CHRONIQUE
Le grand débat
On tourne indéfiniment en rond. Je viens d'avoir une longue discussion avec mon fils, qui a apparemment hérité de ma combativité et de ma ténacité, mais dans un contexte opposé. Il est en effet banquier, victime d'un extraordinaire concours de circonstances. La banque dont il était Vice Président, une des cinq les plus prospères dans leur spécialité, et dont on pouvait penser qu'elle était insubmersible, n'est plus. Mais mon fils, au courant des plus infimes rouages des mécanismes de la Compagnie, pour les avoir édifiés, et garanti par le plus grand assureur du monde, a dû réagir. L'assureur a fait faillite à son tour ! Du jamais vu.
Mon fils a bâti son métier dans l'orthodoxie financière. En dépit des coups qui l'ont assommé, il n'arrive pas à imaginer la faillite du système papier. La dévaluation comme en 29, soit, mais l'anéantissement, c'est à dire la valeur zéro sans espoir de réhabilitation, de tonnes d'obligations, actions, bons divers etc... cela non ! Il ne peut l'admettre en son for intérieur.
Mais voilà. Le scénario-catastrophe n'est pas à exclure et il risque de nous cueillir par surprise. Il suffit pour cela que les Etats Unis ne soient plus en mesure de soutenit l'artificialité d'un ensemble globalisé et mondial, par des expédients de plus en plus éventés. L'argument spécieux, que cela n'arrivera pas parce que nul ne le souhaite, apparaît de plus en plus incantatoire. La théorie financière cède la place à la théorie des systèmes, théorisée par le grand Jay Forrester, l'inventeur de l'écologie. Aux notions de subprime, d'équity, de mezzanine, etc... succèdent celles d'hystérésis, de demi-période, de rétroaction positive et négative.
Mon fils n' a pas tort quand il me met en garde. "Tout semble pointer vers la déflation, affirme-t-il. Et quand tu dois payer tes impôts ou le boucher, vas-tu vendre des appartements ou des oeuvres d'art? Pour cela, tu ne peux te passer d'argent liquideet s'il tarit, tu mourras de faim et de froid. Non, à cause de cela le système bancaire ne disparaîtra pas du jour au lendemain. D'ici à ce qu'il s'effondre, tu dois disposer d'un volant de liquide, biellets de banque, pièces d'or, obligations garanties par l'Etat et bouclier de protection promis par Sarkozy.
Mon fils n'est pas stupide. Nous savons qu'en cas d'irruption surprise de la catastrophe, on perdra nos billets et nos actions, mais après tout on fera comme tout le monde. Mon père ne croyait pas à l'abandon de l'Algérie et de la Tunisie. Il me disait : hé bien, si on perd tout, on fera comme tout le monde.
Si de surcroît nous panachons nos placements, la disparition en fumée de l'argent scriptural sera compensé par la montée en valeur des biens physiques : or, azppartements, oeuvres et monnaies de collection.
Acheter à bon compte des studios ou de petits appartements bien placés et agréables, (proximité d'écoles ou d'établissements internationaux) serait plus facile en cas de récession tout en raréfiant l'offre.
En période faste où l'argent coule à flots, aparaissent comme des champignons des sous-bois, une multiplication d'oeuvres d'art de plus en plus chères. La concurrence en magnifie la rareté. N'est-il pas plausible qu'en période de déflation le phénomène inverse se produisen : raréfaction de l'offre? Cela est vérifié mais les prix atteints sont au maximum pour l'exceptionnel, au minimume pour le banal.
Emmanuel Dyan m'a prêté l'admirable livre de Hermann Hesse : SIDDHARTA (Grasset 1925, le Livre de poche, 1950). Il y traite norammment d'un thème familier aux astrologues et aux Jungiens. Il est des hommes comparables aux feuilles d'automne, quen souffle la bise. Ils tournoient, gesticulent, pris dans un tourbillon qui les précipite à terre, toute énergie consommée. Ces gens-là, tout leur réussit en périodes fastes. Il leur suffit de s'abandonner à la chance, aux courants d'espoir et d'enthousiasme de la brise printanière. Pendant ce temps, le second type comprend des tâcherons qui doivent obtenir le moindre avantage matériel, le moindre signe de respect culturel, par un effort de tous les instants. Il doivent construire leur propre univers, qu'ils déchiffrent dans le firmament, étoile fixe inaccessible.
Mais voici. Le mauvais temps surgissant, alors que les premiers perdent pied et prennent panique, les autres, naguère défavorisés, contrôlent keur vie, fixant l'étoile , leur étoile, indifférents aux circonstances ingrates. Marina Fédier m'a montré comment cette dualité s'imprime dans le thème astrologique, en figures mystérieuses et claires.
Où vous rangez-vous? Et que choisiriez-vous si vous en aviez la possibilité (et pourquoi ne pas l'acquérir?) de suivre l'évènement ou de le créer?
RETOUR ARRIÈRE
Lorsque je connus L.H, j'étais déjà passionné par la minéralogie et mes rêves les plus chers, ceux qui faisaient battre mon coeur, n'étaient ni Shakespeare, ni l'opéra. C'était mes visites au museum d'Histoire Naturelle, chez messieurs Charvet et Guillemin, ou plus que tout, chez Deyrolle. Oh, l'amabilité bonasse et protectrice de monsieur Charles, le vendeur de cristaux, me guidant dans le labysinthe des petites boîtes de papier glacé bleu (les cuvettes) et satisfaisant à des prix infimes mes désirs. (J'ignorai jusqu'au bout, qu'un petit groupe de collectionneurs s'étaient cotiser pour payer mes achats. Monsieur Charles, homme de grande taille, au visage buriné, portant une blouse blanche de médecin, était évidemment complice. Il devait bien s'amuser de mon avidité àla vue de tant de merveilles : topazes de l'Oural, phosgénites et proustites de Monteponi, or natif cristallisé... Mes deux préférés étaient l'opale du Queensland, limpide et lançant des lueurs d'arc-en-ciel, et la proustite, qui vue de face montrait une seurface metallique, mais une superbe couleur rubis, en lumière transversale. La proustite était conservée dans du papier noir, car elle s'assombrissait à la lumière.
Le concurrent de Deyrolle était Boubée, Pl.St. Michel, précieux et sophistiqué. Le vendeux arborait vis-à- vis de moi unsourire condescendant et hypocrites, et les prix étaient prohibitifs (pour cause!).
Je viens d'apprendre que le lieu magique qu'était la salle de vente de Deyrolle a brûlé l'autre nuit. C'est un pan de mémoire qui s'en va.