Une communication à mes amis
Trop, c'est trop !
L'effet de médications très lourdes, votre gentillesse à tous et votre sollicitude, le respect et la confiance que mon entourage ont porté à "Monsieur le Professeur", m'ont détourné de l'esprit et du but de ce blog dont la devise "L'information derrière l'information" et le titre : décodage", ne m'autorise guère à faire part de problèmes personnels ni de ce qui bouleverse les tréfonds de mon être.
Il est temps de reprendre le harnais, et d'évacuer ce qu'il y avait de trop personnel, d'exagérément émotionnel dans les billets passés. Néanmoins, tout n'a pas été également inutile dans cette "perte de contrôle affectif", avec ce qu'il suppose d'auto-apitoyement, alors que tant de misère, tant de malheurs nous entourent. Croyez-vous que je ne ressens pas le mal à vivre, les humiliations et les incompréhensions, la solitude, qui vous accompagné dans votre parcours? J'ai connu cela, et au delà, et je vous dis, ne vous laissez pas aller, luttez, ne craignez pas de vous engager dans des sentiers arides et risqués. Les choses changent, mais pas seulement dans la mauvaise direction.
La neige est douce, la neige est chaude
A ce propos, parmi les DVD incontournables, achetez "Rêves de Kurosawa", le plus beau film que j'aie jamais vu, et qui a eu si peu d'audience. Une des séquences du film : tempête de neige, montre une cordée prise dans le brouillard, les vent hurlants, la neige meuble comme des sables mouvants. La nuit tombe et le bivouac, on n'en retrouve plus la route. Et soudain comme par magie (car c'est de la magie) les vents tombent, la neige scintille de cristaux, le ciel est d'un tendre bleu de paradis. Apparaît alors la fée des neiges; souriante, apaisante. Elle dit " La neige est douce, la neige est chaude" elle caresse délicatement les soldats qui s'abandonnent au sommeil. Mais le chef, le héros hargeux et pugnace, les secoue, les incite à ne pas se laisser aller, de ne pas s'abandonner à ce sommeil qui ressemble fort à un coma. Furieuse, la fée de transforme en un démon furieux et s'envole dans les airs. On est sortis de l'oeil du cyclone, et la sorcière a déclenché les vents hurlants. Mais infatigable, le chef oblige les sémicomateux à mettre un pas devant l'autre, à résister au mortel engourdissement, à s'arracher de l'emprise de la neige collante. Et voici. Soudain, les nuages disparaissent, le ciel s'éclarcit, le soleil du couchant illumine le camp. Car il était là le camp ! A quelques pas, et on allait se laisser mourir aussi près de la salvation ! Exultation des hommes sur fond de musique militaire claironnante et joyeuse. Quelle leçon, pour vous peut être, pour moi sûrement.
La bureaucratie à la française
On sait l'importance que je porte à mon meilleur élève Alexandre *** Son père m'a confié sa formation et échouer serait perdre la face. Mais qu'est ce qu'un vieux maître peut avoir retenu des années d'enseignement au management et à la théorie des systèmes. Autrefois, Monsieur le Professeur était animé par la course à la compétence, l'acquisition de titres et d'honneur, la reconnaissance de ses pairs américains. Mais aujourd'hui, s'il est vrai que la culture est ce qui reste quand on a tout oublié, le maître, ayant acquis la culture ancestrale de ses aïeux, a aussi tout oublié. Et comment enseigner à Alexandre, épris de connaissances pratiques, devant diriger des milliers de cadres, bâtisseur d'empire, ce qu'on a oublié?
Ainsi, il me posa voici une semaine la question "qu'est-ce que la bureaucratie?". Comme je ne répondis pas, ayant oublié Michel Crozier et Octave Gélinier, il me rappela aujourd'hui la question avec beaucoup plus de fermeté. Et Alexandre n'est pas de ceux qui admettent les questions éludées. Que faire? Par ailleurs, on l'a compris, le registre où je me situe aujourd'hui, est hors de tout enseignement.
J'adoptai alors le style des contes; à la différence que celui-ci est on ne peut plus réel est qu'il eut une influence incalculable sur le monde actuel.
Un Poutine français
Il était petit comme Poutine, et comme lui, il aimait les bonnes choses matérielles. Il se prenait, comme lui, pour l'Etat, il était l'Etat, conféré de droit divin, et son premier ministre, ancêtre de Véribad, le comptable d'Ali Sandagarao Mossa Saadi Bey, était près des sous de son maître, et des siens, jaloux, aigre et travailleur.
Il était jeune comme Alexandre, et aussi ambitieux, à la différence qu'il avait le pouvoir suprème que seuls ses 22 ans le retenaient d'imposer.
En ce temps là sévissaient les oligarques qui tiraient leur immense fortune, des commissions tirées de la collecte des impôts. Si certains étaient discrets, d'autres cumulaient le m'as-tu-vu, d'un Abramowitz et d'un Deripaska. Leur étalage de luxe était l'objet d'une surenchère et sa provenance provenait, comme le premier million des oligarques (celui qu'on ne peut justifier) d'obscures intrigues lors de l'octroi des prébendes. On les nommait des fermiers généraux.
Une différence notable séparait cependant un Deripaska d'un Nicolas Fouquet: le niveau culturel et l'intérêt pour les belles choses qui enrichissent un pays et nourrissent les artisans.
Voulant honorer le jeune roi (car le Poutine français c'était Louis XIV, celui qui décrétait : l'Etat c'est moi !) l'oligarque Fouquet fit une fête somptueuse en son château de Vaux le Vicomte, un magnifique palais dessiné par les plus grands architectes des meubles, des tentures, des tableaux admirables de finesse et de goût. A la table de Fouquet brillaient les plus subtils esprits du temps, dont la chroniqueuse était Madame de Sévigné dont nous avons gardé le trésor épistolaire (il n'y avait ni téléphone, ni SMMS en cette époque dédiée aux arts).
Il faut avouer qu'il y avait un soupçon d'orgueil chez Fouquet, il voulait en imposer au Roi, comme Bolloré à Sarkozy, mais sur un autre régistre !
Le Poutine français, réagit comme le Poutine russe. Il exila séance tenante le malheureux oligarque à Belle-Isle, ce qui était quand même plus confortable que la Sibérie. Puis, il décida qu'il ferait mieux : plus grand, plus riche, plus tape à l'oeil, plus époustouflant, plus coûteux... beaucoup plus coûteux, mais c'était pas pour lui, le Poutine français, mais pour l'Etat, puisque l'Etat c'était lui, ben, voyons ! Et surtout, vite, vite, vite tout devait faire oublier Fouquet, peu importe que les coulisses de Versailles fussent en carton pâte, et que les milliers de m2 de toiles d'allégories ne puissent rivaliser avec la Sixtine de Michel Ange. Le résultat, le tape à l'oeil était parfait et ce fut un scoop immédiat et mondial. On en avait pour son argent!
Mais il restait à rayer de la carte les oligarques français. Ceux-là , comme les russes, se payaient sur la bête, prenant leurs commissions sur les richesses du peuple. Colbert estimait cela immoral. Pour un privé, voler un oeuf à l'Etat, était plus grave que de voler un boeuf pour un serviteur de l'Etat, censé tout rendre à Louis XIV (il fallait bien construire Versailles). Et Louis XIV avait l'obsession de l'argent, comme Poutine. Il lui en fallati toujours plus pour bâtir le prestige de l'Etat. Comment dépouiller les oligarques?
Certes, on pouvait les flanquer de vérificateurs, eux-mêmes supervisés par des contrôleurs, car malhonnêtes comme les mortels, verifiés par super-contrôleurs, et passés au crible de calculs tatillons par des employés dont la stupidité, garantissait dans une certaine mesure le désinteressement.
Mais un soupçon demeurait : comment être sûrs qu'aucune commission ne serait versée aux fournisseurs? Colbert eut un éclair de vrai génie : les seuls qui ne fraudent pas sont les morts. Il fallait donc tronçonner toute décision, toute commande, toute opération de telle sorte qu'ells soient prise non par des hommes, surtout compétents et suspects de connivence avec les fournisseurs, mais par des textes pondus par des commissions totalement étrangères au domaine considéré (ce qui coupait toute connivence) et composées, autant que possible par des absents ou des morts. C'est ainsi que dans l'histoire de la boite de Caviar de 500 grammes, rapportée pour mon anniversaire, les douaniers au lieu de soupeser le cas particulier et de considérer qu'un touriste, ayant son jet privé et ses gardes du corps, pourrait bénéficier d'autres sources de revenus que de faire du trafic d'une demi-boite de caviar interrogèrent l'oracle : le règlement bureaucratique. C'est que d'après la bureaucratie Colbertienne, il n'y a pas d'exception, un cerveau ne doit pas penser car c'est du jugement et du discernement que nait la tentation fatale de la commission, de l'arbitraire et du passe-droits.
Les douaniers, n'ayant pas de cerveau, s'adressèrent au chef, mais celui-ci étant vivant et susceptible de frauder pour faire plaisir au jeune riche, s'adressa à son tour au sur-chef, qui enfin atteignit la source légitime de la décision un texte, venu d'on ne sait où mais d'origine et d'incompétence garanties.
Une autre règle de la bureaucratie Colbertienne fut suivie : seul l'écrit paraphé compte et non le compte rendu oral. Il fallut donc trouver un traducteur assermenté (un Dimanche!) qui puisse identifier les caractères cyrilliques comme mentionnant l'appellation caviar malossol, puis un hygiéniste et un expert de la répression des fraudes alimentaires qui puisse garantir que le contenu de la boite etait bien du caviar d'esturgeon et non de la confiture de myrtilles parfumée au poisson -peut-être contaminé-, puis, enfin, décider de l'injection de la boite, partie licite de 250 g, comme partie illicite de 250 g, avec de l'eau de javel, pour être bien sûr que nul n'en profiterait, ce qui serait en infraction avec la règle Colbertienne. Celle-ci élimine les passe-droit, et les traitements de faveur. Mieux vaut jeter, que d'en faire profiter indûment à des individus non prévus par les textes.
Est-il besoin de signaler la connivence entre la Bureaucratie à la Française et l'égalitarisme? Que ce soit pendant la Révolution française ou Russe, la dictature nazie et Russe, on voit toujours des cohortes d'Eichmann suivre les spoliateurs et les assassins, en déclarant d'un air buté : befehl ist befehl. Les ordres sont les ordres. En prenant en considération que dans la bureaucratie à la française, les ordres sont donnés non par des chefs humanoïdes, mais par des textes, des règlements, des lois contradictoires, des décrêts promulgués mais jamais suivis...
Ne croyez surtout pas que la bureaucratie soit le monopole des Etats ou des multinationales. On la trouve aussi dans des PME qui en imitant la stupidité bureaucratique croient faire un acte de saine gestion.
Avant-hier, je reçois une note salée pour une alarme intrusion dans mon petit musée de l'Ecriture. On m'explique que je n'ai pas répondu par e-mail signé à mon changement de numéro et qu'on n'avait pu ainsi m'aviser. Quand avez vous appelé ? - Hier à minuit et puis à une heure. - L'appareil était en charge et vous avez mon autre ligne. - Elle n'a pas été enregistrée dans le formulaire 4578. Mais avant que faisiez vous? -Avant on avait le droit de vous joindre. Maintenant le règlement a changé. - Quelle a été l'action de votre intervention? On a été à deux heures du matin sur place (on était pris avant), - Et qu'avez-vous constaté? Rien. - Vous pensez bien qu'en deux heures, on avait largement le temps de dévaliser le musée? - Bien sûr, mais c'est comme ça pour tous. - A quoi sert alors cette inspection, en dehors de la facturation qu'elle déclenche? - A rien, mais elle est prévue dans le règlement. -Je n'ai jamais vu cette clause. - C'est normal, elle a changé et vous ne pouvez la récuser sans lettre recommandée et sans remplir le 4578. - Encore faut-il que je sache que les règles ont changé. - Vous n'avez qu'à consulter régulièrement notre site, on ne peut communiquer avec chacun de nos clients.
Je vais me séparer de cette organisation de télésurveillance et m'inscrire à une officine suisse qui ne connaît pas encore ces subtilités.
Je ne puis quitter le chapitre de la bureaucratie à la Française, sans expliquer pourquoi Gélinier ... lui décerne cette exception honorifique (une de plus). La France ajoute à la bureaucratie sèche et inhumaine, anglosaxonne, une touche sympathique d'humanité, tant il est vrai que la haine, l'envie, la jalousie, l'acrimonie, sont passions bien humaines. J'en parlai un homme sage qui habite l'Elysée. Il leva les yeux au ciel. Comment voulez-vous combattre- dit-il- ce qui vient de la Révolution et ne cesse d'être perpétué par les médias et les profs d'université? Comment le Président pourrait-il lutter contre cette gangrène hypocrite et mortifère?. Aucun décret ne pourrait en venir à bout.
Vivement Poutine ou Louis XIV, rèvent certains. On les comprend quand on considère les retombées monstrueuses, de notre malheureuse Révolution, dont le premier responsable a été Louis XVI, qui a cédé aux intellos vertueux qui nourrirent la guillotine, et donnèrent naissance à un autre Poutine, aussi petit que le russe, et aussi populaire. (cf. le film Prova d'orchestra de Fellini, en vente chez Amazon)