ce que furent les années 1970 en Iralie... Je n'ai pas de pardon à demander à un gouvernement qui a ramené le fascisme au pouvoir (Berlusconi)... Je plaide coupable et j'en suis fier.
www.mauvais genre.com, novembre 2001
Les assassinats du Pac : meurtres ou actes de résistance?
De quelles opérations Battisti se déclare-t-il solidaire? Du meurtre d'un gardien de prison à Udine (6 juin 1978), d'un bijoutier de milan(16 février 1979) d'un boucher de Mestre, le même jour, et d'un policier à Milan. Il faut bien que quelqu'un les ait tué (encore qu'on puisse adhérer à la thèse infalsifiable que le meurtre du bijoutier est un accident).
La contradiction interne est flagrante. Ou la peine de mort est admise ou elle est combattue. Or tous les partisans de Battisti considèrent la peine de mort comme un insulte à la dignité humaine. Ils sont donc obligés de considérer que Battisti et son groupe ont du sang dans les mains et sont répréhensibles. (Même si l'on admet la validité de l'exécution de traitres, de fascistes et de bourreaux).
Autre contradiction : ou la gravité d'un assassinat dépend de la conviction de celui qui le commet, ou au contraire on estime qu'un mort est un mort, qu'il soit de gauche ou de droite, et qu'une famille dans la détresse ne doit pas payer pour les opinions d'un de ses membres. Dans le premier cas on défend les terroristes qui égorgent leurs otages devant les caméras, et les bourreaux qui en Chine décapitent ou écorchent vivant un condamné, obéissant à une Justice expéditive que Segolène Royal leur envie. On ne peut contester le bien fondé de cette opinion : elle est infalsifiable. Dans le second cas, conforme à notre civilisation occidentale et à ses lois, on dissocie le crime de ses mobiles idéologiques. Ce qui en revanche est contestable car pourquoi accorder des circonstances atténuantes à un meurtre passionnel et point à un assassinat politique, ou à un acte de terrorisme? Après tout les complices de Battisti ont tué par passion voire pour l'amour de l'humanité.
Il faut donc admettre que les signataires des pétitions pour Battisti établissent une distinction entre assassinats idéologique et assassinats commis par esprit de lucre ou par vengeance. Dans le cas contraire, ils sont obligé de juger Battisti pour complicité et non assistance en personne en danger. Il aurait donc dû dénoncer les bourreaux (au sens propre du terme). Or nul ne songe à nier qu'il ne l'a pas fait. Bien au contraire, il faut reconnaître qu'il n'obéissait pas à une pression quelconque, à la peur ou à une réaction de légitime défense. Les victimes étaient hors d'état d'attaquer et de se défendre. Battisti était donc du parti des bourreaux.
La gauche qui, solidaire, a pris en ce temps-là la défense de Battisti, a décidé qu'être complice du meurtre d'un homme, peut être un acte légitime, et que ce sont les autorités qui veulent le châtier qui sont coupables de vouloir le priver de liberté. Cette attitude est proche du Syndrome de Stockholm antérograde. Dans un cas comme dans l'autre, les assassins revendiquent un combat idéologique, ils incitent leurs victimes à combattre les forces de l'ordre. Ce n'est point une accusation mais une constatation.
Théorie du complot
Dans tout ce qui précède, nous nous sommes rangés à la thèse des partisans de Battisti : ce dernier a été victime d'un complot rassemblant outre Mutti, des complices repentis non sujets à pression comme Cavallina, qui persiste à déclarer que non seulement Battisti était complice. Ce dernier déclare haut et fort qu'il était pour l'action en tant que bras armé du Pac. Battisti répond qu'il était bien armé, mais qu'il ne s'est pas servi de son arme! C'était sans doute pour jouer.
En revanche, en suivant la thèse des amis de Battisti, tous les juges italiens ou européens sont coupables d'avoir cédé à des pressions politiques (Berlusconi étant l'instigateur du complot). Les centaines de pages du dossier judiciaire sont niées comme des montages, et soustraites à la connaissance de leurs partisans et du public pour ne pas diffuser des informations mensongères. C'est exactement l'attitude du professeur qui exige de ses élèves qu'ils déchirent sans le lire, un texte, au motif qu'il est contraire à la liberté d'expression. (cf. Le Cercle des Poètes disparus analysé dans Virus).
Malheureusement la théorie du complot soutenu par le nouveau Mussolini (expression de Battisti) n'est plus tenable, dès que l'honnête Prodi et la gauche italienne dans son ensemble, soutient la même interprétation des faits que le fasciste impérialiste Berlusconi. D'où la fracture au sein même de la gauche des pro et des contre Battisti.
La thèse de l'illégalité du jugement par contumace.
Elle est destinée à soutenir l'exigence d'un nouveau jugement pour Battisti. J'avoue, qu'étant donné le climat social en Italie, la quasi totalité de la population ferait pression sur les juges, rendant impossible une réduction de peine du complice des assassins. Il serait donc de bonne politique d'accorder aux partisans de Battisti, satisfaction à leur revendications. Mais deux arguments empêchent les juges italiens de suivre cette tactique en apparence payante.
1. Ce serait violer la loi italienne et désavouer la Cour européenne des droits de l'homme qui a validé l'intégralité de la procédure par contumace italienne, qui a été appliquée en 1994 à propos de l'ancien premier ministre socialiste Bettino Craxi, sans que nul ne s'en émeuve. Ce serait reconnaître aussi que toutes les autorités judiciaires ont moins de poids pour rendre la justice que la parole d'un président socialiste, donnée dans un contexte exalté et idéologique. Ce serait faire triompher la parole des partisans du condamné sur la justice italienne et européenne.Ce serait faire prévaloir le religieux qui ne dit pas son nom (c'est à dire l'idéologique) sur le compromis et le juridisme occidental, le Rest sur le West.
2. Cette tactique ne serait payante que si les partisans de Battisti jouaient selon les règles de l'ouest. Or ce n'est pas le cas. Ils auraient alors beau jeu de dénoncer à nouveau les pressions que Prodi aurait subi de la part d'une population partisane, et de pratiquer la chasse aux sorcières.
Fred Vargas et Bernard-Henri Levy n'ont il pas proclamé " qu'eux vivants les forces de progrès ne laisseront pas traîner jusqu'au bûcher" celui que Bertrand Delanoë a décrété cotpyen d'honneur de la capitale de la France? (Valeurs actuelles, 23 mars 2007).
Comment me faire l'avocat du diable dans ces circonstances? Il me faudrait admettre que quelque soient les circonstances, nouveau procès ou pas, la cause est entendue. Les intellectuels parisiens ne laisseront pas brûler un bouc émissaire sur l'autel de la dictature ex-belusconienne, aujourd'hui sarkosienne et prodienne. Certes, il reste que le citoyen d'honneur de Billom (Auvergne) et de Paris (Auvergne) est un délinquant condamné à deux ans pour banditisme (purgés) puis à douze ans de prison pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", et convaincu de mensonge et de délit de fuite, (en l'exonérant, avocat du diable oblige, des meurtres dont on l'accuse). Mais il suffit de requalifier ces actes, de "défis contre la dictature d'un pays impérialiste" et le tour est joué..