Le net sans images
J'ai commencé à rédiger mes reflexions sur l'Art Contemporain, en essayant de me mettre à la place du public cultivé et non spécialisé. Or, je me suis tout de suite trouvé confronté à un handicap qui me semble inhérent à l'Internet. Il est difficile pour ne pas dire impossible, de décoder une oeuvre visuelle, sans illustration. D'ailleurs tous les livres, toutes les revues sur l'Art, sont abondamment fournies en reproductions de qualité inégale, au point que certaines publications sont des images accompagnée d'un texte succinct. Cela ne vaut pas les originaux certes, mais on a au moins une vague idée de ce dont on parle. Mais lorsque j'ai voulu en faire de même, un scrupule m'a saisi : quid des autorisations? Logiquement on devrait passer outre, et c'est ce que m'ont affirmé quelques blogueurs. En effet le but est pédagogique et non commercial, et puis en cas de contestation, il est toujours possible de supprimer l'image incriminée ou de payer les droits correspondants. Un autre spécialiste m'a déclaré en substance " ne demandez-rien et allez-y ! Autrement vous irez droit à un refus." Par acquis de conscience j'ai consulté les sites sur l'art contemporain, et bien entendu l'incontournable Wikipedia. La réponse était claire : pas une image. Du texte, souvent bien rédigé et pertinent, mais du texte seul. Le lecteur doit se reporter à la bibliographie, ou se rendre dans la librairie d'un musée, à moins qu'il soit en mesure de se remémorer les oeuvres de Richard Prince ou de Jeff Koontz. C'est à dire un public spécialisé. C'est d'ailleurs vrai pour des oeuvres du XXe siècle, de Picasso à Basquiat. On peut dans certains cas trouver les sites d'artistes comme Bill Viola, mais l'iconographie est donnée en vrac et elle est réduite à sa plus simple expression.
Je me suis adressé aux Galeries, et je suis tombé sur des secrétaires qui m'ont fait la réponse rituelle " envoyez un e-mail à notre directrice, en lui exposant exactement votre projet, la liste des oeuvres etc..." Celle-ci s'adressera à l'avocat de l'artiste et nous voici dans le carrousel infernal.
J'ai vécu cela voici quelques décénnies à propos d'une vidéocassette sur le Ring, publiée par Philips-Polygram et aujourd'hui par la Mithec (Voyage au coeur du Ring, Mithec video classics, 2001). Il nous a fallu des démarches épuisantes pour obtenir du Festival de Bayreuth... une minute de musique! Les autres enregistrements, y compris celui de Solti, étaient inaccessibles finacièrement, demandant des fortunes par minute. Et encore fallait-il demander l'autorisation à tous les chanteurs et chacun des musiciens de l'orchestre, dont la plupart étaient en Australie, au Japon, ou à Tombouctou! Le paradoxe c'est qu'ils étaient édités par Polygram! Comment voulez vous expliquer les leitmotive à des sourds? Et tout le monde ne sait pas lire une partition. Enfin, on trouva une solution bancale: un enregistrement d'extraits d'où je pus extraire quelques bribes de musique, les leitmotive manquants étant ajoutés grâce à la précieuse collaboration de Jeffrey Tate et de l'Orchestre National de France. Or, quelle fut pas ma suprise, de voir en vente, aux Etats Unis, une explication commentée de l'oeuvre, avec les quinze heures de musique exécutée par Solti? Il est évident que la petite maison de production qui avait réalisé l'excellent montage pédagogique, n'avait pas les moyens de se payer dix minutes de musique, au tarif imposé à Polygram et à moi-même. Le cas n'était pas isolé, et Druillet, dans un jeu vidéo sur le Ring, obtint également tous les droits. Fort heureusement on trouce à présent des enregistrements tombés dans le domaine public, et s'ils laissent à désirer techniquement, musicalement ils surclassent toute la production postérieure.
En revenant l'art contemporain, il me semble que les artistes et les galeries, devraient avoir une politique libérale envers les sites sérieux à vocation pédagogique, comme Wikipedia, ou - bien entendu - mon blog! Refuser d'aménager la legislation en la matière, reviendrait à cantonner l'accès à l'approfondissement des oeuvres à ceux qui pourraient se déplacer dans des musées souvent lointains, (Le Moma, la Tate, Beaubourg) et faire l'acquisition de livres d'art très chers. La vente par e-mail ne résout pas la question, car non seulement l'effort financier est important, mais on ne peut feuilleter les ouvrages. S'il est un domaine où les artistes contemporains peuvent rencontrer un nouveau public, et soucieux d'aller plus loin que la visite superficielle des immenses galeries, c'est bien l'Internet.
Je continue mon investigation et vous tiendrai au courant. Je voudrais bien avoir vos commentaires et partager avec vous cette recherche. En attendant, vous trouverez le début de mon travail sur "Les artistes de l'Apocalypse", enquête et réflexions qui bénéficient de l'aide compétente de Frédéric Bonnet.
Ce critique est non seulement très averti de tout ce qui se passe dans le monde de l'art contemporain, mais il est également modeste, de bonne foi, imperméable aux modes et à l'autosuggestion, enfin ouvert au dialogue avec des profanes comme moi. Je lui ai proposé de lui ouvrir une rubrique sur mon blog, où il nous fera part de ses découvertes et de ses impressions, au contact des principales manifestations artistiques qui se tiennent en Europe et aux Etats-Unis. Nous avons un projet commun : identifier les vingt ou trente artistes reconnus mondialement, et analyser les causes de leurs succès, en explorant leur démarche à traver des oeuvres-clé. Ceci est réalisable dans une édition papier, mais pour l'instant, comme je l'écrivais, on doit se contenter d'un texte.