CHRONIQUE
La deuxième fondation
Il est rare qu'une collection se situe aux limites de l'invisible.
Fig 1. Ci-contre, une vierge de calvaire en cuivre champlevé, émaillé et doré.
Limoges fin du XIIe siècle. Noter l'attitude de la Vierge portant un voile court, un long mantau bleu sous lequel on aperçoit une robe émaillée verte. La tête est légèrement inclinée et elle se tient le poignet en signe de douleur. Cette Vierge de Calvaire devait prendre place de même qu'un Saint Jean, aux côtés de la Crucifixion. L'attitude frontale et très rectiligne est encore toute romane. Le caractère très expressif du visage est caractéristique du style sévère et élégant des ateliers limousins entre 1180 et 1200.
Bruno de La Roussilhle , 7 Quai Voltaire. 68.000 €
Fig.2. Saint Jean. Basse-Saxe, deuxième moitié du XIIème siècle. Cuivre champlevé,émaillé et doré.
Cette plaque ornait le côté d'un autel portatif ou d'une châsse. Autres exemplaires connus, de même dimensions et mêmes trous de fixation, complétant d'autres disciples du Christ et appartenant sans doute d'un même reliquaire : Metropolitan Museum of Art, (New York), Walters Art Gallery,(Baltimore,) City Art Museum,(St. Louis) ,Kestner Museum, (Hanovre).
Provenance : cf. Ci-dessus, 100 000 €. Les plaques les plus chères atteingnent 120 000 €, les moins chères, , 30 000 €.
Ces plaques émaillées sont généralement acquises par des musées et échappent aux particuliers. Elles sont très rares.
Les fameux décadrachmes de Syracuse.
Voici quelques dizaines d'années, je pris conscience de la valeur esthétique de ces magnifiques pièces en argent à haut-relief, et signées par Kimon (plus rare) et Euainetos, ca 400 AC (plus expressif et élégant). Elles dominent de très loin toute la production de la nusmatique greco-romaine, voire mondiale.
A la fois ses contemporains et ses successeurs, considérèrent Uiainetos comme le maître suprême. Aucune frappe ancienne n'a été copiée si longtemps et en telle quantité que ce decadrachme signé de Syracuse. Les chariot pile a été autant copié que la tête face, la tête femelle a par exemple une frappe d'un relief inconnu des anciens. Une telle importance montre qu'Arethuse était une déesse très vénérée et non une nymphe locale.
Lors de la vente Peyrefitte, grand numismate et esthète devant Dieu, je conseillai à mon fils d'acquérir un exemplaire au prix de 15 000 fr. Il fit 35.000 fr. Le luxe du catalogue et le renom du collectionneur justifiaient cette flambée. Mais l'année suivante le prix monta à 1.000 000 de frs, puis la surenchère s'amorça, due aux achats spéculatifs des banques centrales, et chassant les numismates. Lorsque la décrue s'amorça, aucun collectionneur ne se présenta pour assurer la relève. Aujourd'hui une de ces pièces atteint au maximum 40 000 €. J'en ai souscrit une parfaite pour la prochaine vente aux enchères. Le prix bénéficiera-t-il de la crise monétaire, ou régressera-t-il? J'ai, on le sait, opté pour la première hypothèse, mais le proche avenir nous l'apprendra.
Notes sur la pièce de Syracuse que je convoite, en vente prochaînement en Suisse. 42,44 g; spécimen très rare et magnifique frappé sur un llan inhabituellement large, et quelques rares égratignures sur l'avers. Références : Boston 421, de Luynes 1248, SNG Copenhague, Kray-Himer pl.34, 104 pour les ouvrages reproduisant cette fonte. Gallatin R III CII pour une autre fonte. Provenance : ex. Glenzener münzhandlung.
Date de la vente: 21 octobre 2008
Estimation : 60 000 frs suisses. Reproduction de cet exemplaire : A.B.Brett, 1955, Musée des beaux Arts de Boston, J.Babelon, 1925 cat. de la collection de Luynes, C.M. Kray, M.Hirmer,New York 1966, Gallatin, Decadrachme de type Euiainetos ,Cambridge 1930.
Les autres pièces les plus chères : Un Statère de 360-340 Très rare. 80 000 FS
un tetradrachme signé Eucleidas de 405-400 60 000 FS, Un tetradrachme signé par Euth et Eumenos en 405, un des plus beaux exemplaires connus d'une oeuvre très innovante, oeuvre de deux graveurs très habiles. FS 75 000Un tetradrachme de 450. Apollon et Artemis, très rare et un des plus beaux specimens connus. FS, 55.000,une teradrachme de 425-405, Athena et un quadrige, le plus beau des sept specimens connu dont deux en mains privées. C'est le plus beau tetradrachm produit par la fonte de Camarina en Sicile. Pratiquement fleur de coin (neuf). FS 90 000. Hercule et Athena.Tetradrachme de 450 445, face de lion et Apollon. Le plus bel exemplaire connu. FDC (fleur de coin, état de neuf absolu).FS 90 000.
COMMENTAIRES A l'exception des décadrachmes de Kimon (55.000 FS, ex de qualité moyenne) et de l'Euianetos, les autres pièces sont de petite dimension (moins de 20g. au lieu de plus de 44g). Elles n'atteignent pas de ce fait une valeur artistique comparable présentable pour le public non spécialisé. Mais certaines pièces, en particulier les deux fleurs de coin, sont insubstituables. Quelle que soit la conjoncture financière, une fois vendues elle ne seront en aucun cas remplaçables et parmi la poignée d'objet de ce genre; comparables à des pièces uniques signées par des grands maîtres.On ne voit pas ce qui pourrait les dévaluer sérieusement, et c'est un bon exemple de la superficialité de ceux qui relient la valeur d'une oeuvre d'art à la conjoncture financière internationale, même en cas de catastrophe. On se trouve ici en haut du haut du panier de l'exception et de l'artisanat pour un prix abordable pour qui peut investir dans un dessin ou un tableau contemporain de qualité moyenne. Et il y en a.
On fera remarquer que seules les pièces anciennes font partie de ce "haut du panier", d'après l'article du N.Y.Herald Tribune. Elles sont limitées en quantité, et disparaissent peu à peu du marché, en particulier les oeuvres majeures.
Les pièces médiévales sont, on l'a vu, d'un prix beaucoup plus élevé et leur taille est dérisoire : inférieure à 10 cm! On ne dirait pas à les voir. En fait sous leur format minuscule, elles sont monumentales. Marina Fédier a constaté cette particularité dans de petits tableaux de Cezanne et de petites sculptures de Henri Moore, lors d'une après-midi mémorable avec le grand sculpteur qui lui a confirmé : mais oui, ces oeuvres sont immenses!. On rencontre cette monumentalité dans de petits Picasso, Poliakoff, Viera da Silva ou dans des statues des arts premiers, les éventails chinois de Wang Yuan C'hi ou certains netzuke japonais.
Nous aborderons demain, le cas de la bibliophilie et des manuscrits à peintures.