L’Entreprise citoyenne
On parle beaucoup de l’entreprise citoyenne, notamment à propos de Gouvernance. L’idée générale est qu’on ne saurait plus considérer une entreprise comme une entité dirigée uniquement en fonction des intérêts des seuls actionnaires, mais qu’elle doit tenir compte également des stakeholders, des parties prenantes, parmi lesquels les femmes et les hommes qui y travaillent et qui coopèrent à son développement, les clients qui la font vivre, et l’environnement qu’elle contribue à améliorer ou au contraire qu’elle dégrade.
Si l’on veut éviter que ce concept dépasse le stade des idées creuses, il me semble qu’il faille sérieusement se préoccuper de l’évolution de la femme dans le travail. Son efficacité n’a plus besoin d’être démontrée, et elle tient à sa complémentarité avec l’homme. Ensemble ils peuvent aborder simultanément sous deux angles différents la vision politique et entrepreneuriale d’une organisation, ce qui constitue un enrichissement considérable. Le Yang, valeur de croissance et le Yin, valeur de conservation et de préservation de la planète, se recouvrent et impriment un rythme vital à la société. Celle-ci est de plus en plus fragmentée en classes disjointes, non communicantes : enfants, jeunes, vieillards et la femme qui travaille ne peut plus assurer les failles face aux exigences d’une mondialisation qui se répercute dans le quotidien des entreprises et le management du personnel.
Il appartient à l’entreprise de compenser une partie de ces dysfonctions,en ne se contentant pas de rémunérer financièrement les parties prenantes, mais en tenant compte des nouvelles exigences vitales telles que la création de crèches pour enfants. Or pour l’observation et la prise en compte des nécessités du terrain, la vision des femmes est précieuse car elle peut détecter les sources souvent cachées qui causent les grandes tensions. On parle souvent de l’utilité des petits stress qui jouent rôle moteur dans les entreprises, mais ils peuvent dégénérer si on ne se préoccupe pas de ces mille détails de la vie quotidienne, en grands stress dont nous constatons de plus en plus la nocivité.
Notamment dans les grandes concentrations comme les centres commerciaux, les zones occupées par les IKEA, Conforama et autres Auchan qui peuvent se permettre par leur coopération d’instaurer des moyens de réhabilitation et de changement, on ne peut se contenter de satisfaire les données techniques : prix, pénétration du marché, sécurité des personnes, mais tenir compte des facteurs culturels, des nouvelles technologies, des nouvelles donnes sociales dans leur répercussions sur le bien-être quotidien du personnel.
Ces considérations, loin d’être théoriques, peuvent et doivent déboucher sur des réalisations pratiques et une nouvelle recomposition de la Société. Il faut désormais se préoccuper de l’évolution personnelle des parties prenantes. Notamment introduire dans l’apprentissage des matières nouvelles qui développant la personne, et non seulement l’individu, jouent un grand rôle sur la qualité et la motivation au travail. Un exemple en est le recours à des maîtres en arts martiaux, des moniteurs compétents capables d’apprendre des exercices corporels, le contrôle de la respiration, l’amélioration de l’expression personnelle à ceux qui sont soumis aux contraintes d’une vie de plus en plus compliquée, comme les transports. Leur permettre d’accéder à une vision élargie de la vie.
De telles mesures peuvent contribuer à faire face à cette crise du sens qui causent la démotivation, l’absentéisme et l’incapacité à faire face à l’imprévu et aux situations extrêmes qui nous assaillent de plus en plus. Certes, il convient d’être modestes. On ne peut faire appel à de grands maîtres en méditation comme les disciple du Dalai Lama, qui sont pratiquement inaccessibles pour le commun des mortels. Mais on peut trouver des guides qui puissent nous aider dans notre parcours personnel à mettre en accord notre tête et notre corps. On peut se préoccuper de la composition des repas dans les cantines en tenant compte des données les plus récentes de la diététique. Par exemple en diminuant les rations de viande par l’adjonction de légumineuses de bonne qualité, on peut réduire considérablement le coût des repas tout en améliorant le capital santé. Apprendre à se nourrir, à respirer, à se prendre en charge, constitue une véritable culture qui renforce l’appartenance à l’entreprise et le sens du travail.
Pour terminer je citerai de mémoire la parabole que racontait le grand architecte Pouillon.
Un moine se rendait en pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle. Parvenu à Vezelay, il rencontra trois tailleurs de pierre et les interrogea sur leur travail et son sens.
Le premier lui répondit, sans lever la tête : je gagne ma vie, je suis payé aux pièces, et ça me permet de me nourrir, de me loger, de me divertir et d’entretenir ma famille. Passe ton chemin car tu me fais perdre du temps et ma productivité va baisser.
Le second, prolixe, ne tarissait pas sur son métier, la manière de laquelle il assemblait les blocs de pierre en fonction des teintes, des veines, des accidents afin de réaliser des pavements harmonieux et solides. Je réalise ce travail pour un riche bourgeois, mais j’améliore tous les jours ma compétence. Demain, quand je serai devenu un maître, le prince me distinguera, il me demandera d’orner son château.
Le troisième répondit simplement : je bâtis une cathédrale.
Cette anecdote illustre le sens que peuvent avoir des actions de grande envergure pour changer la vie. J’aurai l’occasion prochainement de consacrer un billet aux séminaires que je dirige depuis des décennies pour de grands groupes et qui ont fait la preuve qu’une telle mutation des esprits n’est pas une vue théorique mais une réalité palpable et à portée de toutes les entreprises.