CHRONIQUE
Instabilité
Tout passe,
tout casse,
tout lasse,
quoi qu'on fasse
- C'est quoi pour vous le bonheur?
- C'est ici, à Saint Trop avec Sacha.
- Pourquoi Saint Trop?
- La mer est si bleue...C'est merveilleux... On est au bout du monde, ici, avec Sacha...
- Merci BB, c'est formidable. Au revoir.
- Au revoir!
Louis Palmade
Messieurs, mes chers amis, vous venez d'assister à une première sensationnelle. Le triomphe de la technologie. Cette jolie plaquette est plus qu'un journal.Si vous l'ouvrez, vous découvrirez une feuille de plastique blanc et souple. C'est un disque ! En plaçant ce disque sur le plateau de votre pick up, vous entendes magnifiquement reproduits les confidences des stars, la relation des grands évènements comme si vous y étiez, Les derniers tubes. Vous assistez, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, à la fusion entre le journal à lire et le disque à écouter!
Dans ce premier numéro historique, vous assisterez aux funérailles du Pape comme si vous y étiez, BB et Sacha Distel vous livreront leur bonheur le plus exclusif, Louis Armstrong et les Beatles joueront rien que pour vous et cent autres hits vous feront jalouser par vos amis.!
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Je vivais alors la préparation de la bataille du videodisque succédant à la révolution du microsillon. Cette dernier vit naître trois standards: le 45 tours,, disque rouge transparent de 17 cm,d'une durée de 7 minutes et lu sur un petit lecteur muni en série d'un changeur de disque; le 33 tours, de la m inême taille que le 78 tours mais d'une capacité six fois plus grande, et de surcroit incassable et inusable. On trouvait aussi ke micrograde variable, qui permettait de conserver la vitesse de 78 tous, réputée meilleure, en réorganisant l'espace du shellac. Ce fut le grand format qui l'emporta.
Il fut conservé dans le vidéodisque de standard Philips, que je défendais à mort, étant le conseiller de l'auguste maison, contre deux autres standards hybrides:: l'américain RCA et le Japonais Mitzubishi. Ce fut Philips qui l'emporta; sans trop y croire. en fait il multiplia les erreurs de marketing et ce fut un flop.
En réalité ce que la maison hollandaise visait était le DVD dont il fut le réel créateur, ne laissant croire pour des raisons commerciales que Sony était le co-auteur. Je me souviens de la première rencontre entre le DVD original et la maison Sony..Pendant le voyage, le prototype voyageait en fauteuil de luxe, nous, en seconde classe. Le format original ne convenait pas à Sony : il ne pouvait loger la IXème Symphonie de Beethoven. Philips l'agrandit, mais cette fois-ci il fut refusé parce que c'était la version de Karajan qu'il fallait enregistrer. Karajan était l'ami de M.Morita le PDG de Sony ! Voici d'où vient l'actuel format.
Aujourd'hui nous sommes à l'ère du téléchargement et du piratage, qui précipite la crise du disque, banalise et assèche les catalogues, supprime les merveilleux produit dérivés que sont les luxueux livrets joints au disque.
Après cela nous sommes entrés dans une ère non pas d'évolution (le terme sous-entend une marche vers le progrès) mais d'instabilité, où l'offre est su rapide, si désordonnée, si arbitraire, que les vendeurs sont incapable de vous vendre un bidule, dépassé avant d'être sorti sur le marché.
Je me prends à rêver à la belle publicité de Steinway : dans la mer démontée par les flots, émergent ça et là des rochers solides, symboles de permanence. Le Steinway est de ceux-là.
Et je contemple avec reconnaissance mon piano de concert, que voici quarante ans, Rubinstein alla choisir à Hambourg. Peu d'entretien, un son qui se bonifie avec l'âge, comme un stradivarius.
Avez vous fait le décompte des rocs qui vous entourent et susceptibles d'écarter de votre environnement, les flots furieux de l'instabilité?
Je vous le souhaite.
Bruno Lussato