CHRONIQUE
Grandes promesses et petites vexations
Le milieu professionnel et même amical (c'est moins vrai pour une vraie famille) est plein de gens puissants, comme d'agents d'influence qui se disent vos obligés et qui vous promettent, qui une recommandation auprès d'un personnage influent ou utile ( un bon dentiste, le fonctionnaire qui déverouillera votre dossier, un électricien ou un plombier) qui, leur appui en cas de pépin grave : "je serai toujours là dans l'adversité". Si vous avez quelque argent, il se feront inviter dans un restaurant réputé, car ce sont généralement des amateurs de vins fin et de cuisine délicate. S'ils se piquent de culture, c'est chez Lipp qu'ils se feront inviter, ou encore qu'ils vous inviteront, pour s'apercevois qu'ils ont oublié leur portefeuille. Il est facile de les voir , allez à midi dans un restaurant huppé, ils sont là, escrocs et parasites, avec leur victime. Relisez aussi (je suis poli car vous ne l'avez sans doute pas lu) Les Facheux de Molière, ou Volpone.
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Je cite des cas dans le désordre. Ceux-là se reconnaîtront forcément s'ils lisent le blog car ils répondent à des événements particuliers.
Sporkanopoulos, dit Sporka le grec
C'est le pire. Grand armateur, doté d'une fortune considérable qu'il s'emploie laborieusement à minimiser, il m'a confié la formation de son fils Aristide, un garçon remarquable, aussi chaleureux qu'un igloo mais doté quand il le veut d'un indéniable pouvoir de séduction et de transformation. Au début ce ne sont que cadeaux de la part du père : montres en or, gigantesques coffrets de chez Hédiard, et démonstrations convainquantes d'amitié. A telle enseigne que lorsqu'il me semble prendre ses distances, je décide de na jamais le faire payer : je perdrai de l'argent mais je gagnerai un ami, lui dis-je . Il m'embrasse et m'invite pour ma convalescence à dans sa somptueuse villa de Nice. Et pendant un mois entier ! Après quoi il me dit qu'en cas de pépin, il sera toujours là pour me dépanner, me photographie au piano, bref mille petits gestes touchants qui prouvent ue affection sincère. Il m'invite à séjourner dans sa villa pieds dans l'eau en Corse, la plus belle de toutes et prendant un mois. Je devrais m'y trouver actuellement.
Et puis, il disparait.
Je lui adresse messages sur messages, car comment me rendre dans un endroit dont vous n'avez même pas l'adresse? Il ne répond pas. J'apprends par la bande qu'il ne désire plus m'inviter. Mais il me le fait savoir par son silence persistant. J'avoue que je n'ai jamais subi un tel affront.
Alexandre le grand, fils de sporka.
Ce fils de l'armateur est un jeune homme froid, ressemblant à une statue de phidias et silencieux comme une tombe. Très élégant, il ne semble pas réel. Je l'ai formé avec fierté car son intelligence est très vive, et je ne sais pourquoi je me suis pris d'une affection profonde pour ce glaçon. C'est le plus respectueux des jeunes gens, bien que têtu et ambitieux. Gros travailleur il est destiné à remplacer son père et s'y voit déjà. Il est d'une rare ponctualité et c'est mon meilleur disciple.
Il me doit à peu près toute sa position et une bonne partie de sa carrière.
Et puis il disparait!
Mais lui, au moins, se ravise, fait amende honorable et jure que jamais, au grand jamais, il ne recommencera. Pour l'instant il tient parole et la joie que j'éprouve à le retrouver, m'abstient de lui poser des questions embarassantes sur son eclipse.
Le tissu qui rétrécit au lavage
Ce que j'entends pas là est évidement le tissu de relations. C'est le cas le plus commun que ces grandes promesses et ces petites vexations ou de ces cruelles déceptions qui attendent le naïf.
Je cherche désespérément de faire la rencontre de l'homme le pus riche de la planète, Ali Sandagarao Mossa Saadi Bey. Sporkanopoulos m'avait promis de me le présenter, mieux encore de me le faire rencontrer dans sa somptueuse villa en Corse mais comme je n'ai plus de ses nouvelles, plus d'Ali Sandabarao Mossa Saadi Bey.
Et ne voilà t-il pas qu'on me présente un koweitien, membre de la famille royale qui affirme très bien connaître le grand homme. En réalité, me révèle-t-il, le Sporkanopoulos a tout décommandé parce qu'il n'avait pas osé avouer qu'il ne connaissait pas le koweitien. Lui oui. Il se fait fort de l'appeler tout de suite. Devinez l'issue.. je lui demande d'où il le connaît.Il me répond qu' il l'a vu et qu'il lui a donné son numéro de téléphone, ce qui pour lui équivaut à une introduction. Devinez à présent s'il arrivera à le joindre.
La fameuse invitation bidon de sporka le grec s'étant dissipée dans la brume des utopies, je téléphone aussitôt à mon hotel à San Remo. Las! Pas plus de place que dans les environs et je ne sais où prendre des vacances. Je me maudis d'avoir accepté de perdre mon autonomie, car en m'invitant je découvris que le grec comptait m'utiliser dans un but qui, je l'appris plus tard, perdit son importance depuis un mois.