CHRONIQUE
Art et structure
Mes chers internautes,
comme vous le voyez, mes premières heures matinales (il est 9h) sont pour vous. Elles désirent vous faire part d'un travail en cours qui me passionne et qui est en cours d'impression à tirage restreint :"les codons du Ring". Mais il concerne aussi une analyse passionnante sur la structure d'une fugue de Bach, extraite de l'Art de la Fugue, son oeuvre dernière et restée inachevée. J' attends la venue imminente de Sandrine pour y ajouter des photos.
Les codons du Ring met à jour la structure hyperlogique sous jacente à l"oeuvre majeure de Wagner. Tous ont entendu parler des fameux leitmotivs, ces sortes de panneaux indicateurs, qui, après avoir résonné à l'orchestre annoncent tel personnage (Siegfried), tel événement (l'assassinat), tel lieu (la forêt et ses murmures.) Cela est si attendu, si logique, que cela peut sembler, au premier degré, simpliste.
Mais il y a le second degré qui montre que cette vision est superficielle. En effet les leitmotivs sont à leur tour constitués de codons, qui sont ce que l'atome est à la molécule. La structure des codons puise dans un vocabulaire exhaustif et commun à ce que l'on nomme la musique expressive, de Bach à Berg. Par exemple le codon qui exprime la plainte est identique dans le Requiem de Mozart comme dans les Gurrelieder de Schönberg. Il s'agit d'un vocabulaire universel. Mais voilà : alors que le requiem ou la neuvième symphonie (de Mahler comme de Beethoven) emploient un nombre limité de ces micro-unités expressives, Wagner dans le Ring ( et uniquement dans le Ring) les utilise systématiquement TOUTES !
Le livre en tirage limité "énumère la liste exhaustive des codons, et c'est un gros travail. Par exemple il y a des codons rythmiques hérités de la métrique grecque, des orchestraux inventés par Berlioz, etc.
Le cas de l'Art de la Fugue de J.S.Bach est encore plus mystérieux. Nous savons - ou tout au moins les musiciens le savent- qu'une fugue est une construction très formalisée, obéissant à des règles très précises et codifiées, à tel point que lorsque dans son Op.106 son chef d'oeuvre pour le piano, Beethoven s'est vu obligé d'ajouter :
con alcune licenze, avec quelques licences. Autrement il ne s'en tirait pas. En revanche cette fugue de l'Art de la Fugue apparaît comme un monument d'austérité formelle. Mais si l'on descend au niveau des codons on est saisis par la surprise : alors qu'à l'oreille tout semble logique et ordonné, comme une "vraie fugue" , à l'analyse approfondie tout n'est que chaos, improvisation, autogénérativité, comme si les phrases musicales, au lieu de suivre les règles formelles de la fugue, se développaient d'une manière interne, l'une engendrant la suivante selon une logique en perpétuelle mutation. Vous verrez cela dans la photo que Sandrine va introduire aujourdhui, je l'espère.
Pour ceux qui voudraient se procurer l'édition restreinte, il faut se presser et nous envoyer vos coordonnées par fax au 01 47 20 56 26 (au moins cela marche !)