Une introduction à la musique classique
Dédié à Ben, un internaute de bonne volonté
On trouvera à la fin de ce billet une liste de disques conseillés
Un parcours initiatique pour la musique classique.
Ce qu'on nomme la musique classique, ou "grande musique" par rapport à la musique de variétés, n’est défini que par l'usage courant qui cependant varie selon les époques. Par exemple, les opéras de Verdi et de Rossini étaient aussi populaires que les productions d'Hollywood, aujourd'hui, et on a oublié les centaines de milliers de symphonies sans intérêt qui pendant deux siècles ont servi de musique décorative aux familles cultivées.
Ce qui permet le mieux d’établir une frontière, est la finalité de la musique classique à atteindre un raffinement technique qui la hausse au dessus d'une simple distraction, un peu comme un poème de Verlaine diffère d'un feuilleton de gare. L’argent produit, le nombre de fans, le succès médiatique, sont des critères, qui primordiaux dans la musique commerciale et populaire, sont secondaires, voire inexistants dans la musique d’élévation. Notre internaute Paul invoquait comme preuve de la qualité de Mireille Mathieu, les nombre de concerts et le nombre de spectateurs par concert. A ce compte, les plus grands compositeurs de ce temps, Dutilleux, Boulez, Glass, Dusapin, Stockhausen… se situeraient tout en bas de l’échelle des valeurs.
Le terme de musique classique stricto sensu est réservé à la musique occidentale, dont des conquêtes telles que le tempérament ou l'harmonie classique ont évincé dans le monde les formes traditionnelles de l'Asie et de l'Amérique du Sud. Même les musiques arabe et noire, ont été influencées par l’invention occidentale de la tonalité, omniprésente et de la manière la plus pauvre dans le rap, le rock et la musique populaire.
Le but de la musique de variétés est le plaisir, la distraction, l'émotion esthétique spontanée excluant l'étude minutieuse. Au contraire la musique classique exige pour être pleinement appréciée, un long et laborieux travail préalable. Cette nécessité anti-commerciale explique que, comme on l’a dit, le plus souvent le grand compositeur ne fait passer le succès qu'au deuxième rang. Pour lui seul le souci de perfectionnement dans l'invention prime tout. De ce point de vue, une grande partie de la musique d’opéra ou dite aujourd’hui classique, était autrefois l’équivalent de la musique de variété pour un public de connaisseurs qui avait appris par acculturation les codes des formes musicales les plus sophistiquées.
Autrefois, et surtout en Allemagne et en Autriche, tous les gens cultivés avaient un accès à la fois étroit et profond de la musique. Etroit parce qu'il se limitait à un répertoire restreint par les capacités de l'interprète. Profond, car jouant tous d'un instrument, ils devaient l'étudier en profondeur. Aujourd'hui, seule une petite élite apprécie les lignes de crête de la musique. La majorité des mélomanes, va de concert en concert, se passionne pour Pavarotti ou pour les baroqueux, mais ne fait qu'effleurer la surface chatoyante des oeuvres, admirant à égalité Couperin et Bach, Ravel et Schoenberg, Wagner et Bizet… et quelquefois Charles Trenet et Schubert.
Deux raisons ont consacré la prééminence de la musique classique occidentale dans le monde des sons.
Tout d'abord un certain nombre d'inventions formelles comme la symphonie, la fugue, l'opéra, la musique de chambre.
Puis, Il faut y ajouter son système de notation musicale fondé sur une division par douze de l'octave et les regroupements par sept des notes ainsi obtenues, générant ainsi les tonalités, les modes, les accords parfaits, les résolutions, et le système d'une infinie complexité de l'harmonie et du contrepoint, impossible à imaginer sans le système correspondant de portées et de notes. La science occidentale a suivi le même paradigme formel : sans la nomenclature chimique codifiée par Berthelot et sans cesse affiné, on n'aurait jamais pu développer la chimie. On en serait resté aux méthodes traditionnelles thérapeutiques et à l’alchimie. .
Les oeuvres qui forment l'univers de la musique classiques sont toutes égales en valeur, en qualité, en invention, mais il en est de plus égales que d'autres. La promenade dans une campagne vallonnée peut avoir beaucoup de charme. Pourquoi dès lors se fatiguer à gravir une montagne? Quant aux sommets élevés comme le Mont Blanc ou l'Annapurna, on ne peut les atteindre qu'au prix d'une longue préparation et de périls considérables. On peut certes prendre un hélicoptère ou un téléphérique pour admirer une vue sublime sans passer par les épreuves de l'alpinisme. Mais allez dire cela à l'alpiniste ! Il vous répondra que si objectivement la vue des hauts sommets est identique, qu'on la gagne péniblement par une ascension de la paroi nord ou aisément par un téléphérique, subjectivement on sort peut-être admiratifs de celle-ci mais transformés en profondeur par celle-là.
Il en est de même dans le royaume magique de la musique classique. On peut aimer se promener dans les plaines doucement vallonnées et fertiles des valses de Strauss, ou, en prenant de la hauteur, s'émouvoir de l'âpre splendeur de la Symphonie Fantastique de Berlioz, plus élevées, les gorges arides de l'Art de la Fugue de Bach, procurent l'exaltation que donne l'air raréfié des hauteurs.
Quid de la IXeme symphonie de Beethoven ou de la Flûte Enchantée de Beethoven, pics insurpassables de la musique et pourtant accessibles de plain pied? C'est là que se révèle l'utilité de notre comparaison. Ceux qui fredonnent l'air de la joie, et emmènent les enfants à la Flûte jouée par les marionnettes de Strasbourg, en retirent du plaisir, mais cela s'arrête là. Ils ont pris le téléphérique pour les contempler. Mais ceux qui ont étudié longuement la structure et l'histoire des oeuvres, scruté les couches sous-jacentes, l'inépuisable symbolisme, en sortent transformés.
A ce propos, au risque de rabâcher, je rappellerai une fois encore la métaphore de Pierre Boulez que je cite de mémoire.
Quand j'aborde en profondeur une oeuvre comme la Flûte Enchantée, tout me semble simple, lumineux. Mais dès que je l'étudie, j'entre dans un tunnel,où tout devient sombre, brouillé, mais défini. Et plus je travaille, moins je comprends. A force de persévérance je finis par sortir du tunnel et la lumière revient. Mais c'est une autre lumière.
Mon premier périple
Je vous propose un choix de DVD et de CD, tout à fait arbitraire car bien des enregistrements d'une qualité équivalente existent. Mais aucun ne peut surpasser ces pierres miliaires, parfaite adéquation entre la composition (transcendante), l'exécution (inspirée), la mise en scène (respectueuse de la lettre et de l'esprit). Ce sont des enregistrement qu'il faut avoir et mettre en réserve quand la solitude vous étreindra ou que vous vouliez passer une soirée exaltante avec des amis. Je vous laisse quelques titres qui me semblent incontournables, de ceux qu'on apporte avec soi sur une île déserte. Il faut les écouter, les réécouter, et les réécouter encore. Les mentions *** à ****** sont forcément arbitraires, mais elles correspondent à un choix médité et raisonné. Les titres ont été donnés dans le désordre afin de détruire tout notion de fil chronologique dans la sélection. Dans un billet ultérieur, je me réserve la possibilité de commenter ces choix des oeuvres aussi bien que des interprétations. Je vais ici au plus pressé pour vous permettre de commander ces disques qui risquent de disparaître des catalogues, au grès des modes et de l'inculture dominante.
DVD.
BEETHOVEN IXeme symphonie. (Avec la Vème). Arturo Toscanini, NBC orchestra. Emission télévisée du 3 avril 1948. ******
Concerto N°4. Wilhelm Backhaus et Karl Böhm. Wiener symphoniker. (avec la 2eme Symphonie de Brahms). 3 avril 1967 (Unitel). ***
Sonate op. 106, Wilhelm Kempff. Radio Canada; émission télévisée 29 novembre 1964. ***
MOZART
Don Giovanni. Wilhelm Furtwaengler, Philharmonique de Vienne. 1955. Unitel.****
Les Noces de Figaro. Böhm Ponnelle, Philharmonique de Vienne. ****
La Flûte Enchantée. James Levine, David Hockney, Metropolitan Opera, New York. DG. ***
La Flûte Enchantée, Horst Stein,Peter Ustinov, Philharmonique de Hambourg. Arthaus. ****
MOUSSORGSKY Boris Godunov. Valery Gergiev, Andrei Tarkowsky, Mariinsky Theatre St Petersburg. 1990. Philips. *****
TCHAIKOVSKY Eugen Onegin. Georg Solti. Petr Wegl. 1988. Decca. *****
RICHARD STRAUSS
Ariadn auf Naxos. Colin Davis, Semperoper, Dresden. Art Haus ****
KURT WEIL, BERTOLT BRECHT
Aufstieg und Fall Stadt Mahagonny. Semperoper. Dresden. Art Haus ****
VERDI Rigoletto. Riccardo Chailly, Ponnelle. 1983 Unitel. Decca. ***
BERG Wozzeck. Claudio Abbado, Adolf Dresen. Vienna State Opera. Arthaus. ***
CD WAGNER Extraits Die Walküre, Tristan und Isolde, Siegfried Idyll. RCA. ****
Tristan und Isolde. Furtwängler,Flagstad, Philarmonia orchesra; EMI. ******
SCHÖNBERG Gurrelieder. René Leibowitz. 1999 Dante production. Lys. ***
RICHARD STRAUSS Vier Letzte Lieder. Elisabeth Schwarkopf, George Szell. London Symphony Orchestra, EMI. 1985 ****
ROBERT SCHUMANN
Szenen aus Goethes Faust. Benjamin Britten. English Chamber Orchestra. Decca. *****
SCHUBERT Winterreise. Hans Hotter. DG ****
FELIX MENDELSSOHN BARTHOLDY
Ein Sommernachtstraum. Rafael Kubelik. Symphonie-orchester des Bayerischen Rundfunk. DG ****
GUSTAV MAHLER Kindertotenlieder etc. Kirsten Flagstad, Hans Knappertsbusch, Wiener Philarmoniker. Decca *****
Das Lied von der Erde. Otto Klemperer, Christa Ludwig,New Philarmonia Orchestra. EMI Classics ******
CHOPIN Oeuvres de piano par Alfred Cortot. EMI Classics **** (préludes : *****)
Sonate op.35. Recital Chopin. Wilhelm Backhaus. Decca ******
J.S.BACH Das Wohltemperierte Klavier. Sviatoslav Richter. RCA Victor. *****
L'Art de la Fugue. Hermann Scherchen. Orch. de la R.T.S.IL Lugano. Accord. ******
BEETHOVEN Die Klaviersonaten. Wilhelm Kempff. D.G. ****
Sonate Op.106. Dieter Zechlin (?). Eterna ****
BRAHMS Backhaus play Brahms. 1929-1936. *****
L'oeuvre pour piano. Julius Katchen. Decca. ****