Honolulu tel qu'on ne le connaît point
un voyage photographique original
Il est 17h 09 et le millième visiteur de la journée vient de se pointer. Frédéric Bonnet aussi, qui revient d'un long périple avec un très bon photographe avec qui il a séjourné sur la côte Ouest pour terminer une série de photos à Honolulu, photos destinées à montrer le paradis du Pacifique tel qu'on ne l'a jamais vu, authentique et aux antipodes du kitsch touristique avec coucher de soleil derrière les palmiers.
En fait de paradis la ville de Honolulu est une véritable horreur de béton, pis encore que la Floride. Il faut s'éloigner pour rencontrer la nature, une nature qui ne coïncide pas forcément avec la carte postale des tours opérateurs. Au contraire. Il faut chercher un peu pour trouver les fameux palmiers sur fond de mer turquoise et ciel flamboyant. La nature, la vraie est tout le contraire. D'une incroyable diversité, tantôt luxuriante et sombre, tantôt d'une aridité désertique, on passe d'un univers à l'autre sans transition.
Avec son photographe, ils ont attendu que le soleil soit couché pour révéler la mystérieuse et authentique beauté de l'île, dépouillée de toute la pacotille touristique qui la couvre comme un filet discordant de détritus kitsch. Bonnet m'a promis de nous réserver les photos les plus surprenantes. Ainsi découvrirons-nous Hawaï derrière Hawaï.
L'enfant de l'Océan
Aujourd'hui, pendant que mon millième visiteur se pointait, j'ai appris une nouvelle très chargée de signification pour mon projet ultime. Un petit garçon voué à l'Océan, apparut sur la planète. Or tout L'Entretien est issu de l'Océan. C'est en me promenant convalescent sur la grève déserte, en plein hiver, que ma vie a basculé et que je me sentis devenir un témoin, ce vieillard de l'Apocalypse, appelé à relater les choses merveilleuses et affreuses qu'il nous serait donné à expérimenter en ce début de millénaire. Il nous faut bien convenir qu'il y a bien eu basculement, mais non point personnel, ni technique, pas plus que technologique ou politique, cela n'est pas l'affaire du Livre de Jean, mais basculement des échelles de valeur, des paradigmes, interversion du Bien et du Mal, négation de celui qui nie, acclamation de l'hydre qui affirme et assène les vérités.
Cette nuit, je la vécus à l'heure de l'Océan, celui d'où sort toute vie, le grand générateur, le réceptacle des choses cachées. Elle se tint sous le signe du Scorpion qui flotte entre deux eaux, écume et bas-fonds, visiteur de ces trésors liquides enfouis dans la Grande Matrice. Si Scorpion est signe d'eau stagnante, agent de métamorphose et de destruction, de transformation et de renouvellement, orienté vers une vie nouvelle, Ocean est l'eau vive, vagues chevauchantes qui gonflent et déclinent, se renouvellent sans relâche, servantes d'Héraclite, embrassant tout ce qui a été, qui est et qui sera.
En cette longue nuit, je fouillai dans mes archives à la recherche du matériau qui se condensa progressivement pendant des décennies en la matière fluide de l'Entretien. Je cherchai quelque variante oubliée, que je pourrais dédier en hommage à Océan. Mais je fus déçu dans ma quête. De variantes point. Le texte qui ouvre Apocalypsis Cum Figuris est resté depuis son premier jet, - à quelques détails près - immuable. Et il ne se prête pas à hommage ni à pièce de circonstance, trop ambitieux, trop altier, trop décalé. On ne peut ni le dédier, ni l'accommoder. Il est irritant par sa fixité, et on sait combien ses diphtongues asinines en "an" m'agacent. Mais elles résistent à toute érosion du correcteur. L'Ocean demeure, tel qu'il est apparu, à l'exception d'une fin formant tryptique qui a été ajoutée à une période plus récente.
En attendant, à défaut d'un texte trop abouti pour s'adapter, ce sont mes pensées les plus profondes, mon être essentiel, qui rendent hommage à un petit garçon venu des eaux, et voué au destin mystérieux qui attend notre magnifique planète bleue.