CHRONIQUE
Une visite quai Branly
Une remise en cause de la deuxième fondation
Deux belles expositions se tiennent au Musée des Arts Premiers. La première donne à voir les oeuvres esquimeau chères à Flack et qui constituerait peut-être un département de la première fondation à Uccle. Présentant une multitude de statuettes de 2 cm à 10 cm, elle tomberait aussi dans le plan d'acquisition de la seconde fondation dédiée au minuscule. Mais j'ai été impressionné par les pièces, venues du monde entier. Quelques pièces majeures admirablement présentées dans des niches de telle sorte qu'elles paraissent suspendues dans la lumière blanche. Puis des centaines de vitrines montrent des milliers de petites pièces qui pullulent comme des moustiques. Les spectateurs circulent parmi les boites vitrées, un peu ahuris.
La seconde exposition présente l'esprit Mingei au Japon. Soetzu Yanagi, l,e héros de l'expo. ressemble à Jean Grolier dans la mesure où il n'a rien créé lui-même, mais il a découvert des artisans admirables, sélectionnés dans les provinces les plus reculées, afin de constituer un musée des arts populaires, selon les lignes de forces qu'il a définies dès 1920 : privilégier la beauté toute simple et naïve des objets ordinaires sur un fond de pensée bouddhiste. A l'instar sans doute de Jean Grolier, il est convaincu qu' "un bon collectionneur est un second créateur" et il est entouré par un cercle d'artisans, d'artistes et d'intellectuels. L'exposition, qui plonge dans le passé se prolonge par des créateurs contemporains pour qui le désign est la forme moderne de l'esprit Mingei.
J'avoue qu'autant j'ai été impressionné par les poteries pleines d'esprit du passé, autant le désign et les meubles modernes me semblent tout à fait dénués d'intérêt. On a trop vu de ces formes froides, faussement imaginatives, d'une sobriété calculée pour l'effet, et affreusement inconfortables. Il y manque particulièrement la simplicité, l'authenticité, et ce sens de la matière tactile et rugueuse qui caractérise la main de l'artisan. Elles sont certes bien accordées au monde des gratte ciels, et à la dépersonnalisation occidentale. Mais cela me semble déjà terriblement démodées, comme les meubles de Jacques Tati dans les vacances de monsieur Hulot.
Nouvel émerveillement devant la magnifique collection d'art premier du musée. On est confondus par tant de richesses. Ma soeur et moi nous nous sommes interéssés à la Nouvelle Calédonie et les Iles Salomon (qui ont servi d'inspiration à Nolde, exposé non loin de là, au Grand Palais). On nous proposait pour la grande fondation une impressionnante série de 25 boucliers et pièces issus de la même provenance. Elle tenait le coup avec les pièces du musée, mais à condition de ne constituer qu'une vitrine parmi tant d'autres.
Ci-dessous vous découvrirez deux chambranles de porte caractéristiques du style de la collection B*** de vingt-cinq boucliers.
Voici des chambranles de portes provenant de la Galerie Entwistle.
Nouvelle Calédonie. 2,37 et 2,39 m. Provenance : une maison conique réservée aux chefs de village, demeure des ancêtres maje
urs. Il manque à cette porte le linteau et le seuil.
Prix : 225.000 €
Ci-dessus, un masque canaque de Nlle Calédonie. Hauteur 32cm. Provenance coll.Barbier Mueller.
Prix 150 000 €
On comprend le désarroi de Marina Fedier devant une telle profusion de merveilles. Qu'est-ce qui pourrait pousser le à se rendre dans un lieu qui ne serait qu'un microcosme des grands musées spécialisés. Et encore. A Uccle, une pièce bien conçue présentant dans des plantes tropicales l'impressionante série des 25 boucliers néo-calédoniens, peut attirer un publis localnvoire même plus étendu, mais quid de la deuxième fondation?
Quelle cohérence entre des statuettes de toutes civilisations, des pieces de monnaies, des livres d'heures, de la bibliophilie? Qui se déplacerait pour voir un magasin d'échantillons? Mon propos qui était d'isoler quelques pièces venues de tous les horizons, et d'obliger le public de faire l'effort de les scruter, aidé par un matériau pédagogique bien conçu, elle ne le voit pas ou il risque de ne pas tenir la route. Que faire alors?
Il serait plus judicieux selon elle de tout regrouper autour d'un thème unique : l'écriture. Je possède à la fois les pièces, les connaissances et grâce à Media villa, les appuis. Citons les départements déjà constitués :
1. La donation impressionnante de Tad Chen, calligraphie chinoise.
2. La donation Hiroko Noguchi, objet en papiers teints au kaki.
3. Un choix des plus beaux instruments d'écriture.
4. Une amorce de calligraphies de maîtres
5. La donation du Musée du Papier de Tokyo et des principaux artisans créateurs de washi. La plus belle collection en Europe.
Reste à constituer ou à développer :
1. Des manuscrits à peinture et des manuscrits, du VIIIe siècle à aujourd'hui
2. Les reliures majeures, de Grolier à Legrain et Mercier (susciter donations)
3. Les livres essentiels de la pensée humaine : les éditions originales de Copernic, Galilée ou Lavoisier.
Les postes 2 et 3 sont problématiques. On s'éloigne trop du propos initial.
Comme on le voit, les minuscules seraient abandonnés et cela me fait de la peine quand je pense aux magnifiques pièces d'Arethuse et aux petits émaux médiévaux.
J'aimerais bien recueillir quelques suggestions sur ce sujet. Ainsi la vie procède t-elle, une idée directrice solide et des hasards miraculeux.
Bien à vous
Bruno Lussato.