Paradis vert
Me voici depuis quelques jours à Divonne avec mes collègues de l’ISD. L’endroit est particulièrement sédatif et propice au travail : en dehors du golf, il n’y a pratiquement rien à faire et lorsqu’on n’a pas de voiture, rien à visiter. A San Remo, j’étais au paradis du bleu, joie de vivre, incitation aux plaisirs de la table, de la mer, de la musique napolitaine, de la chair pour qui en a l’âge d’en profiter. Ici c’est le paradis du vert, de la méditation, de la concentration, sous le signe du Mont Blanc, encore enneigé, paysage pris entre les formes sombres et sévères du Jura, et les lignes de crête des Alpes.
La proximité de Genève, et de la Suisse, à un quart d’heure à pied, nous vaut une invasion de vaudois et de genevois, fréquentant le golf et le marché. La ville en elle-même est la banlieue sud de Genève et fréquentée par des émirs, des oligarques russes, et à un autre niveau, par des cadres internationaux du CERN et des administrations, qui se rendent tous les jours au travail. Ce n’est guère excitant, mais vivifiant et reposant. On recharge ses batteries, et … il fait grand beau comme disent les genevois.
Quand j’entends le mot culture, je ferme mon porte-monnaie
Le président Sarkozy semble persévérer dans la voie de la réhabilitation de la culture d’élévation au détriment de la culture de masse, type Cauet. Encore que le mot divertissement populaire puisse susciter des inquiétudes.
Nicolas Sarkozy s’est ému de la schizophrénie qui affecte la chaîne publique, partagée entre le souci de rendre un service au public, notamment en évitant de trop l’abrutir, et celui de s’aligner sur la dictature de l’audimat, qui mène vers le pire du pire ou est tombé le niveau actuel de la télévision.
J’ai prédit dans un ouvrage retiré de la circulation aussitôt imprimé (Nathan étant l’éditeur) ; que la multiplication des canaux, loin d’élever le niveau culturel des programmes, l’abaisserait par un phénomène de surenchère du mauvais. Arte servant d’alibi snob et souvent barbant, comme l’a montré mon ami François de Closets qui s’y connaît, dans son système EPM (et puis m…). La régression est telle qu’il n’y a même plus de rubrique culturelle dans les programmes. Bon, on m’objectera que c’est un phénomène mondial, initié par les USA, producteurs hégémoniques des armes de distraction massive. Mais la France se targue d’entretenir un service d’utilité publique et nous le fait payer très cher, pour nous donner en définitive en pâture, une bouillie aussi mauvaise que ceux qui vendent notre temps de cerveau à Coca Cola.
Ceux qui se souviennent des temps héroïques de la télévision en noir et blanc, pourront apprendre aux jeunes générations que l’on donnait toutes les semaines d’excellentes pièces (au théâtre ce soir), des concerts de musique classique, et même des cours du Conservatoire National des Arts et Métiers (je suis bien placé pour le savoir !). En été les festivals de Bayreuth et de Salzbourg étaient régulièrement transmis ( par exemple le Ring de Boulez-Chereau) et des émissions populaire d’un excellent niveau comme celles de Jacques Chancel et de Jean Louis Servan Schreiber.
J’accorde une importance extrême à cette question, car selon que les français continueront à s’abrutir pendant trois heures et demie par jour, ou au contraire trouveront dans le petit écran, au moins une chaîne vraiment culturelle, qui ne tombe ni dans les pièges de la mauvaise vulgarisation, ni dans ceux de la création d’avant-garde pour bobos, le leadership du pays en sera durablement affecté. N’oublions pas que la vraie ségrégation n’est ni raciale, ni économique. Elle est culturelle, et un abîme se creuse de plus en plus entre les lettrés et les connaisseurs, et la population réduite à l’état de consommateur de bouillie made in Hollywood ou pire. Le mois d’août donne un florilège de ce que l’on peut faire de pire dans le genre. Ouvrez et regardez ! Un pessimiste me rétorquera que ça risque de vous plaire !
Oublions tout cela et contemplons le Mont Blanc !