Sunday, 25 March 2007
L'affaire Battisti, l'Ouest et le "reste"
Une réactualisation de "Virus".
Mon dernier ouvrage Virus, huit leçons sur la désinformation, ménage une place importante à l'affaire Battisti (pp. 315, 351 à 335) en tant que cas exemplaire de désinformation. Deux camps s'opposaient, l'un regroupant les autorités judiciaires, non seulement italiennes ou françaises, mais aussi européennes comme la Cour Européenne des Droits de l'Homme, s'appuyant sur une enquête approfondie et des arguments juridiques, l'autre rassemblant toute l'intelligentsia de gauche française, c'est à dire l'intelligentsia tout court, défendant avec enthousiasme le complice des criminels des Brigades rouges, ancien bandit échappé de prison reconverti dans le roman policier, et frappant d'opprobre les juges et les policiers.
Aujourd'hui la situation a évolué,le temps faisant son oeuvre. L'ouvrage de Guillaume Perrault "Génération Battisti", Plon, 2005, loué avec enthousiasme par Marianne, a ridiculisé les intellectuels de gauche, tous regroupés autour du "héros" révolutionnaire. La gauche elle-même subit une fracture. Les uns très gênés n'osent se compromettre
de peur de défendre une cause perdue. Plus important est le fait que lorsque Berlusconi était au pouvoir, on pouvait stigmatiser le jugement à perpétuité du héros résistant, comme étant influencé par le valet del'impérialisme, comme on stigmatise aujourd'hui Sarkozy. Mais on ne peut soutenir la même position s'agissant de Prodi! Par ailleurs, on se doute bien que n'importe quel président de la France, serait bien obligé de se ranger à la raison, sous peine de se mettre à dos l'Europe, ce qu'a fort bien compris Segolène Royale qui s'est bien gardée de s'avancer dans ce terrain mouvant, démentant même d'avoir déjeuné avec Vargas. Paradoxalement, c'est François Bayrou qui a adopté une position alignée sur la gauche intellectuelle fustigée par Guillaume Perrault. (A ne pas confondre avec Gilles Perrault, partisan inconditionnel de Battisti). Le paradoxe se dénoue lorsqu'on considère la tendance "Force de la Terre" de Royal, partisane de l'ordre, de la famille, de la sécurité, et évitant de soutenir l'élite gauche caviar, et la culture universitaire et SNE SUP de Bayrou, très marqué par Medusa.
Ci dessous, une analyse de la désinformation soulevée par la conjonction entre le fait européen et l'idéologie gauchiste Medusa, en pleine campagne électorale. On y remarque la même opposition déjà signalée par Skuton entre la position occidentale fondée sur la raison et le compromis (celle des adversaires de Battisti) et celle du "reste" du monde, obéissant à des postulats religieux ou idéologiques infalsifiables, tels que le fait pour le complice d'une bande de criminels devient un héros et une victime, dès lors qu'il est d'extrême gauche, et par conséquent au delà de la loi des hommes. C'est exactement la position du dogmatisme religieux, que de se situer en marge du politique tout en le dominant et en contestant les lois de sa justice.
Sous le signe de la désinformation
Photo du haut, Battisti vu par Valeurs Actuelles. Photo du bas, le même dans Le Monde.
Alors que la condamnation à perpétuité du criminel est étayée par des informations factuelles et des textes juridiques légitimés par la Cour Europeenne des Droits de l'Homme, donc des arguments "cerveau gauche", la réfutation de ces informations repose sur des connotations "cerveau droit" d'ordre moral, émotionnel et sentimental. Dans mon ouvrage, j'avais montré que les conditions qui permettent de conclure à une désinformation de grande amplitude, se trouvaient toutes réunies. Citons entre autres:
1. Des informations non falsifiables : incontrôlables ou de l'ordre de l'insinuation.
Par exemple dans La vérité sur Cesare Battisti, Fred Vargas, 2004, la compagne de Battisti, se garde de reproduire la partie centrale de l'arrêt, qui permet au lecteur de prendre connaissance des arguments des juges et de les évaluer. Il ne reste que la présentation dramatique de la décision. Et le postulat que ceux qui ont témoigné contre Battisti étaient influencés par la police. Non seulement Piero Mutti mais aussi son mentor Arrigo Cavallina qui revendiquait la violence verbale, expliquant que Battisti se chargeait de l'action. Signalons que Cavallina maintient sa position alors qu'il est à l'abri de toute pression.
Aujourd'hui cette infalsifiabilité se reproduit lorsqu'on accuse Sarkozy d'intrumentaliser l'arrestation de Battisti pour gagner des voix, opération contre-productive pour lui. On ne peut ni prouver, ni infirmer cette assertion. DSK sollicité par Le Monde déclare "Je ne peux m'empêcher de penser que, dans ce contexte particulier de la présidentielle, il y ait dans cette opération quelque arrière-pensée politique" Il est évident que cette assertion ne peut être ni prouvée, ni démentie.
2. Le recours à des arguments émotionnels grossiers et efficaces Les mots "cri d'innocence" ou "devoir de perplexité" sont utilisé comme des arguments à décharge.
Aujourd'hui on force la dose. L'éditorial de Laurent Joffrin reconnaît a minima que le mouvement dont faisait partie Battisti "a revendiqué des actes sanglants, cruels et plusieurs fois mortels". (En oubliant de signaler que Battisti les a revendiqués personnellement quand il se croyait à l'abri en France, protégé par Mitterrand et la force intellectuelle de gauche. ). L'homme qui lance en 1981 à un des magistrats "T'en fais pas, on t'aura, toi aussi!" et qui avoue "Nous étions nombreux à confondre guitare et mitraillette" est présenté comme un exilé qui ne menace plus personne et qui s'est fondu à l'autre bout de la terre dans "un oubli inoffensif et mélancolique" sic!
3. On minimise le crime en rendant odieux les victimes devenues des criminels.
Les tueurs sont des résistants qui exécutent des ennemis du peuple vendus à l'occupant impérialiste. Il sont assimilés aux resistants qui lors de l'occupation nazie sabotaient, tuaient, exécutaient de sang-froid.
Aujourd'hui c'est Sarkozy qui est en cause, accusé d'avoir instrumentalisé l'arrestation de l'ancien terroriste. (Voir plus haut la position de DSK).
" C'est un vilain coup électoral que vient de perpétrer Nicolas Sarkozy" ... "Geste sans gloire du ministre de l'Intérieur?" " L'acte est bas, indigne d'une France généreuse". " De droite ou de gauche, le citoyen n'aime pas ces vilénies".
Il ne s'agit pas des vilénies commises par le terroriste, mais de celles qui consiste à prêter son concours aux autorités italiennes, non soupçonnables d'être corrompues, avec Prodi au pouvoir.
4. La dissymétrie
C'est avec la diabolisation, le plus sûr indicateur de la désinformation.
Il suffit de remplacer le groupement terroriste des PAC, par un groupe néonazi de liquidation des intellectuels de gauche français, réfugié en Autriche et invoquant la promesse d'un ancien président pro-nazi pour couler des jours paisibles. Imaginons les pétitions des intellectuels français. Pourtant on ne voit pas en quoi un mort de gauche pèse plus qu'un soldat ou qu'un bijoutier d'extrême droite.
Aujourd'hui la dissymétrie se poursuit. Sarkozy qui n'a fait que son devoir le plus strict, et qui ne peut intervenir dans une affaire entre le Bresil et l'Italie est assimilé à un collabo qui aurait livré aux allemands un résistant russe. "Qui a réclamé monsieur Battisti, qui a envoyé ces policiers au Brésil? Nicolas Sarkozy? (Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l'homme, désavouant la Cour européenne des Droits de l'Homme.
Alors qu'il fait profil bas, ceux qui accusent le ministre de l'intérieur d'instrumentaliser l'évènement, ne cessent de vociférer pour l'exploiter contre lui, en s'indignant avec Gilles Perrault de "cette arrestation sarkosienne, tout à fait dans la manière de notre ministre de l'intérieur et candidat". "Un signe avant-coureur inquiétant de ce que Nicolas Sarkozy ferait s'il était élu président." notent les Verts. (Le Monde du 20 mars 2007). Il faudrait en déduire que les autres candidats auraient désavoué la justice italienne, et l'ensemble de la classe politique, socialistes compris, de même que les autorités européennes, en refusant de coopérer au nom de... la parole données par Mitterrand, qui de ce fait engage la France à perpétuité. Qu'est-ce donc tout cela sinon de l'instrumentalisation à des fins électorales? Par ailleurs il est intéressant de noter les allusions à Hitler, et à la gestapo. On tombe dans la diabolisation.
Autre exemple de dissymétrie flagrante : la thèse du suspect arrêté, accusant ses complices pour se dédouaner, n'est jamais invoquée pour les délinquants économiques, ni pour les pourvoyeurs de drogue, ni pour les mafieux. On a l'impression que les assassinats idéologiques absolvent de toute contrainte morale les tueurs. Mieux encore, ils leur donnent un brevet d'héroïsme. Je n'invente rien, Battisti, repris de justice malgré qu'on en aie, a été subventionné par le CNL financé par une redevance obligatoire, et par ladorection des affaires culturelles d'Auvergne pour défendre ses convictions dans les écoles de la région. Une de ses communes administrée par un maire socialiste : Billom, en a fait son citoyen d'honneur.(Valeurs actuelles 23 mars 2007).
A SUIVRE
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