CHRONIQUE
De la cartographie
On se moque volontiers des cartographes, qu'on assimile à des artisans besogneux effectuant un travail routinier. J'ai retrouvé mes cahiers d'étudiant au CNAM. Il y en avait d'appliqués, mais aussi des antisèches qu'on glisse sous les manches pendant les examens. C'était de minuscules cartons plastifiés ou un maximum de matière d'examen était condensé dans des surfaces très restreintes. Comment se faisait cette compression? Par la mise du sujet sous forme de schéma en couleur en formes, en codes etc... Une fois ces cartons élaborés, je n'avais point besoin de m'en servir, je les avais assimilés, comme avalés! Ceci était le début de l'art cartographique, cette mise sous forme spatiale et colorée qu'on trouve aujourd'hui dans les "power point" et tous les rapports destinés aux actionnaires. Mais ces rustines sont risibles.Les couleurs sont choisies au hasard, le but est de faire lisible mais aussi agréable, bref c'est de la roupie de sansonnet !
Le langage des "chambres de contrôle"
Les "control room" c'est toute autre chose. C'est un système qui permet à un Conseil d'Administration de visualiser en un jour une situation qui demanderait une semaine pour être assimilée. Qu'on pense au temps perdu! Au début de mon magistère au CNAM, j'avais déjà réalisé des dizaines de ces chambres,dont le leader était un certain Philips, le meilleur, qui avait fait fortune dans le ressemelage des talons ! Les clients étaient de grandes compagnies, et surtout de grandes banques. La réalisation était très difficile. Les images projetées étaient des diapositives en verre enduit de noir de fumée, égratigné par une pointe commandée par ordinateur. Afin de reconstituer les couleurs, il fallait simultanément projeter trois diapos alimentées par de la lumière jaune, magenta et cyan. Aujourd'hui, les progrès de l'informatique rendent (presque) un jeu d'enfant de telles réalisations, à une exception importante près: les logiciels qui délivrent des matrices rigides, rectangulaire et matricielles sont incapables de bien reproduire des patates, ces formes globuleuses, nuageuses, arrondies et varaibles. Or ce sont justement les patates qui par leur irregularité bonasse attirent le regard et fondent la vraie convivialité entre l'oeil, le cerveau et la carte. (Une carte géographique est composée de patates).
Une chambre de contrôle est composée de trois éléments.
La structure de haut niveau
Le premier est la mise sous forme de structure de haut niveau (synthétique) les relations entre les affixes, c'est à dire des élements espace temps des événements (l'entrée d'un nouveau dirigeant, une grève, le décllin d'un marché etc...) Ces relations sont synthétiques et comprennent par exemple la relation entre les données réelles (l'augmentation du chiffre d'affaires et de la marge bénéficiaire) les espoirs et les jugements (on peut avoir des résultats positifs et être au rouge, si on a fait moins que prévu et moins que la concurrence) et l'évolution quotidienne de ces données.
Le graphware est le code et les conventions utilisés, dont certains sont immuables et raisonnés. Par exemple :
Violet : surchauffe, danger
Bleu : mieux que bien, un beau ciel bleu
Vert : excellent, objectif tenu, RAS
Jaune : attention, menace, tension, danger, à surveiller
Orangé : mauvais
Rouge :danger, y rémédier d'urgence
Le Hardware
C'est la réalisation matérielle des schémas qui peut être informatique, voire même manuelle. Actuellement je travaille avec mon ami Viacheslav *** au graphe des relations entre agents du pouvoir en Russie. Bien qu'une première ébauche, le schéma formée de patates on ne peut plus imbriquées est affolant de complication.. J'essaie de le rendre plus accessible par petites touches, tâche peu apprécié par V*** qui semble se complaire dans son gribouillage. C'est commeamadoué un serpent àsonnettes. J'en suis à mon troisième graphware. Le schéma n'a pas bougé, mais soudain il devient plus visible, plus accessible au cerveau et au regard.Si un spécialiste comme V*** ne le ressent pas, un humain comme vous, oui, je vous le garantis !
Ainsi de l'antisèche de mes journées d'étudiants, au graphe du pouvoir dans le plus compliqué des pays, il n'y a aucune solution de continuité. Si vous avez des questions à poser, n'hésitez pas. A demain.