MOZART
Don Giovanni. Wilhelm Furtwaengler, Philharmonique de Vienne. 1955. Unitel.****
La réalisation d'un Don Giovanni satisfaisant est un cauchemar. On ne sait d'ailleurs pourquoi. Tantôt la Zerline est grotesque (le film de Losey), tantôt la mise en scène est compassée et la direction sans vie, (Karajan à Salzburg) pour ne pas parler des versions opéra de province, ou ultramodernes (se passant dans un hypermarché ou n'aimporte où, avec un Leporello qu'on confond avec un Don Giovanni). Et puis l'oeuvre est redoutable à chanter et à diriger. Furtwaengler avait fait un DVD Live, à mourir d'ennui, ou plutôt de sommeil tant c'était lent et sombre.
Cete version est exceptionnelle. Elle ne saurait faire oublier peut-être d'éblouissantes représentations avec Mariano Stabile, mais elles ne sont pas enregistrées. Il s'agit ici d'un des tous premiers films d'opéra en couleur, reconstitué d'après une représentation à Salzburg en 1954 mais enregistrée sans public pour les effets spéciaux. La distribution est légendaire avec Cesare Siepi dans le rôle titre. La mise en scène est crédible et s'accorde bien avec la musique. Qu'importe qu'elle soit conventionnelle et fidèle (c'est devenu une insulte aujourd'hui, mais c'est bien agréable). La direction de Furtwaengler est impressionnante de dynamisme, de violence et de précision expressive. C'est la seule version qui me paraisse rendre justice à l'opéra le plus important du XVIIIe siècle, comme l'est Tristan au XIXeme siècle et Wozzeck au XXème.
La Flûte Enchantée
James Levine, Metropolitan opera, décors David Hockney. D.G.
Pour les débutants, c'est certainement la plus satisfaisante. Moins par la direction classique et lourde du gros et omniprésent Levine, qui est insupportable par ses mimiques et ses minauderies, que par la délicieuse mise en scène, une distribution plus que correcte, et surtout les décors magiques du coloriste David Hockney. Un enchantement. Baldessari, vient de me déclarer qu'il n'aime pas Hockney. Il préfère la m*** de Mc Carthy. Il a sans doute raison su point de vue de l'histoire de l'Art. Mais Mozart ne va pas avec la m*** et les amateurs d'opéra mozartien non plus. Alors, laissons nous charmer par une version fidèle dans la lettre et l'esprit.
J'entends déjà des objections. Et Ingmar Bergman qu'en faites vous?
Et il est plus qu'évident qu'on ne peut faire l'impasse sur ce film génial. Ceux qui l'on vu, se souviennent de l'ouverture où des hommes, des femmes, des enfants de toutes les races et tous les âges, dont l'adorable petite fille du cinéaste, vibrent à la musique universelle de paix et de fraternité de Mozart. Les arrières-plans maçonniques et psychanalytiques sont également mis en valeur. Alors pourquoi ne pas conseiller cette version? Parce que je préfère Mozart à Bergman. Tout d'abord le décodage est de l'invention de Bergman et rabaissé à une histoire de couple et d'inceste potentiel, parce que le Papageno, les enfants, sortent de contes populaires et sont dépourvus de tout mystère. Parce qu'il y a des clins d'oeil qu'on ne supporte plus après quelques auditions, comme Sarastro lisant Parsifal pendant un entre acte, et surtout parce que le son du suédois ne passe pas, absolument pas.
Un atout insurpassable de la version Bergman, est que les chanteurs sont aussi des acteurs ayant le physique du rôle ! C'est un puissant avantage pour le grand public qui ainsi, croit à l'histoire.
Pour ceux qui préfèrent une version plus profonde, respectant les arrières plans maçonniques et le mystère de cette oeuvre ultime, je recommanderai un DVD Qui vient d'être publié. La distribution n'a rien de bien alléchant.
L'opera de Hambourg est dirigé par l'honnête et compétent Horst Stein, un des piliers du festival de Bayreuth. La dramaturgie est signée par Peter Ustinov, plus connu pour son interprétation d'Hercule Poirot. Cet enregistrement date de 1971 et les chanteurs célèbres qui y jouent sont encore en pleine possession de leurs moyens. (Sotin, Gedda, Fischer Dieskau, Kurt Moll ...). Mais c'est la dramatugie, austère, sérieuse, d'une grande élévation qui rend justice aux ressorts secrets de l'oeuvre, interdits aux enfants et accessibles aux sages. C'est à mon avis la meilleure des versions pour adultes. Celle de Levine est tous publics.
Le nozze di Figaro
Karl Böhm, dramaturgie, J.P.Ponnelle, Prey, Freni, Ficher Dieskau, Te Kanawa; Ewing, Philharmonique de Vienne.
J'ai été enthousiasmé par une représentation de la Flûte par Ponnelle, au Théâtre des Champs Elysées à Paris. C'était un chef d'oeuvre d'humour, et finesse et de trouvailles. J'avais été invité par un sponsor dont j'étais le conseiller, et dont j'occupais la loge... vide à l'exception du Président qui dormait profondément.
Lorsque le DVD de Ponnelle, à Salzburg, parut récemment, précédé d'appréciations dithyrambiques, je me précipitai plein d'espoir. Hélas, les proportions calamiteuses du théâtre, coupèrent l'inspiration de Ponnelle qui se rabattit sur des trucs à la mode pseudo baroques.
En revanche, mon metteur en scène préféré donne le meilleur de lui même dans ce DVD parfait d'équilibre.
J'ai pris connaissance de ce vidéogramme dans un CD Video (l'ancêtre du DVD) qui malheureusement ne pouvait bénéficier des sous-titres.
Il faut louer la mise en images d'Ernst Wild, et la parfaite adéquation de l'apparence physique et du jeu des acteurs, avec la partition. On peut gager que ce DVD connaîtra les foudres ou la moue condescendante de ceux qui préfèrent un comte Almaviva en officier nazi, Figaro en résistant communiste en bleu de travail, et la comtesse en bourgeoise dans une penthouse de New Yok.
Cette mise en scène est conforme à l'esprit du XVIII siècle, et Ponnelle a supposé les spectateurs suffisamment intelligents pour faire tout seuls leur transposition. Il ne s'est pas trompé pour le public cultivé, mais il a été un peu optimiste au sujet de ceux que la mode plonge en un état de stupidité artificielle.