Chronique
Statistiques
Le billet de Marina Fédier, continue son incroyable ascension. On se dirige à présent vers les 15.000 visites. Le nombre total de visites du blog a largement dépassé les 100.000 visites et le rythme de croisière dépasse les 1000 visites par jour. Ceci est réconfortant car c'est la démonstration que la culture peut aussi trouver un public... d'entrepreneurs et de professeurs, mais surtout de jeunes étudiants ou començant leur carrière.
La rencontre Dutilleux- Gergiev. Edition revue et complétée
Ci-contre, Valery Gergiev, Sergei Pugachev, sénateur de Russie , Marina Fédier et Bruno Lussato
Dans le prolongement du triomphal concert où Henri Dutilleux a été ovationné longuement et chaleureusement par la salle et l'orchestre, le compositeur a rencontré le grand chef d'orchestre Valery Gergiev pour préparer le concert du 26 octobre 2007 où Mystère de l'instant sera interprété. Le compositeur ne tarissait pas d'éloges sur Seiigi Osawa dont la direction géniale a donné lors de la première au Japon, mais surtout hier au Théâtre des Champs Elysées, une version de référence. Dutilleux était stupéfait par la mémoire du chef japonais. Qu'il dirige sans partition la Pavane pour une infante défunte de Ravel, soit. Mais Mystère de l'Instant est infiniment plus difficile à retenir." Dutilleux s'étendit longuement sur le génie de Berlioz, sa capacité d'invention, et l'influence qu'il exerça sur les compositeurs. Il aime tout particulièrement la Fantastique, tour de force accompli par un jeune homme qui n'avait pas trente ans.
Ci-dessous, Marina Fédier, Henri Dutilleux, Valery Gergiev
Le problème à la Chapelle Royale de Versailles, où on jouera Mystère de l'Instant est son exiguïté et les incertitudes qui pèsent sur son acoustique. Valery Gergiev déclare qu'il va devoir procéder avec infiniment de délicatesse pour adapter l'oeuvre à l'acoustique de la salle qu'il connaît mal, mais qui peut réserver des surprises heureuses.
Nicolas Sarkozy assistera au concert et avant la représentation s'entretiendra en privé avec Valery Gergiev qu'il connaît et apprécie, et avec Henri Dutilleux dont la soirée sera l'occasion pour le Président de la République d'honorer notre plus grand compositeur (avec Pierre Boulez, qui est également chef d'orchestre). Ceci s'inscrit dans une stratégie long terme de Nicolas Sarkozy en faveur de la culture humaniste, et de son rapprochement, en privé, de grands génies d'envergure mondiale comme Anselm Kiefer ou Bill Viola. La soirée, à laquelle assisteront des personnalités officielles et de grands entrepreneurs russes, de même que des patrons français, sera en outre l'occasion de raffermir des contacts personnels entre Français et Russes à un moment crucial pour le rapport entre les deux pays.
Ci-contre, Henri Dutilleux et Valery Gergiev
Pendant l'échange entre Gergiev et Dutilleux, le compositeur a fait preuve d'une modestie qui confine l'humilité. A Marina Fédier qui l'interrogeait sur les conditions préalables à la composition, Henri Dutilleux, parla de mélodies qui apparaissaient spontanément à son esprit. Notamment dans sa dernière oeuvre, il butait sur la dernière des trois pièces, sur les poèmes de Tardieu. De surcroît une affection aux yeux lui brouillait la vue. Tout à coup il tint sa mélodie et tout se débloqua. Marina parla d'inspiration, mais le maître protesta : "c'est un mot bien important, disons que c'est plutôt des idées qui apparaissent comme ça...Quand on est triste, il faut s'énivrer. De vin, de poésie... Le maître à propos de l'inspiration cite des extraits des petits poèmes en prose de Baudelaire.(Wikisource ) qui traitent du temps, du passage du temps, temps de l'horloge mécanique et sans vie ...
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : « Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »
Survint alors un épisode comique entre Gergiev et Dutilleux. Ce dernier fut tout heureux d'apprendre que le dernier CD gravé par le chef d'orchestre russe, venait de sortir le jour même. Par les temps qui courent, dit le compositeur, alors que l'édition musicale est en chute, c'est une bonne nouvelle que d'apprendre qu'un disque de vous vient de paraître. Gergiev annonça qu'il interprétait une oeuvre intitulée Trois rêves. S'ensuivit un moment assez long de flottement, car le compositeur déclara n'avoir jamais composé une oeuvre pareille. Enfin après des coups de téléphone à l'éditeur et des recherches bibliographiques, on apprit qu'il s'agissait de L'arbre des songes ! La confusion provenait de la similitude entre "The Tree of Dreams" et "Three Dreams".
Henri Dutilleux, qui adore la chanson française, se plaignit comme il le fait souvent avec moi, de la dégénérescence de ce genre illustré par Charles Trénet, Brassens, ou Aznavour. Il partage ma répulsion pour les performances de Mireille Mathieu et de Johnny Halliday : pas une ombre de qualité, une désolation. Apparemment le Maître n'était pas d'accord avec l'internaute qui me traita de guacho-idio-bobo pour avoir osé critiquer son idole!
Valery Gergiev nous quitta pour la première de son concert à l'Opéra Bastille après un passage à l'Elysée, où il défend inlassablement la cause de la culture, mais aussi celle du rapprochement avec la Russie éternelle, celle des Pouchkine et des Moussorgsky.