Le moineau et le dinosaure
Master Class pour Alexandre
A propos de la notion de "covenant".
Le mot "covenant" est d'origine écossaise, forgé par en 1588 pour consolider l'union de l'église presbyterienne.
Dans les pays anglo-saxons, c'est un terme représentant un pacte ou une convention.
Dans certaines grandes compagnies, (IBM,le CMC, La Shell, le Présidium) c'est une clan qui regroupe des fidèles de la Compagnie et échappant au mercantilisme.
Les membres d'un covenant sont régis par un contrat moral avec la "Compagnie". La Compagnie prend en charge les intérêts, la sécurité, la stabilité des membres, et en retour en obtient une fidélité inconditionnelle. Il eût été inconvenant d'imaginer le membre d'un covenant "trahir" en se vendant au plus offrant.
Un exemple de firme à covenant, est l'Oréal du temps de Guy Landon et de Frnçois Dalle, ou encore le BHV sous la direction de Georges Lillaz.
Le rôle de l'organisateur "maison"
Lorsque j'entrai dans la carrière d"efficiency expert, ce métier était très synthétique et empreint de bon sens. Il exigeait une connaissance étendue et polyvalente qui mettait à contribution les experts en matière plus spécialisée de contrôle bugétaire, d'informatique ou de marketing. C'était le médecin de famille et l'institution non écrite du covenant, favorisa cette optique pragmatique et long terme. L'organisateur devait donc connaître, apprendre et conseiller les membres de l'entreprise et arbitrer les choix de faire appel à tel ou tel cabinet d'expertise. Un organisateur était l'architecte de la structure, il en connaissait les points faibles, les minuscules défauts de cohérence qui provoqueront les failles graves de l'après demain. Pour cela huit bonnes années d'études théoriques en matière de systémique, et de productivité, sont nécessaires.
Avec le temps la valeur et l'efficacité augmentaient et atteignaient leur apogée vers la fin du covenant. La sédimentation unique des expériences permettaient une vision, un discernement, un recul irremplaçable. A une condition : c'est que l'on protège l'organisateur du surmenage et qu'une grande partie de son temps se passe à accroïtre sa compétence.
C'est ce qui explique que les pus fameux experts de l'Europe furent de professeurs (comme Ernst Dale), Stafford Beer, Howard Morgan, et le célèbre et inusable Peter Drucker, qui comme Karl Bohm, eut un carnet de commande chargé jusquà la fin de sa vie. Je connus bien ces ancêtres illustres, qui me transmirent leur héritage et leur éthique.
La naissance des grands cabinets d'expertise.
La tendance à la spécialisation et au professionnalisme, conjuguée avec l'acroissement de la complexité de la legislation, se refléta par les Mc.Kinsey, et autre Cegos. Les organisateurs disparurent et furent remplacés par des spécialistes sachant tout sur rien, et dont l'obsession fut de facturer les heures et les pages de rapport en les gonflant.
Je me souviens qu'un de mes clients me demanda son avis sur l'opportunité d'accroître la flotte de véhicules en Turquie. Il me fallut à peu près une demi heure pour répondre à la question, demi-heure non facturée, puisque j'étais au forfait. Mais ce client venait d'être racheté par une multinationale américaine et vint me trouver embarrassé. Les dirigeants ne se satisfaisaient pas de mon expertise, en payant 500 000 euros à la Mère Athur, il savaient qu'on ne leur réprocherait jamais leur décision. J'admire encore la virtuosité avec laquelle mes collègues firent pouffer un rapport d'une demi-heure en un gros cahier enrichi en Power-Point et présentés par trois sbires solennels aussi pompeux l'un que l'autre et la quantité de viande (les débutants bombardés assistants experts), mise en jeu.
Un autre exemple est un catalogue de films acheté par François Dalle, pour une somme importante avec l'avis positif de Mc Kinsey, rapport impressionnant bourré de modèles, de références et de statistiques. Le problème est que seuls des financiers et des écnomistes donnèrent leur avis. De simple amateurs de cinéma auraient détecté la supercherie. L'affaire finit mal. Très mal, mais Mc Kinsey ne fut jamais sanctionnée.
Certes, lorsque des problèmes très pointus de haute technologie se présentent, on doit bien faire appel à des compétences de haut niveau, mais elles ne dépendent ni du prestige, ni des effectifs du cabinet. Et même dans ce cas le médecin de famille : l'organisateur maison demeure indispensable. Celui qui aime et connaît depuis de lustres la "maison" et qui est ainsi doté de l'oeil clinique bien plus précieux que tous les logiciels de recherche et les études de cas.
Le dinosaure
On l'aura peut-être deviné, je suis un de ces organisateurs "maison", appointés au forfait et défendant ses intérêts; je compris mon erreur quand tout mon entourage se mit à me considérer comme un fou. En effet, dans certains cas, je ne fais pas un travail opérationnel ou d'envergure pour des nouveaux venus, mais je leur transmets des connaissances générales, ma vision, j'essaye de les ouvrir vers autre chose que que le succès professionnel C'est un travail de professeur, et un professeur de médecine de haut niveau, ne se fait pratiquement pas payer. Je ne me suis donc pas fait payer, lorsque mon élève était doué et doté d'un très haut potentiel.
Mes collègues me tinrent le discours suivant :
1. Toute peine mérite salaire, vous faites tant d'heures de travail, vous avez donc droit à être rémunéré à votre juste prix.
2. Si vous ne faites pas payer on vous méprisera, car seul qui est rare est cher et seul ce qui est cher est respectable.
3. Si par dessus le marché vous traitez avec un Russe, exigez des sommes énormes en dollars liquide et contrôlez les sommes avant de commencer à travailler.
4. Vous avez la chance d'avoir la confiance et le respect de milliardaires; profitez'en, plumez le dindon.
5. La meilleure des démonstrations : qu'avez-vous gagné à votre stratégie? De la confiance, du respect? Ce n'est pas ce qui fait bouillir la marmite.
Covenant élargi
Maïeutique
Voici la réponse que je leur tins, car à la longue la moutarde me monta au nez.
1. Connaissez-vous plusieurs collègues qui soient de votre avis? -
- bien sûr. 99,99%
2. En connaissez-vous de mon espèce?
3. Non.
4. Trouvez -vous que mes relations avec mes clients sont satifaisantes?
5. Oui, vous jouissez d'une confiance et d'un respect qui vous permettraient de tirer pas mal d'avantages. On voudrait bien savoir comment y parvenir.
6. Vous ne pourrez pas, car vous ne pouvez inspirer ce type de confiance. Il suffit de regarder vos yeux. La ruse s'y affiche en grands caractères : GREED, GREED, GREED.
7. On peut faire comme vous.
8. Non car la confiance et le respect authentiques vont à ceux qui le méritent. Les personnalités vraiment exceptionnelles ont depuis longtemps détecté la ruse du faux désinteressement. Il ne voient que cela autour d'eux.
9. Vous êtes pessimiste.
10. Ne m'avez vous pas dit tout à l'heure que 99,99% sont comme vous?
11. Donc votre stratégie est la suivante. Vous vous êtes aperçu que les grands de ce monde sont naturellement avares, méfiants, incapables d'accorder leur confiance sinon à quelques flatteurs, il ne peuvent se confier à personne, dialoguer réellement de personne à personne et vous avez trouvé un bon crénau. Je vous félicite, c'est malin.
12. Non ce n'est pas malin, vous venez de le constater, puisque je ne puis les faire payer, ni même ne rien leur demander en retour.
13. Il y a la en effet une contradiction interne.
14. Dans le contexte actuel oui. Nous sommes tous à la recherche de l'avocat de famille à qui nous demandons conseil pour un problème familial, amicalement, (sauf s'il s'agit d'un travail lourd évidemment) ou au médecin de famille qui vas suivre avec sollicitude notre dossier global en fonction de notre histoire et celle de notre famille. L'avocat ajourd'hui? Toujours pressé, le chronomètre dans la tête et si c'est votre ami passés les premiers enthousiasmes, se souciera de vous comme d'une guigne. Le médecin se déchargera d'un spécialiste à un autre du fardeau de la réflexion. Ce n'est donc pas le privilège des puissants que d'avoir des amis fiables.
15 Comment résoudre la contradiction?
16. En appliquant les principes du covenant. C'est une association durable, dont les termes sont dictés par un appui et une protection mutuelle, une foi en un projet commun, les valeurs cardinales de confiance, de respect, d'assiduité et de présence et surtout de collaboration durant aussi longtemps que les partenaires seront en activité ou en vie. Lorsque j'entrai au BHV, mon premier job, j'étais ce moineau déplumé et effrayé que j'ai retrouvé voici quelques semaines. Je fus accueilli par la communauté, choyé, rassuré, et payé au SMIG. Mais on fit tout pour me développer, pour voyager, pour me ménager des transports luxueux, plus tard pour me doter d'un superbe cabinet au Rond-Point des Champs Elysées. Lorsque je rencontrai pour la première fois le patron, un génie nommé Georges Lillaz, recommandé par Jacques Thomas, j'étais un intellectuel piteux, itoujours malade, inapte au travail passant mon temps à marcher solitaire en Forêt de Fontainebleau, et à travailler mon piano. Il n'y avait aucune raison de m'engager. Mais Lillaz me fixa pendant un bon moment, et me demanda si je connaissais la bible. Combien voulez-vous gagner ? - Ce que vous voudrez, j'accepten d'avance vos conditions, je VEUX travailler chez vous! - Voulez-vous fonder une famille? - Oui. - Voulez-vous être votre propre maître ou un cadre dirigeant. - Je veux être indépendant. Puis il me dit "entrerez si le coeur vous en dit, mais tant que je serai là vous resterez au BHV. Je tins parole et ne quittais la maison que 17 ans plus tard, quand M.Lillaz ecoeuré par Mais 68 partit pour la Suisse.
Ceci, est l'esprit du covenant. Mais c'est du passé et le moineau déplumé et apeuré, devint "Monsieur le Professeur", Aujourd'hui, je m'aperçois que je suis un dinosaure, espèce disparue sous la nouvelle climatologie mercantile et sans doute inviable dans notre époque. Mes collègues se sont adaptés et se déchirent comme des vautours se disputent quelques lambeaux de contrats saignants de charognes. Je les leur laisse.