L'argent rend fou
Le pouvoir, le sexe, le shox biz, la drogue, la violence, le massacre collectif, aussi. On peut ajouter aux causes de la folie ordinaire la pauvreté, l'anonymat et la solitude, la privation sexuelle, la frustration du drogué inhibé, la haine non assouvie... En bref, tout le monde il est fou, tout le monde il est méchant.
Dans le passage ci-dessous, Wagner décrit les ravages de l'argent fou, (ici symbolysé par un anneau d'or) chez un psychopathe frustré qui ne pouvant conquérir l'amour le remplace par l'obsession de l'argent illimité, l'argent comme but unique de l'existence. Et cette frénésie est contagieuse...
Alberich
... Maudit soit cet anneau!
comme j'ai maudit pour l'obtenir !
Son or me donnait un pouvoir immense,
que désormais son charme engendre
la mort pour celui qui le porte !
Nul n'aura de joie
à le détenir,
son clair éclat
ne donnera nul bonheur !
Qui le possède
sera rongé de souci,
et qui ne l'a pas
sera dévoré d'envie !
Que tous convoitent
sa possession,
mais que nul n'en jouisse
avec profit !
Que son maître le garde sans bénéfice,
mais qu'il attire sur lui l'assassin !
Voué à la mort,
le lâche sera tenaillé par la peur ;
tant qu'il vivra,
il dépérira de désirs,
maître de l'anneau
mais esclave de l'anneau...
Richard Wagner, in Voyage au coeur du Ring, volume I .
L'Or du Rhin, IV.
Fayard, 2005. Traduction Françoise Ferlan
La citation ci-dessus est extraite du Ring de Wagner, le meilleur modèle des méfaits de l'argent et du pouvoir devenus fous, et les dégats irreversibles qu'ils causent à l'humanité et la nature. Tout jeune manager devrait lire et méditer ce chef d'oeuvre propéhétique. Les vieux ... c'est sans doute trop tard ! Achetez le DVD de Boulez-Chéreau, vous ne vous ennuyerez pas une seconde, ou alors, c'est à désesperer de votre niveau mental.
Les lacunes de l'enseignement du management
L'ignorance du fait culturel et mental
Voici bien longtemps dans ce blog et ailleurs que je déplore les oeillères qui limitent la vision des jeunes dirigeants et qui les transforment en spécimens de Matrix, en clones de la société, incapables de vision à long terme et dépourvus de toute éthique réelle, éthique réduite à des palliatifs et à de creux discours convenus.
Une des lacunes les plus criantes qui affectent ces jeunes déformés par l'université, les banques, les sociétés de consulting, est l'impasse sur les passions, sur les sentiments, sur les idées et les rêves de hommes, aussi bien à la base, qu'au sommet de l'Olympe. Les dieux qui président à notre destinée ne correspondent plus, comme ceux de l'antiquité, aux instances de notre système mental mais à des modèles absurdes et c'une cohérence délirante, d'où toute humanité est exclue.
Minsky attribuait ce "management superficiel" au gigantisme des matrices décisionnelles, Michel Crozier, à la cancérisation bureaucratiques d'organisations en train de mourir et qui ne finissent pas de proliférer et d'étendre leurs métastases. Mais l'analyse de l'ISD publiée dans Virus, montrent que le mal est beaucoup plus profond. Il ne touche pas les organes, mais les cellules. Il a pour fondement la pauvreté culturelle absolue, celle qui empêche les analphabêtes de prendre conscience de leur état.
John Baldessari se filmait dans un de ses premiers vidéogrammes en train d'enseigner l'alphabet dans une plante verte en pot. Comme Marina Fédier l'interrogeait sur la signification de cette séquence absurde, il répondit : j'ai essayé plusieurs fois, mais elle n'a toujours rien appris.
Essayer de parler de l'intérêt de la culture, de la nécessité d'introduire l'apprentissage de la langue pour les communications raffinées dont nous avons besoin, de pratiquer la politesse, l'amour des arts et des lettres, à des hommes d'affaires, revient à apprendre l'alphabet à une plante verte. Que faire alors?
Plutôt qu'invectiver les ténèbres
allumons une petite lanterne.
Certains se demanderont si je ne deviens pas gâteux, tant je rumine et ressasse les mêmes choses, comme John Baldessari avec sa plante en pot. Non je ne crois pas être gâteux et je suis tout à fait conscient des répétitions, des redites qui jalonnent mes blogs. C'est que les esprits brillants et formatés ont appris à ne pas de perdre de temps et à éviter les redondances. Ils ont ainsi la sensation d'économiser du temps pour l'employer à des futilités à la mode. Mais leur connaissance (si on peut appeler ainsi la bouillie qu'ils consomment), ne touche que le cerveau, elle est coupée de l'eau vive dont parle Marina Fédier, des sentiments, des racines profondes des civilisations, des valeurs souvent conflictuelles. Une vraie connaissance se mange, elle se digère, comme Jean de l'Apocalypse dévora un livre sacré. Et pour cela il faut une lente mastication, une répétition patiente et sainte, toujours réactivée et profondément renouvelée. Croît-on que Vladimir Horowitz perd son temps lorsqu'il répète pour la dix millième fois un passage apparemment limpide de la Sonate au Clair de Lune?
La petite lanterne, c'est l'acte personnel, isolé, désinteressé, l'acte d'amour et de passion du vieux professeur en fin de course qui essaie de transmettre les clés à des jeunes promis à un brillant avenir. Former des fils de riches nés avec la cuiller d'argent et condescendants, ne sert qu'à récolter mépris et ingratitude. Mais les démunis, ceux qui viennent de la base et à qui vous tendez la main, abandonnent vite votre enseignement, et dès qu'ils ont pris goût à la réussite, ils sont pires que les autres.
J'ai appris, vous le savez, à discerner des jeunes puissants, ambitieux, des bêtes de jungle faits pour gagner, implacables dans la compétition, qui ne demandent que de conquérir le pouvoir, d'influencer le monde de l'argent et des médias. S'ils sont doués pour cela, s'ils portent en eux une irresistible pulsion Yang armée pour le combat et la victoire, faut-il leur rogner les griffes? Les émasculer avec du préchi-précha? Les culpabiliser? Je ne le pense plus. Il faut au contraire en faire des princes de la Renaissance, des protecteurs des lettres, des arts, des génies toujours présents dans notre planète. Il faut les cultiver. Qu'on ne me parle pas d'initiation à la sagesse, à l'humanité, à la convivalité, de dévouement à la cause des hommes, de transcendance et de religiosité. Ce discours vertueux me crispe autant qu'il les agace.
La véritable humanité provient de la connaissance intime des drames existentiels des hommes, le vide essentiel, qui demain pourront vous toucher, et auxquels il faut se préparer le plus vite possible dans sa jeunesse. L'empathie aussi, cette compassion pour les victimes, pour les souffrances inutiles, cette indignation furieuse qui nous siasit devant le gachis provoqué par les débordements de l'argent sans frein, du pouvoir sans frein, du sexe étalé, du fanatisme conquérant.
C'est le respect pour les hommes de bien, les fidèles, les sincères, les compétents, qui comme Cordélia ne savent pas se défendre et plaider pour leur cause qui doit animer les puissants. Le prince est non seulement un prédateur et un conquérant, c'est aussi une puissance tutélaire, un protecteur de ce que l'humanité produit de plus raffiné, de plus précieux, de plus élevé.
Comme je suis un infatigable optimiste (pourrais-je continuer à enseigner autrement?) je me suis donné l'illusion, qu'une poignée de jeunes de toute conditions, sortant de prison ou héritant des empires, sont ouverts à ce message. L'avenir me dira si, comme bien souvent dans le passé, je me serai bercé d'utopies. Qu'importe? Même si ce devait être le cas, je serais infiniment triste, mais je continuerai. Comment empêcher un oiseau de chanter au printemps? Et pour le vieux professeur que je suis, le printemps est éternel.
Les atrides
D'après les paroles consolantes que je vous confie, vous pourriez à juste titre penser que je vis dans un monde parallèle où tout le monde peut être beau et gentils. Tel n'est pas le cas et je m'en vais pour vous doucher un peu, vous évoque quelques microcas, soigneusement censurés pour des raisons exposées en long et en large dans ces derniers billets. Ils concernent tous des familles qui auraient des relations normales et même affectueuses, n'était l'argent-roi.
1. Les fratries haineuses sont légion. Je connais au moins quatre familles où des Caïns au petit pied rêvent d'assassiner leur Abel, ou à défaut (il leur manque le courage nécessaire) de le discréditer pour se parer des plumes du paon. Ce sont souvent des paresseux, des incapables, dépourvus de toute qualité autre, que la séduction et la flatterie auprès de leur père, qui, comme le Roi Lear, cède au mensonge. Le mensonge est fait pour séduire, la vérité n'est que la vérité, dit Volkoff. J'expérimente tous les jours ce fondement de la manipulation et c'est un spectacle d'autant plus désolant, qu'Abel au lieu de travailler et de faire sa cour, enrage et se bat contre des moulins à vent, aggravant sa position. Allez donc voir au théâtre de la Potinière, une pièce de Sacha Guitry, montrant de quoi sont capables deux blanches colombes dès qu l'intérêt s'en mêle. Et admirez le jeu du professeur Cochet le meilleur acteur comique de sa génération.
2. J'ai vu la mère déchirer et sa propre mère, et son fils, pour la mainmise sur le contrôle de l'héritage. L'argent au delà d'une certaine limite, transforme la plus vertueuse, la plus modeste des femmes de bien en une Médée, une Catherine de Médicis, une erynnie. C'est chez ces dames vertueuses qu'on trouve des trésors de mauvaise foi confondante et elles se servent de leur féminitude, pleurs dans la voix, pour émouvoir les médias. Ainsi elles accèdent au rang de grande tragédienne.
3. Les hommes agissent avec plus de brutalité, bien qu'ils soient capables de la froideur la plus implacable. Ils voient mourir leur père sans ciller, ni même essayer de feindre la douleur. L'un deux que je connais bien et que je ne puis nommer, n'arrivait pas à cacher sa joie au point que tous le complimentaient sur sa bonne mine, ce qui laissait pas de l'embarrasser, mais c'était plus fort que lui, la jubilation transformait ses traits.
4. Il arrive que certains jeunes héritiers arrivent à emporter les préférences de leur famille sur leurs frères plus compétents et plus affectionnés mais moins courtisans.. Je me souviens que le grand patron d'une entreprise de cosmétiques me confia son cadet pour que j'essaie de lui inculquer quelques connaissances, et il m'imposa de le prendre chez moi comme assistant. Ce fut l'épreuve la plus décourageante de ma vie de professeur.
Voici grosso modo le dialogue de motivation :
Q - Qu'aimeriez vous-faire dans la vie?
R - Rien.
Q- Il ya bien quelque chose qui vous rend heureux?
R - Oui. Me dorer au soleil et ne rien faire.
Q- Bien. Je pourrais vous introduire au Club Méditérannée à la Martinique.
R - Non c'est la barbe. Moi j'aime bouger.
Q- Et voyageur représentant dans une île?
R - C'est pas passionnant.
Q- Que voulez-vous faire alors. Avez-vous reçu une proposition?
R - Oui.
Q- C'est bien, vous allez accepter?
R- Oui. Papa m'a dit que c'est une opport.
Q.-Chez qui allez-vous entrer?
R- Chez vous.
Q- Chez-moi !
R- Oui. Papa a dit que vous m'engageriez et que vous me payeriez l'essence, et le reste.
Q- Mais qu'allez-vous faire chez moi? Je suis conseiller d'entreprise!
R. De la vidéo et de la photo. J'aime bien ça.
Ce verbatim est à peine édulcoré. Bien entendu je l'ai engagé,pour ne rien faire, comme il le désirait. Aujourd'hui, trente ans après, il végète et continue de faire la guerre à son frère, et lui infliger des brûlures d'estomac. Mais rien n'y fait. Le pauvre petit est le chou chou de sa maman. Il héritera peut-être d'une bonne part du gâteau qui lui permettra enfin de réaliser sa vocation: la paresse.
Mais comment décrire la folie la plus aiguë de l'argent, la folie Matrix? Celle pour laquelle les dirigeants sont prêts à sacrifier leur famille, (souvent absente) leur patrie (mot inconvenant), leur santé (ils se glorifient de leur resistance qu'ils prétendent donner en modèle à leurs courtisans, et qu'ils payeront par une bonne crise cardiaque), et leur âme (on ne la mange pas en salade) d'où ils ont chassé toute humanité.
Un de mes jeunes qui a réussi dans la vie, avant de me jeter comme une chaussette usagée, me gratifia de son secret : comment faire de l'argent sans se fatiguer. Cela m'intéressait au plus haut point ! Voici la recette : "il n''y a que le premier billion de dollars qu'il est dur de gagner, après tout vient tout seul, il suffit tout simplement de franchir la barre fatidique. " Ayant rendu son oracle, il me tourna le dos et disparut de ma vie. Lautre soir je le rencontrai dégoulinant d'obséquiosité car mon statut social avait monté de deux crans. Il m'expliqua que bien qu'on n'ait pas donné signe de vie depuis trente ans, il me portait toujours dans son coeur ! Je crois que la vie de cet homme a été - de mon point de vue - un désastre. Passé à côté de tout ce qu'il aimait: les arts, et la musique, la vie de famille et les choses raffinées et de goût, il abandonna tout pour faire du fric, comme une poule exclusivement occupée à pondre des oeufs d'or.
Ces propos peuvent laisser croire que la seule folie aiguë est celle des hommes d'affaires avides et mercenaires. Mais ce serait tout à fait faux. J'ai vu accomplir les pires bassesses à des universitaires de gauche pour écarter de la compétition leurs collègues les plus valeureux et s'emparer de quelques millier d'euros. L'entourage de l'Elysée et les oficiels ne briguent pas l'argent, ils donneraient leur âme pour un poste de conseiller, ou un dîner au Grand Véfour. Et que dire de ces quinquagenaires, fous de sexe, et se fourrant dans toutes sortes de combines, -nommées "turpitudes" par leurs adversaires, en compromettant carrière et partisans?
Ceux qui sont effarés par l'amour de Poutine pour l'argent, confinant la folie géopolitique (aider l'Iran, ou souper avec le diable), qu'ils s'interrogent : sommes-nous si différents? Allons donc, seuls les mots vertueux et la prétention à donner aux autres de leçons qui ne nous côutent rien, font la différence, alimentant cette arrogance qu'on nous reproche dans le monde entier. Oui. Le monde est fou, mais la folie régne partout. Relisez Erasme.
Entrée dans le Ring Masterclasses pour Alexandre Je m'en suis déjà expliqué dans un précédent billet sur l'argent fou,►♦♦♦, Le Ring de Richard Wagner est un réservoir inépuisable d'enseignements paradigmatiques, qui ne prennent toute leur utilité e
Suivi: Nov 06, 00:37
Entrée dans le Ring Masterclasses pour Alexandre Je m'en suis déjà expliqué dans un précédent billet sur l'argent fou,►♦♦♦, Le Ring de Richard Wagner est un réservoir inépuisable d'enseignements paradigmatiques, qui ne prennent toute leur utilité e
Suivi: Nov 06, 00:44