Invocation à l'Océan.
Premier chant de l'Entretien
En hommage au Prince venu de l'Océan. Quand il pourra en pénétrer le sens ce sera alors l'âge de raison qui aura sonné.
Ce poème combine trois niveaux superposés.
Au niveau intermédiaire, le scorpion explore la vie, ses arcanes, ses paradoxes (les oxymorons : pics tranchants, abîmes) tout ce qui est caché en décomposition et en déclin, prélude à une naissance.
Au niveau inférieur, individuel, la révolte. Le témoignage biblique de celui qui sera sauvé des eaux et qui amorcera une nouvelle ère. La lucidité sans indignation active, sans lutte contre la barbarie n'est que pessimisme stérile. Témoigner pour la gloire de Dieu et l'amour des hommes. Témoigner, puis répandre la Bonne Parole, et militer pour le bien.
Enfin au niveau supérieur, englobant et relativisant le bien et le mal, les forces supérieures, le Cosmos sacré, le chant calme des nappes harmonieuses du ciel. Catharsis nécessaire à la sublimation de l'horreur du tissu sanglant collectif en un réseau conforme à la Volonté de celui qui a créé, pour tout début, l'Océan, d'où tout procède.
L'océan aux flots d'argent
L'océan aux flancs d'argent
s'accorde chantant aux nuages blancs.
Orgue de cristal tintant, dragon liquide grondant,
le bruit me poursuit de la course des vagues
voraces d'elles mêmes, riches d'algues et de plancton.
Les mouettes tracent sur le sable impur,
un dessin sans cesse renouvelé
par une invisible translation,
débris d'une géométrie cachée.
Les coquilles et les crabes
gisent abandonnés sur la grève, vidés, brisés, morts.
Vagues issues du passé
mères d'avenir
qui emprisonnez dans vos mailles le moment fugitif,
la parcelle de conscience
seul éclair dans la nuit neutre,
instant unique dans l'éternité modérée de l'univers.
Vagues fantômes qui nous heurtez
aux êtres et aux choses,
Vagues funestes qui nous blessez,
vagues du temps qui sapez nos fondations,
où est le lit du ciel,
vaste champ continu
aux régions floues, aux ponts ramifiés,
aux frontières fluides?
Où, l'astre qui vous anime?
Océan du ciel, vaste champ discontinu,
lorsque je contemple ton reflet en mon rêve,
je m'abîme en un vertige de solitude spirale,
je deviens flamme dans le brasier des galaxies.
J'ai pressenti les tourments de l'amour,
la volupté de la haine,
j'ai côtoyé les abîmes de la foi
et frôlé les pics tranchants de la cruauté,
mais à ton évocation leur souvenir se trouble.
Ainsi flottant, je m'abandonne fasciné par la vie,
aux confins de la sphère de cristal gelé qui l'enveloppe.
Créateur des vagues,
Toi qui modelas mon univers interne,
qui informas mon destin
en apposant son sceau dans mes cellules,
donne-moi la force de regarder lucide,
cette zone infestée de poulpes voraces,
de monstres invisibles, ce bas fonds de la création.
Donne-moi le courage d’affronter la trame maléfique
du tissu sanglant du grand rêve collectif.
L’océan aux flots d'airain,
répond grondant au ciel éteint.
Orgue d'enfer tonnant,
dragon furieux hurlant,
le fracas m'assourdit de la fuite des vagues,
jamais rassasiées,
avides d'elles-mêmes,
chargées d'algues et de goémon.
Les paradigmes tracent sur le magma impur,
un dessein sans cesse renouvelé
par d'inlassables mutations,
prolégomènes d'une géométrie future.
Les bêtes et les hommes
gisent sur la grève déserte,
gonflés, éviscérés, morts,
corps déchus et abandonnés.
      Rückblick Vents traversants                                               
Suivi: Nov 15, 16:14