SÉQUENCE 140 Vol. XI *** ZOUBOV à St.MARTIN
LE CHANT D’HELLEWIJN La salle des séminaires du Campanelli's Resort
JÉROME BONIMENT
Bienvenue à tous et merci d'avoir été si nombreux à honorer la présence de notre grand, de notre très grand écrivain Vladimir Zoubov et celle de sa ... charmante épouse Galina. Je cède sans tarder la parole à Vladimir qui a concocté le programme à votre intention exclusive.
ZOUBOV
Avant d'accepter cette invitation, je me suis informé…
GALINA
Zoubov est prudent. Il ne saute pas sur n'importe quelle proposition. Il est très occupé, très demandé.
ZOUBOV
Galina, je t'en prie. C'est de ma femme qu'est venue l'idée de se renseigner sur la flore et la faune de cette réserve sauvage qui jouxte le Resort et qui est si sévèrement protégée. J’avoue que ce climat de privacy extrême, presque inhabituelle, a excité ma curiosité et je me suis dit qu'après tout, cela pouvait faire matière à une nouvelle, peut-être même à un sujet de roman.
GALINA
Un thriller, un scénario de film d'horreur style Alien ou Méphitic. Un hit en vue, venant de la plume de Zoubov. Un vrai scoop.
ZOUBOV
Comme nous le savons tous, la zone interdite a déjà piégé et sans doute tué quelques vacanciers imprudents. Aussi ai-je choisi comme thème de causerie, le mécanisme du piège. Et pour l'asseoir sur des bases solides, j'ai demandé au docteur David Kahn, le psi renommé de nous faire le point sur les pièges.
DAVID KAHN
Ma pratique de psychothérapeute m'a conduit à rencontrer bien des pièges psychologiques, et pour en comprendre le schème nous devons nous pencher sur leurs fondements physiologiques et anthropologiques. Les pièges mécaniques pour animaux en fournissent une métaphore acceptable.
À un moment plutôt reculé de l'évolution de notre espèce, les chasseurs en vinrent à comprendre que la poursuite active d'une proie était souvent couronnée par des résultats aléatoires et au prix d'une fatigue excessive. Ainsi fut inventée la captation sous sa forme primitive : le piège.
Un piège permet au chasseur d'annihiler tout avantage de la proie que ce soit la force, la vitesse ou les griffes. Un piège à animaux accomplit d'une manière astucieuse et étonnamment simple le prodige d’amener la proie au prédateur, plutôt que l'inverse. Au lieu de continuer de poursuivre la proie, souvent en vain, le capteur conditionne la proie à s'attraper elle-même et à se livrer à son prédateur.
Une fois armé, le piège acquiert une existence autonome, il devient un surrogate du chasseur, attendant avec une infinie patience que la proie fasse le mauvais choix.
LAHI-NOIR
En tant que criminologiste, je reconnais là tous les signes d'une arnaque.
RASP
Voici qui expliquerait les accidents dans la zone interdite aux vacanciers. Les pièges dont elle est infestée attendent le mauvais choix des estivants.
DAVID KAHN
Tout à fait. Les pièges à animaux, comme les pièges animaux, sont des dispositifs diaboliquement ingénieux, d'une efficience sinistre ainsi que le montre le nombre de dépouilles qui jonche leur domaine.
Mme REUBENSTEIN
Comment cela peut-il marcher? Je ne me vois pas faire un choix insensé avec tous les consultants que je paye, vous le premier, David.
DAVID KAHN
Tout d'abord un piège efficace a le pouvoir de distraire et d'entraîner la proie dans une situation qui annihile son jugement et son instinct de survie. Un des moyens d'y parvenir est de disposer d'un appât d'autant plus "tantalisant" qu'il est spécifique et bien adapté à la victime. L'animal est alors irrésistiblement attiré en oubliant les mâchoires prêtes à se déclencher.
RASP
Ce pourrait bien être ces phéromones qui attirent l'insecte vers la plante carnivore. Il s'établit une double adaptation entre l'insecte et le piège de vénus : la taille de la victime est exactement proportionnée au conduit qui va le faire glisser vers le réceptacle mortel qui l'attend. Trop étroit, la bestiole ne peut s'y engager, trop large, elle peut s'en échapper. La phéromone émise par la plante est spécifique à un insecte de la dimension optimale, à l'exclusion de tout autre.
Mais qui a calculé le piège? L'hypothèse du hasard et de la nécessité me convainc d'autant moins que les pièges de Vénus peuvent fort bien se nourrir comme n'importe quelle plante. Le piège n'est donc pas un différentiel de survie.
ZOUBOV
Je ne vous connaissais pas ce talent d'entomologiste, professeur. Mais vous avez raison, cette énigme devrait tous nous turlupiner. Qui a réglé le piège, la sélection naturelle, le grand Architecte, ou le diable?
DAVID KAHN
Cette interrogation est hors de propos. Nous nous bornons à comprendre le How, à la rigueur le Why, mais pas le Who? Revenons aux conditions d'efficacité d'un piège. Il ne doit permettre la circulation que dans un sens unique, ou au moins établir une asymétrie dans la facilité de progression. Il est bien plus aisé à la langouste de se frayer sa voie à travers le filet conique du piège conçu pour l'attraper, que pour rebrousser chemin, une fois installée à l'intérieur du nid mortel.
L'appât qui a attiré la proie a en une première étape annihile sa méfiance en minimisant l'irréversibilité de la progression. On croit toujours pouvoir revenir sur ses pas, que l'on pénètre dans une jungle ou dans un labyrinthe. Ce sont des portes qui cèdent aisément au désir exploratoire de l'imprudent, mais qui se referment à toute tentative d'évasion.
JÉROME BONIMENT
À ce propos permettez-moi de citer le cas de certains bungalows dont les hôtes et leur activité sont protégés par la sécurité, sur ordre des propriétaires du Resort, et une pancarte menace "Aire protégée, danger de mort, chiens féroces". Mais ces bêtes bien qu'énormes, sont fort débonnaires et mêmes affectueuses. Dès qu’elles sentent la présence d’un inconnu, elles sortent de l'enclos dont le portail est resté négligemment ouvert. Le bungalow semble d’ailleurs abandonné, les persiennes sont closes, les fenêtres du rez-de-chaussée sont accessibles. Queue frétillante les chiens lèchent les mains des passants égarés. L'intrus indélicat est accueilli avec des manifestations de contentement, entraîné au fond du jardin, puis dans une cabane assez vaste qui donne sur la forêt, à l'abri des regards. Toute tentative de regagner la sortie déclenche chez les molosses des réactions instantanées : crocs découverts sur des babines dégoulinantes, yeux injectés, poil hérissé, griffes dehors, prêtes à démembrer. Si le visiteur indélicat obtempère et les caresse, les fauves redevenus toutous le poussent affectueusement, presque délicatement vers l'abri, le lieu clos où il sera dévêtu, léché, saigné en douceur et méthodiquement dévoré dans la plus grande discrétion.
RASP
Parlez-vous sérieusement ?
ZOUBOV
Mon roman pourrait commencer par cette métaphore.
JÉROME BONIMENT
Ce n’est en effet qu’une métaphore. Rien de tel ne se produit dans notre domaine, les gars de la sécurité l’affirment. Ce ne sont que des rumeurs malveillantes répandues par nos concurrents.
GALINA
C'est une bonne séquence finale pour un thriller. Les chairs saignantes, les lambeaux qui s'en détachent... C'est moins bien qu'Hannibal, mais avec un bon réalisateur...
ZOUBOV
Laisse parler le docteur Kahn, Galina et abandonne ton idée de scénario de série B.
DAVID KAHN
Un piège efficace est de surcroît conçu de telle façon que les efforts que la proie emploie à s'échapper, renforcent son emprise. La proie est ainsi la cause de sa propre destruction.
LAHI-NOIR
On m'a expliqué à propos des mancenilliers qui infestent les abords de la zone interdite, que leur sève contient de l'acide sulfurique extrêmement corrosif, libéré notamment quand il pleut ou lorsque l'arbre détecte des phéromones animales. Les fleurs du mancenilliers mâles émettent paraît-il des sécrétions chargées d'hormones sexuelles et d'émanations soporifiques.
JERÔME BONIMENT
En dépit des avertissements de la Direction, il arrive que des hôtes s'étendent à l'ombre de ces arbres dont le tronc est ceinturé d'une bande rouge. Les mancenilliers femelles sont les plus dangereux. Ils portent des baies d'un beau rouge appétissant. On en croque une, et on finit à l'hôpital de Miami, où on vous a transporté par l'hélico du Resort, mâchoires tétanisées et coeur défaillant. Les mancenilliers mâles ont une action bien plus lente que les femelles dont l'effet est instantané. On n'a jamais eu de problèmes avec eux, seuls les vagabonds et les clandestins s'y laissent prendre.
LAHI-NOIR
Ils trouvent refuge sous le parasol des arbres gigantesques, par jour d'orage. Ils s'endorment et la sève acide goutte sur eux, imprégnant les vêtements pendant que les racines s'enroulent mollement autour des chevilles en les enserrant d'une prise douce mais puissante. La victime finit par s'éveiller saisie par des prurits insupportables et se dépouille de ses vêtements trempés de la sueur corrosive. Toute tentative de fuite est déjouée par les racines qui pénètrent profondément dans les chairs au moindre signal de panique émis par les neurocepteurs organiques. De minus-cules ventouses se collent à la chair. Leur succion est indolore, mais toute tentative pour les détacher, accroît les sensations de brûlure. La proie se débat, gesticule et se gratte furieusement pour calmer les démangeaisons et ce faisant devient encore plus vulnérable à l'action de la pâte urticante. On la retrouve le lendemain, ou plutôt ce qui en reste et qui a échappé aux ventouses végétales et aux rongeurs animaux.
JÉRÔME BONIMENT
Les mancenilliers sont dangereux par jour d'orage, je vous l'accorde, et il n'est guère indiqué de s'endormir sous leur protection mortifère, je vous l'accorde. Mais, rapportés au nombre de visiteurs, ces accidents sont exceptionnels, et votre description, je la connais, elle a été inventée de toute par nos concurrents pour effrayer nos prospects.
GALINA ZOUBOV
J'insiste, Vladimir, ça serait sensationnel porté à l'écran, mieux que Alien crois-moi.
ZOUBOV
Laisse parler le docteur Kahn, Galina.
DAVID KAHN
La terrifiante relation du docteur Lahi-Noir, est une métaphore imparfaite, car pour être efficace, le piège animal doit être synchronisé aux attributs spécifiques de la proie à capturer. On n'attrape pas un moustique avec un filet à papillons. Considérez l'horrible et affreusement efficace piège à loup canadien du siècle dernier. Le secret du piège réside dans l'attraction incoercible du loup pour l'odeur du sang, sa passion pour sa saveur métallique. Un couteau à la lame ensanglantée est planté dans la neige qui nappe la clairière. En léchant le tranchant, l'animal entaille sa langue et provoque un afflux de sang qui perlera sur l'acier. Il recommencera de plus belle à lécher le couteau inondé et saignera abondamment. La fin on la connaît. Son propre sang a servi d'appât, pour lui-même, et après sa mort, pour les autres loups attirés par l'odeur. Ainsi toute une horde sera-t-elle victime d'un simple couteau.
JERÔME BONIMENT
Cette dissertation sur les pièges animaux est particulièrement utile pour les visiteurs de la zone interdite. Bien des ... accidents eussent été évités si on avait pris la peine d'en divulguer le mécanisme fatal.
Admirez, je vous prie, le plus pernicieux des pièges, encore plus élémentaire que la souricière: la bronzette... Il fait bon, la brise délicieusement rafraîchissante fait oublier les ardeurs du soleil tropical. On rosit impercepti-blement. Si cela brûle tant soit peu, qu'à cela ne tienne, on plonge dans l'eau fortement salée du lagon artificiel peuplé des poissons multicolores. On se sent cannibalement bien. Encore quelques rayons caressants pour se sécher. Un engourdissement, analogue à celui de la victime étendue sous le mancenillier, vous saisit, vous cloue à votre matelas. Vous sommeillez. Vous vous réveillez. Le soleil aveuglant atténue la perception de la rougeur envahissante de vos chairs que vous attribuez à l'huile rougeâtre à base de dérivés de la bergamote synthétique, cancérigènes et allergisants mais à l'odeur envoûtante. L'engourdissement s'accentue.
Péniblement vous vous extrayez du piège ouaté du matelas, regagnez l'ombre qui vous fait désagréablement frissonner. Saisi de vertige, vous vous précipitez sur la couche moelleuse. La rayons du soleil couchant sont rassurants, ils dissipent les frissons et plongent l'être tout entier dans une euphorique mollesse. La force physique, le courage moral, nécessaires pour s'extraire du cocon douillet qui vous offre aux rayons doux et délétères, vous font défaut. Et vous finissez, comme les croqueurs de baies de mancenilliers, à l'Hôpital de Saint Martin, dans l'attente de l'hélico pour Miami.
DAVID KAHN
J'avoue n'avoir jamais avoir considéré la bronzette sous cet angle. Vous devriez en prendre de la graine Kiki, vous qui passez des journées entières à vous rôtir, de dos et de face. Je ne fais que vous le répéter, le soleil des Caraïbes est traître.
Mrs. REUBENSTEIN
Vous essayez toujours de vous rendre indispensable. Je ne suis pas une bécasse anglaise en lune de miel. Regardez-moi, je suis noire. Rien à craindre du soleil.
Mrs. FITZGIBBONS
Les rides, ma chère, les rides vous disent que vous vous trompez. Vous avez beau vous gonfler la peau aux silicones, elles reviennent au galop. Je ne connais pas votre âge, mais on vous donne au moins dix ans de plus.
JÉROME BONIMENT
De grâce, mesdames, laissons parler John Abell. Il a été programmé pour nous conter une histoire gothique : Le Chant d’Hellewijn, d'après Charles de Coster.
Il traite précisément d'un piège et de la manière de s'en sortir par un contre piège.
SEQUENCE 140
LE CHANT D’HELLEWIJN Légende gothique des Flandres
Le garçon
Il était une fois, dans le royaume des Flandres, entouré de fondrières et de noires forêts, un château, imposant et sombre. Il était habité par un obscur gentilhomme qui y menait une existence sans éclat, fort retirée même. Il avait trois fils. Les deux aînés étaient bien venus. Ils se développèrent, hardis aux armes et au maniement des femmes, et le temps venu, ils firent une riche et brillante carrière. Hélas, Hellewijn, le cadet était d'une toute autre étoffe. Chétif, malingre, il fut dès son jeune âge la risée des manants, la honte de son père, le désespoir de sa mère.
Il prit l'habitude de se sauver dans la forêt par tous les temps pour échapper aux mauvais traitements de ses frères. Ils reprenaient à leur compte les rumeurs relatives à la paternité d’ Hellewijn et lui faisaient payer l'infidélité supposée de leur mère. N'osant le tuer, ils le faisaient mourir à petit feu, lui infligeant régulièrement, méthodiquement, la nuit, des outrages humiliants, afin de le pousser au suicide ou le vouer au dépérissement lent.
Tous auraient eu à gagner à sa mort. Une part d'héritage, due si le garçon était bâtard, toujours bienvenue dans le cas contraire. Le père n'aurait plus devant les yeux la honte de sa race, sa mère un chagrin perpétuel doublé peut-être d'un remords. Le chapelain ne leur avait-il pas affirmé que le diable se cachait dans les yeux sournois et trop verts de l'adolescent? Les filles du village qui se hasardaient jusqu'au château, fuyaient le petit monstre. Elle le moquaient puis se sauvaient comme s'il portait malheur.
Une nuit d'été alors que l'orage secouait la forêt et que le château retentissait de hululements lamentables, de sifflements sinistres, de craquements suspects, Hellewjin sortit.
Il alla sous l'averse vers le coeur de la forêt, là où se trouvait une clairière moussue, bornée par une caverne naturelle creusée dans la terre argileuse d'un tertre par des siècles d'infiltrations.
Soudain l'orage cessa. La lune fit irruption et Hellewijn trempé jusqu'aux os, aperçut, juché au sommet du tertre, un gnome tout de noir vêtu.
- Je suis l'esprit de la Forêt, déclara-t-il d'une voix aiguë et flûtée. Je te connais bien. Qu’est ce qui te pousse à errer sans cesse dans ces lieux inhospitaliers, et par un temps pareil où tu risques d'attraper la mort?
- La mort, je ne la crains pas. Tout le monde me la souhaite autour de moi, mais je suis sans doute robuste car malgré les mauvais traitements et les privations, jamais je ne connus la maladie. Chez toi, je me sens en sécurité, nul ne m'y cherche pour me moquer ni pour me battre.
- Tu dois être bien malheureux, dit le nain, mais ceux qui se moquent de toi ont bien tort. Après tout, tu as des yeux fascinants de chat de gouttière, un visage aux traits réguliers, un corps maigre mais bien proportionné pour tes quinze ans. Tu grandiras encore car ta croissance n'a pas été compromise par un maniement prématuré des armes, et tu as une voix... Je t'entends souvent chanter quand tu marches dans mes bois d'un pas souple. C'est très beau. Lorsque ta voix aura pris son timbre définitif, elle séduira bien des femmes. Je te vois interdit ! Tu crois que je te raille ?
Alors, voici, je te propose un marché.
Dans un an exactement, à la nuit de la Saint Jean, il y aura un orage pareil à celui-ci. Il pleuvra des cordes et tu te posteras à l'entrée du château et tu chanteras. Les notes et les mots viendront tous seuls. Une vierge te rejoindra. Elle sera attirée par ton chant. Tu l’entraîneras ici et elle te suivra. La pluie cessera de tomber et la lune apparaîtra. Tu la prendras et au moment de sa jouissance, tout de suite après la tienne, tu lui ouvriras la poitrine avec ce couteau, tu lui arracheras le coeur et tu me l'offriras.
Une transformation aura lieu en toi. Tu deviendras le plus fort, le plus beau, le plus hardi, le plus puissant des seigneurs. Tes frères plieront devant toi, ton père fera amende honorable, le sourire habitera à nouveau ta mère. Le sacristain de dédouanera... Tu seras le favori du roi et le chevalier servant de la reine.
Mais tous les ans, à la nuit de la Saint Jean, tu devras chanter; m'emmener une vierge, et m'offrir son coeur. Faute de quoi le charme sera rompu et tu te retrouveras aussi misérable qu'auparavant.
Ceci dit le gnome disparut, mais un couteau scintillant était planté là, sur une souche pourrie. Hellewijn hésita, puis le saisit et le glissa dans sa ceinture.
Pendant un an il fut hanté par les mots de l'apparition. Il sentait le couteau à même la peau, sous sa chemise. Il prit l'habitude de se livrer secrètement à des travaux de force, comme les bûcherons et de s'exercer au maniement de l’épée. Mais les quolibets des filles l'affectaient bien plus qu'auparavant. Il les désirait et les haïssait. Il errait sans but dans le labyrinthe de la forêt, en proie à une interrogation muette, hanté par la voix fluette de l'esprit mauvais. Où es-tu? Où te caches-tu? Qui es-tu? demandait une voix intérieure pendant qu'un jeu de miroirs le renvoyait d'arbre en arbre, en une course sans fin.
La nuit de la Saint Jean, il y eut un orage. Il sortit, il chanta et une jeune servante apparut. Elle le suivit jusqu'à la clairière illuminée par une lune argentée. Ils firent l'amour puis encore enivré par la jouissance, l'orgueil, la plénitude reconnaissante de ses membres, il la maintint sous son genou, lui ouvrit la poitrine et arracha son coeur. Il le déposa sur la souche en face de la grotte et il recommença à pleuvoir de plus belle. Hellewijn cacha la jeune fille derrière les fourrés dans l'espoir que les loups et les vautours en feraient disparaître le corps.
Le nain tint parole. Le garçon subit en une année une étonnante métamorphose. La chrysalide devint papillon. Et quel papillon! Le plus splendide jeune homme dont parents, fiancée et suzerain, puissent rêver. À son éclatante beauté s'ajoutait une étonnante faculté de persuasion due à sa voix aux intonations tantôt chaleureuses et un peu mélancoliques, tantôt froides et menaçantes. Le plus fort au combat, le plus doux en amour, le plus patient en ambassade, le plus modeste à la cour, tel était devenu Hellewijn qui accéda rapidement à un rang envié.
Puis survint la nuit de la Saint Jean. Une vierge mourut... Puis au fl des ans, une autre, et une autre encore. Le jeune homme progressait, prospérait, s'épanouissait, craint et jalousé de tous à présent.
Non loin de là, à la frontière du royaume, vivait une princesse, aussi belle que pieuse. Orpheline, Marguerite administrait avec courage et sagesse, son domaine, riant et prospère. Le domaine attenant était sombre et sauvage. Le seigneur en était le noble Hellewijn qui en avait hérité de son père, ses frères étant disparus tragiquement, engloutis par une fondrière lors d'une battue en forêt.
Hellewijn avait mauvaise réputation. Il était certes riche, fort, beau, puissant aux armes et séduisant auprès des femmes. Mais il faisait peur car la transformation soudaine qui avait fait un cygne du vilain petit canard avait été attribuée à quelque enchantement. Et puis, il y avait ces disparitions, la nuit de la Saint Jean. Elles coïncidaient de manière troublante avec les absences du seigneur. Elles frappaient toujours des vierges des environs, et on les retrouvait au coeur de la forêt, nues, coeur arraché habilement par une entaille située à la base de la poitrine et par laquelle une main criminelle s'était faufilée.
Cette année-là, ce fut sur une servante de la princesse que le mauvais sort tomba. La nuit de la Saint Jean, il pleuvait à verse et Marguerite priait, saisie d'une angoisse inexplicable.Il lui semblait que le démon rôdait autour du château, des grincements lugubres, ordinaires par un temps pareil, étaient amplifiés, et s'y mêlait une plainte infiniment douce, un chant tendre, émouvant, envoûtant. Elle se demanda qui pouvait bien se tenir dehors par ce temps d'enfer. En robe de nuit elle descendit les marches du grand escalier, et parcourut les salles du rez-de-chaussée, guidée par le chant. Celui-ci était tantôt mâle, puissant et héroïque, tantôt caressant, séducteur et nostalgique avant de se fondre au battement de la pluie. Lorsque Marguerite parvint à la grand-porte, la pluie avait cessé, le chant qui paraissait en émaner, aussi. La porte donnant sur la frontière de sapins noirs, était ouverte. Marguerite fut intriguée : qui avait ouvert la porte qui n'était déverrouillable que de l'intérieur ? Elle rentra se coucher mais ne put trouver le sommeil. Soudain la chambre fut aveuglée par la pleine lune qui venait de sortir des nuages lourds. Un sentiment d'indicible et incompréhensible horreur saisit la princesse dont le coeur battait la chamade. Elle perdit connaissance.
Revenant à elle, elle appela Jeanne, sa suivante et lui fit part de son inquiétude. Elles parcoururent les couloirs à la recherche d'un intrus, mais si nul n'était entré, quelqu'un était sorti. Elles constatèrent qu'une porte était ouverte, celle de la chambre de Mahaut, une tout jeune fille qui avait été confiée par ses parents pour l'été. Elle était fraîche, naïve et ravissante. On ne lui connaissait pas d'aventures sinon d'imaginaires, qu'elle se contait, et où elle tenait invariablement le rôle de l'héroïne sauvée par le prince charmant.
Sa chambre était vide. On la retrouva dans un fossé proche de la lisière de la forêt, éventrée par des sangliers qui avaient du se repaître de son coeur, car il était introuvable.
Mrs FITZGIBBONS
C'est un serial killer votre truc, pas un conte de fées! Bien mis en boite, avec la cavité béante à l'emplacement du coeur et l'hémoglobine qui jaillit de partout, ça peut rapporter des sous.
Mrs REUBENSTEIN
Toujours l'argent, rien que l'argent, tout pour l'argent, hein? Continuez professeur Abell, c'est poétique votre histoire à dormir debout et moi, la poésie, j'aime, l'Art, le Beau, ce qui fait rêver! Ce sont mes racines slaves.
JOHN ABELL
Où en étais-je donc? Ah, voici ... Le coeur. Il avait disparu. It was missing...
La princesse bouleversée fit son enquête. Le criminel connaissait bien la forêt et les victimes étaient de la région. L'accomplissement de l'acte sexuel dans viol apparent, l'attraction manifeste de la proie qui semblait sous l'effet d'un enchantement, le mode atroce de l'exécution, et d'autres signes encore, militaient pour un rituel démoniaque. Les mères épouvantées essayaient de veiller sur leurs filles ou de les marier avant la fatale nuit de la Saint Jean, mais il s'en trouvait toujours une pour déjouer la surveillance par quelque ruse ingénieuse afin d'aller au bourreau ... Margaret eut la ferme conviction que c'était du côté d’Hellewijn qu'elle devait se diriger. Son absence systématique pendant la nuit fatale, sa nervosité manifeste avant et son épanouissement après lui avaient été rapportés, ainsi que la miraculeuse métamorphose qui avait fait d'un avorton chétif un dieu guerrier indomptable. Elle décida de l'affronter et de le démasquer.
Son chapelain l'en dissuada. Le jeune homme était redoutable. S'il la poursuivait pour diffamation, nul ne lui viendrait en aide car il demanderait réparation par les armes. Nul chevalier n'osant se présenter au Jugement de Dieu, les biens de la princesse confisquée par son adversaire, elle devrait finir ses jours dans un couvent. Cela s'était déjà produit en trois circonstances analogues. Les deux premiers champions, pourtant aguerris avaient péri misérablement sous la lance du jeune homme, qui dédaignant heaume et armure, dardait sur eux ses yeux verts de chat, animal, on le sait, préféré du diable. Le troisième, comme sidéré par ce regard, laissa tomber sa lance et s'enfuit honteusement à toutes jambes. Il fut aussitôt rattrapé par son adversaire qui le renversa sur le dos et menaça de l'embrocher.
Consulté, le prélat du Connétable qui tenait le rôle d'arbitre conclut à un signe de Dieu en faveur d’ Hellewijn. Ses accusateurs étaient vraisemblablement sous l'emprise du Malin, ou, ce qui revient au même, de la jalousie. Il autorisa le vainqueur de faire de son adversaire, ce que sa conscience, lui dicterait.
Le jeune homme fixa son ennemi à terre, dégagea son abdomen avec son pied gauche, libéré de sa sandale, et l'écrasa lentement, soigneusement, pressant sur son plexus. Le malheureux gigotait comme un hanneton cloué sur une planche, puis cessa de se débattre car cela ne faisait que favoriser la pression sur cet endroit sensible. Il finit par avouer entre deux halètements, qu'il avait agi dans l'espoir de se marier avec la plaignante, soeur d'une des victimes. En compensation, il offrait tous ses biens au héros diffamé. Ce dernier accepta tranquillement et le laissa aller. Il fit deux parts égales de la donation, l'une pour le monastère de la région, l'autre pour ses habitants. Ce fut liesse populaire.
Que voulez-vous donc tenter contre pareil homme, conclut le chapelain en se signant, il est protégé par Dieu ou par le diable. La bataille est perdue d'avance.
La princesse se recueillit dans la chapelle où reposaient ses aïeux, devant le gisant de Bertrand de Brabant qui avait participé aux croisades. Avant de quitter le château, elle s'en alla rendre visite à sa grand-mère paternelle et lui annonça son intention. La vieille dame sans mot dire, ouvrit le grand coffre aux armoiries et lui remit une épée.
-Elle a servi sous les croisades, elle a tué plus d'une tête sarrasine, dit-elle, elle viendra à bout d'une tête blonde qui abrite une âme encore plus noire". Elle bénit Marguerite et la laissa aller.
La rencontre Marguerite se présenta incognito chez Hellewijn, la veille de la Saint Jean. Les moustiques volaient bas et le soleil ensanglantait les murailles du château qui semblait désert et dont les fenêtres opaques renvoyaient le flamboiement du crépuscule. Elle frappa et on ouvrit. Elle vit un jeune gars un peu rougeaud à l'épaisse tignasse blonde s'avancer vers elle, l'air étonné.
- J'allais partir en voyage, expliqua-t-il d'une voix hésitante, les domestiques ont quitté les lieux, seule ma vieille mère est restée au donjon veillée par une fidèle servante. C'est qu'elle est très faible bien que tout à fait lucide et aimante. Je ne puis vous donner l'hospitalité mais je puis vous conduire à l'endroit de votre choix, vous vous êtes visiblement perdue et je connais bien la forêt qui est peu sûre en cette période de l'année.
La princesse fut décontenancée. Elle ne s'était pas du tout imaginée ainsi le chevalier invincible. Le garçon était certes bien bâti, bien membré, sa taille et sa corpulence impressionnantes mais les proportions de son corps étaient si harmonieuses, qu'il n'y paraissait pas. Et ses yeux prétendument diaboliques, ces miroirs de l'âme, ne reflétaient qu'une naïve admiration pour la grâce de la princesse, qui, on croit l'avoir signalé, était aussi belle qu'on peut le souhaiter dans une légende, même belge. Point d'un vert félin, ils étaient d'un bleu sombre, presque violet, profonds et sensuels. Marguerite fut aussitôt prise sous leur charme.
- Je me suis en effet égarée, j'avais rendez-vous au plus profond de la forêt dans la grotte qui donne sur la clairière et votre aide me sera précieuse. Puis-je m'asseoir un moment avant de vous suivre? dit-elle en se ressaisissant.
- Je m'en veux d'avoir manqué à tous les devoirs de l'hospitalité, s'écria le jeune homme. Installez vous, je fais fouiller dans les cuisines...
La grand-salle était austère mais propre et un bon feu crépitait dans l'immense cheminée. Le jeune homme fut bientôt de retour, les bras chargés de victuailles.
- Je pensais souper chez des amis, mais je serais ravi de dîner en votre compagnie. Vous avez certainement besoin de reprendre des forces après avoir erré dans une terre étrangère. Mais où est donc votre époux? J'ai remarqué que vous n'avez pas d'alliance ni de coiffe nuptiale. Seriez vous demoiselle?
- En effet. Je n'ai pas encore trouvé celui que Dieu me destine.
-Tous les espoirs me sont donc permis, plaisanta le garçon, mais son ton fougueux démentait sa fausse nonchalance.
-Vous n'êtes pas encore fiancé, hasarda la princesse, troublée malgré qu'elle en ait.
- Je n'ai pas encore trouvé chaussure à mon pied, mais mon coeur s'en réjouit en vous contemplant.
La jeune fille rougit sous le compliment qui, bien que vulgaire, était chargé de résonances intimes et elle s'en voulut. Le dîner passa en un éclair, les deux jeunes gens étaient inexplicablement subjugués l'un par l'autre. Plus la princesse se défendait contre son coeur, plus elle se sentait enveloppée par un invisible filet, délicieux et irrésistible. Son hôte se présenta, et tout s'éclaircit : il se disait cousin d'Hellewijn, mais elle comprit que c’était son frère de lait chargé par celui-ci de mettre en ordre la demeure avant de la quitter. Il se nommait Hillbrand et sa famille était modeste mais honorable.
Il proposa à la princesse de garder la maison ouverte à son intention, car il commençait à pleuvoir et on ne manquait pas de chambres confortables au château. Il fixait sur elle des yeux pleins d'espoir, mais elle eut peur pour sa réputation. Et puis, elle voulait surprendre Hellewijn dans la forêt en cette fatale nuit de la Saint Jean, où il ne manquerait point de se démasquer. Elle comprit que nul ne la défendrait mieux en cas de danger que son frère de lait. Ce dernier la dévorait du regard, une tendresse stupéfiante irradiait de tout son corps, comme s'il voulait se faire pardonner la brutale précipitation des préliminaires. La jeune fille se sentait fondre devant cette adoration muette. Jamais elle n'aurait cru que le coup de foudre puisse frapper aussi subitement que... Le cours de ses pensées fut interrompu par un claquement sec au dehors, la foudre venait de s'abattre sur l'étang jouxtant le château, illuminant toute la pièce.
- La forêt n'est pas dangereuse, mais elle est déconseillée aux pucelles, la nuit de la Saint Jean, le saviez-vous? demanda le garçon, inquiet. Ce n'est pas pour vous inciter à coucher au château, mais je dois vous avertir que mon cousin a été suspecté de meurtre. C'est pourquoi, excédé, il a décidé ce soir d'assister au grand bal de la Reine, et de faire taire définitivement les mauvaises langues. Mais le véritable tueur rôde dans les parages et risque de frapper une nouvelle fois. Je vous en supplie, restez auprès de moi. Je serais désolé qu'il vous arrive malheur dans cette forêt, il ne faut pas tenter le diable. Je vais préparer votre chambre, et demain matin, nous pourrons mieux nous connaître, ... nous aimer.
Il rougit de sa maladresse, mais le mot était lâché. Il se détourna comme embarrassé, mais la princesse s'approcha et l'obligea à lui faire face. Le jeune homme semblait, était, bouleversé. Des larmes perlaient à ses yeux sombres et limpides d'enfant. Car c'était un enfant éperdu, perdu d'amour fou, absolu, foudroyant et dévastateur. Il la désirait, il la désirait tout de suite, mais il la respectait tout autant et ne voulait pas la forcer. La confusion de ses sentiments la gagna et elle dut surmonter son désir de l'étreindre, de le protéger, de se blottir contre lui et se livrer en un don total. Elle essaya de vaincre sa résistance, car elle ne voulait pas se laisser détourner de sa mission.
-Vous me protègerez, lui dit-elle doucement, et, voyez : je vous confie mon épée. Elle est un peu magique car elle a servi jadis dans les croisades. Elle remplacera la votre et vous me protègerez dans la forêt. Seriez vous couard?
Hillbrand ému céda à son pressant appel. Il inspecta l'épée avec déférence et la pendit à son baudrier, une simple courroie attachée à une large ceinture portée sous la tunique à même la peau. À sa stupéfaction, Marguerite constata qu'il n'était pas armé. Vêtu d'une simple tunique et d'une chemise de toile rêche, pieds nus dans de grossières sandales de cuir à l'épaisse semelle, il était néanmoins attrayant. Il supplia encore.
- Je vous en conjure, restez auprès de moi, ne vous aventurez pas au dehors. Oubliez votre rendez vous et celui qui vous l'a fixé par une nuit comme celle-ci et en pleine forêt.
Elle faillit se laisser convaincre, mais en l'observant mieux elle se sentit soudain quelque peu confuse de s'être autant avancée avec un homme aussi jeune et de condition inférieure. Elle remarqua, non sans gêne, ses mains et ses pieds de paysan, énormes, rougeauds, lourds et charnus, sa tenue négligée, son comportement timide et embarrassé. - Hellewijn était un seigneur cruel et pervers mais de son milieu et de son rang. Elle s'en voulut d'avoir cédé, elle si réservée, à cet emportement déraisonnable.
- Savez-vous chanter? demanda-t-elle, mue par une impulsion soudaine.
- Moi, s’étonna –t-il, chanter? À vrai dire comme tout le monde je suppose. Il entonna une joyeuse chanson à boire. Mais le résultat sonnait si faux que les deux jeunes gens éclatèrent d'un rire d'une franche gaîté. Puis en la regardant de biais, il comprit qu'elle ne resterait pas avec lui cette nuit. Il se ressaisit. - Bien, si telle est votre volonté, on y va. Mon cheval devancera le vôtre. Montez en selle derrière moi et accrochez-vous bien. Je serai plus tranquille de vous savoir derrière moi, tout contre moi.
La forêt
La jeune fille, en l'étreignant, se sentait en sécurité. L'amour naissant, lui fit oublier ses préventions sociales, balaya son orgueil et sa pudeur virginale. Elle bénit la pluie chaude qui trempait leurs vêtements légers, plaqués sur leurs membres tendus, impatients d'une étreinte refusée.
La lune fit irruption à l’improviste, illuminant une surface douce et spongieuse surmontée d'une plateforme rocheuse.
-Nous allons faire halte, déclara Hillbrand, tu dois être fatiguée et nous pourrons changer de monture après que tu te sois reposée. Le jeune homme mit pied à terre et l'aida à descendre. Sous la lumière de la lune il resplendissait comme le dieu de la Forêt Nordique. Ses cheveux argentés, son corps noueux et puissant, étaient mis en valeur par la pluie qui plaquait sa chemise. Jambes bien campées, il se tourna vers la plateforme et la Princesse admira le jeu des muscles dorsaux. De sa voix douce et un peu rauque, il lui dit que son sang l'appelait, combien il la désirait, et qu'il la prendrait ici même, sous les auspices de la nuit étoilée.
Il se retourna et elle vit étinceler ses yeux sous le rayonnement spectral de la lune d'été. Des yeux très clairs, pupilles réduites à des têtes d'épingle. Il n'y avait plus rien de gauche ni d'emprunté dans le maintien du jeune homme. Elle comprit.
Il tenait de sa main gauche le poignard du sacrifice, de la droite, l'épée sacrée, mais il ne s'en servirait pas avant une totale jouissance. Hellewijn se dressait devant elle et elle savait qu’il savait… qu'elle savait.
Il continua de lui parler doucement d'amour. Il lui promit de ne pas la faire souffrir et de ne la tuer qu'au plus fort de son orgasme, qu'il prolongerait indéfiniment. Tant qu'elle jouirait, il l'épargnerait. Il se retiendrait jusqu'à ce moment suprême, la petite mort. Il avait la ruse, la force, le poignard et son épée.
- Je sais que je suis perdue, murmura-t-elle, mais je sais également que je t'aime, et que tu m'aimes aussi. Je suis heureuse de te donner mon corps jusqu’à en mourir, si cela peut te garder fort et heureux. Existe-t-il de plus belle fin pour qui a éprouvé une passion mortelle? Et puis, t'ayant connu, comment pourrais-je en souhaiter une autre? "
Le garçon était interdit, décontenancé. S’étant senti deviné par la fille, plus intelligente et plus perspicace que les autres, il s'était découvert plus tôt que prévu. Mais il fut flatté et ému par cette déclaration surprenante. Nul ne l'avait aimé pour lui-même, aucune n’avait accepté de lui sacrifier sa vie. Il s'approcha timidement, comme s’il craignait de l'effaroucher et il commença de la caresser tendrement, affectueusement. Ses yeux s'étaient foncés, sa pupille élargie sous l'effet du désir assombrissait son regard. Un sentiment nouveau le paralysait, délicieux et inattendu : l'amour.
Elle lui rendit ses caresses et s’aperçut qu'il pleurait sans bruit. Il se ressaisit enfin et s'apprêta à la dénuder. Elle le laissa faire, guidant ses gestes, contrôlant ses attouchements, le caressant comme un chat que l'on veut apprivoiser. Lorsqu'enfin elle fut nue, elle le supplia.
- Avant de me livrer à toi, j'ai trois grâces à te demander. Mon premier souhait est que tu me chantes ton amour. Les deux autres je te les dirai après.
Surpris, le jeune homme se mit à chanter, jambes bien écartées à son habitude, planté solidement au dessus d'elle, tourné vers la lune. Son chant contenait toute la tendresse, toute la sensualité du monde. La noble audace du désespoir s’alliait à une nostalgique aspiration au bonheur. Elle se mit à sangloter. Elle l'aimait comme jamais elle n’avait rêvé pouvoir aimer. Elle le désirait à mort. Lorsqu'il eut fini de chanter, il voulut se coucher sur elle, fier de l'effet produit sur la princesse. Mais elle le retint, lui rappelant la seconde promesse.
- Tu es si désirable, sous la clarté de la lune! Quand tu seras sur moi, je pourrai te sentir mais non te contempler. Je veux admirer ton corps. Que son image soit la dernière de ma courte existence. Serait-il possible que nu, tu sois encore plus beau, qu'entravé dans ces vêtements grossiers?
Souriant de plaisir, le garçon se défit de ses sandales et fit tomber à genoux sa fiancée d'une nuit. Puis de ses pieds nus il la plaqua contre le sol, lui palpant l'abdomen comme pour anticiper l'atroce entaille par laquelle il se frayerait, presque sans effusion de sang, jusqu'à son cœur. Puis il la caressa plus bas pour la préparer. Elle se laissait manipuler, en lui flattant les mollets pour l'encourager.
- Et la tunique ? lança-elle. Il s'en défit et apparut presque indécent dans la pénombre lunaire, excité comme un étalon. Mais le trouble de la jeune fille provenait moins du membre dressé que de l'épée sacrée qui lui faisait écho. Elle fit mine de s'agenouiller pour embrasser le jeune homme, puis se mettant à plat ventre, elle lui lécha les pieds comme un chien soumis à son maître. Il la dévisageait de toute sa stature, ne sachant que penser.
- Et ta poitrine? dit-elle, pressante. Je veux admirer ton torse puissant, je te veux nu! Après fais de moi de que tu voudras. Hellewijn s'ôta la chemise en la passant par dessus tête.
Le dernier piège
Marguerite s'empara à ce moment précis de ses deux chevilles et les tira vers elle, elle se saisit de l'épée et sans délai essaya de trancher le cou du jeune homme qui se débattait avec toute l'énergie du désespoir. La chemise qui enveloppait son visage commençait de s'ensanglanter et une voix fluette suraiguë sortait de cette cagoule " remets-moi la tête en place et je cicatriserai". Elle rabattit la chemise sur le corps découvrant la tête blonde du garçon toute trempée de sueur, ses lèvres pleines, exsangues, ses grands yeux qui la fixaient, suppliants. Il semblait étonnamment jeune, pitoyable, presque enfantin.
- Je ne voulais pas te tuer... Je voulais seulement te mettre à l'épreuve. Remets-moi la tête en place et je cicatriserai aussitôt. Sauve moi…
La princesse n'entendit pas la suite de sa supplication. Prise de vertige elle s'était détournée. Elle montait sur son coursier quand elle entendit une voix, tout à la fois très proche et très lointaine.
- Je suis sa maman. Il vous aime. Il ne vous aurait jamais fait de mal. Votre sacrifice, juste avant le moment fatidique, aurait rompu l'enchantement. Vous pouvez encore le sauver. Vous vous marierez et notre race ne sera pas éteinte... Il a beaucoup souffert, savez-vous? Il a été contraint de commettre ces rites monstrueux contre sa volonté. C'est une mère qui vous supplie. Il a été bon pour moi. Que vais-je devenir, impotente et abandonnée sans mon petit? Mon enfant, mon pauvre petit, sauvez-le. Rompez le maléfice!
La princesse se retourna et s'approcha d’Hellewijn. Une entaille ornait d'un collier rouge son cou puissant. Elle ne saignait pas trop. Les muscles durs et compacts avaient sans doute atténué le coup. Les forces revenaient, semblait-il, au jeune homme. La grand-mère de Marguerite, qui était un peu magicienne, l'eût remis rapidement sur pied. Le garçon la fixait plein d'espoir et elle songea aux paroles de la mère.
- Tu me dois une troisième faveur, dit la princesse.
- Laquelle? murmura le blessé.
- Fais tes prières et recommande-toi à la grâce et la miséricorde de Dieu. Elle fit un signe de croix de la pointe de l'épée sacrée sur le front de celui qu'elle avait tant aimé pendant quelques heures de cauchemar et il expira. Elle s'en fut et si vous voulez connaître la suite je vous renvoie au livre de "Légendes" de Charles de Coster.
Commentaires
FIZGIBBONS
Quel suspense! C'est hard, superhard! Au cinéma, ça fera un malheur, avec un zoom sur le sexe dressé- en image de synthèse bien entendu pour les partisans de Bush-, l’épée et le poignard... Et la gonzesse qui lui lèche les pieds, comme une maso...Mais pourquoi est elle couchée à ses pieds? Agenouillée c'est plus suggestif, et il eut été plus facile de lui ôter son glaive!
LAHI-NOIR
C'est précisément ce qui aurait éveillé la méfiance du garçon. En se plaçant dans cette attitude d'extrême soumission, évoquant celle d'un chien de salon face à un molosse, elle s'éloignait volontairement de l'épée et du poignard et rassurait ainsi le tueur. Il aurait pu anticiper la prise de l'épée, à laquelle il se serait psychologiquement préparé et qui eût provoqué une riposte foudroyante, mais non l'entrave des chevilles. C'était bien calculé!
JOHN ABELL
C'est bien ce que la légende entendait montrer : un contre-piège.
Mrs. GUGGENHEIM
Peut-on se procurer le texte ou la cassette de l'histoire?
JERÔME BONIMENT
Ils sont en vente dans la boutique pour cinq dollars le texte, vingt dollars pour le vidéogramme, avec accompagnement musical de l'Adagio de la VIIme symphonie de Dvorak, et des ballades de jeunesse de Brahms. Vous pouvez commander une réédition de l'original de Charles de Coster aux éditions Slatkine, sous le titre de Légendes Flamandes. Vous y découvrirez que L'Histoire de Sire Halewyn date de la fin du XIIIe siècle, et publiée en 1848 par Willems, dans le recueil des Oude Vlaemsche Liederen. C'est le type même de la ballade populaire dont la naïveté a été respectée par De Coster, contrairement à Gelderode qui a brodé en 1934 une pièce dramatique de trouble érotisme mais atrocément démodée.
Mrs FITZGIBBONS
Qui joue le rôle du killer?
JOHN ABELL
On n'a malheureusement trouvé aucun figurant susceptible de correspondre au héros. C'est encore la musique nostalgique de Brahms qui le dépeint le mieux.
ZOUBOV
Il est ainsi des personnages musicaux. Songez au jeune Siegfried. Seule l'exquise musique des Murmures de la Forêt ou celle de Siegfried Idyll me parait susceptible de l'évoquer visuellement. Hellewijn errant dans la forêt en proie à des sentiments troubles, me paraît correspondre à merveille à l'exécution des Quatre ballades par Julius Katchen.
Mrs. FITGIBBONS
C'est un peu tiré par les cheveux. C'est bon pour des intellos européens, il nous faut quelque chose de plus suggestif.
JOHN ABELL
Le texte original de Charles de Coster est beaucoup plus cru que mon récit. Ce que je vous ai conté a été expurgé par respect d'une assistance aussi choisie.
Mrs. FITZGIBBONS
Vous avez eu tort. Nous ne sommes pas des enfants du XIXe siècle européen!
Mrs. REUBENSTEIN
C'est bien là mon regret. Je rêvais d'une fin romantique. La rédemption par l'amour comme chez Tolstoï.
DAVID KAHN
Wagner, Kiki, pas Tolstoï. Dans ses opéras, l'héroïne se sacrifie pour le salut de son amant. C'est d'ailleurs un thème récurrent de l'époque. Marguerite, pas la nôtre, celle de Goethe, meurt, mais Faust est rédimé.
Mrs. REUBENSTEIN
Voilà d'où provient ma frustration. Si Marguerite s'était donnée à Hellewijn, et accepté une mort affreuse, il aurait été délivré de la malédiction qui l'enchaînait au crime. L'amour fait des miracles. Au lieu de quoi, l’hypocrite l'a piégé froidement...
Mrs. FITZGIBBONS
Vous vous seriez laissée trucider par un psychopathe afin de le sauver? Vous, Kiki? Vous nous racontez des histoires ! Mais à propos, pourquoi les trois souhaits, enfin, les trois grâces?
ZOUBOV
Si elle l'avait prié tout simplement d'ôter sa chemise, il se serait méfié. En lui demandant de chanter, cela renforçait son sentiment d’impunité. Il connaissait la fascination exercée par sa voix sur ses victimes. En l'écoutant elle prenait d'ailleurs un sacré risque.
DAVID KAHN
Un charme n'opère que est inconscient. La jeune fille connaissait les séductions mortifères renfermées dans les inflexions vocales du pervers. En les analysant froidement tout en les écoutant, elle détruisait leur magie.
ZOUBOV
À mon avis, les ressorts de l'intrigue sont plus compliqués qu'il n'y paraît. Tous les acteurs se meuvent sur un double registre. C'est ce qui a permis aux deux pièges de fonctionner. Hellewijn, intuitif, s'est fait passer pour son cousin de la cuisse gauche afin de sonder son empire sur la princesse, libre de toute prévention.
Il subodorait cependant un traquenard et c'est pourquoi il avait insisté pour la retenir au château. Si elle avait accepté son hospitalité, elle eût été sauvée. Pendant son sommeil, le tueur serait sorti dans la forêt chercher une autre proie. On peut supposer aussi qu'il était amoureux et qu'il voulait l'épargner. Mais lorsqu'il comprit que le sentiment de vengeance l'emportait sur elle sur l'amour, il la laissa se jeter dans le piège.
DAVID KAHN
D'après vous, elle s'y serait engagée parce que sa haine pour Hellewijn était plus forte que son amour pour le faux Hillbrand. Mais cet amour, était-il authentique? Ou n'était-ce qu'une feinte?
LAHI-NOIR
L’héroïne me semble osciller entre sa fascination morbide pour Hellewijn et son mépris d’aristocrate pour Hillbrand. Elle ne voulait pas se compromettre avec un gars du peuple, une sorte de Till Eulenspiegel sans la roublardise. C’est d’ailleurs Charles de Coster qui a raconté les aventures du joyeux drille. Le jeune Hillbrand semblait désespérément anodin, d’une naïveté enfantine qui joua sans doute contre lui. Sans cela elle eût sans doute couché au château.
ZOUBOV
En elle se livrait un combat entre deux facettes de sa personnalité. La mondaine quelque peu pimbêche et calculatrice, et la sentimentale émue par la naïveté et la fraîcheur du jeune garçon.
DAVID KAHN
Le dédoublement de sa psyché se traduit par un dédoublement des zones corporelles. Tantôt elle admirait dans l'objet de son désir, la limpidité du regard, l'harmonie presque parfaite de son corps, la sensualité fascinante de sa voix, tantôt elle était rebutée, voire dégoûtée par ses attributs plébéiens. L’harmonie était détruite par les pieds et les mains du paysan. Son maintien embarrassé et engoncé, son chant disgracieux, annihilaient le charme envoûtant des déclarations d’amour.
Notez aussi qu'avant le maléfice, le héros subit une rétrogression notable : il parait plus jeune, ressurgit l’enfant timide et malheureux qu'il était avant la rencontre fatale avec le gnome. Au moment d'accomplir le sacrifice, il se redresse, son corps subit une métamorphose, et il devient ce que la princesse craignait et convoitait tout à la fois.
JOHN ABELL
C'est ma foi bien vu. Vous devriez me remplacer auprès de Maître Zoubov pour l'explication de textes. Mais confirmez vous la thèse du double registre? Elle ne me paraît pas s'appliquer à la victime qui n'a jamais caché son identité.
DAVID KAHN
Elle ne l'a jamais dévoilée, non plus. Un dédoublement de la personnalité, peut être prémédité, s'est produit. Une partie de son psychisme est tombée amoureuse du jeune homme, celle qui correspond à cet hémisphère du cerveau voué au sentiment et aux sensations. C'est par là qu’Hellewijn s'insinuait dans l'âme de ses victimes. Son chant lui frayait la voie de leur cerveau droit. Mais la princesse était forte, rationnelle, avisée. Sa pensée l'emportait sur ses sentiments, et la sensation analytique du danger contrebalança efficacement l'intuition de l'amour naissant, le charme sensuel au lieu de l'exalter.
Partie complétée le 19 septembre à 6h03
ZOUBOV
Voici qui est curieux. À première vue, on pourrait croire que son amour était dicté par la sensation, par l'admiration sensuelle et physique pour la beauté du jeune homme. D'ailleurs, sa passion semblait affectée par les fausses notes esthétiques : les gros pieds charnus dans les sandales, la tenue négligée, le chant discordant. En revanche, c'est l'intuition qui lui dictait sa méfiance et qui inspira ses manoeuvres audacieuses.
DAVID KAHN
C'est parce qu'elle était sincèrement amoureuse, qu'elle ressentait au tréfonds de son être une passion pour le jeune homme naïf comme un enfant, excitant un sentiment maternel bien commun, juxtaposé à ce sentiment de sécurité irrésistible pour toute femme induit par sa robustesse animale. Protéger et être protégée telles sont les clés qui ouvrent le cœur des femmes. Si son amour avait été édifié sur des bases factices, le garçon, toutes antennes en alerte et méfiant comme un animal aux aguets, eût senti aussitôt la faille.
Mrs. REUBENSTEIN
Je ne vois toujours pas la nécessité des trois souhaits. Le premier, c'était pour endormir la méfiance du tueur, le second pour le piéger, mais à quoi bon le troisième puisque tout était déjà joué?
DAVID KAHN Le chiffre trois est de règle dans les contes.
JOHN ABELL On peut avancer une explication bien plus rationnelle. Marguerite a compris qu’Hellewijn aurait raisonné comme madame Reubenstein ou comme toute autre personne pragmatique et de bon sens. Elle escomptait à juste titre que sachant qu'il y aurait un troisième souhait, il ne se serait pas méfié du second. La rusée s'était bien gardée de les énoncer d'emblée, excitant la curiosité du fauve aux aguets. Se sachant invulnérable, bénéficiant de l'épée, du poignard et du charme de surcroît, il prit plaisir à jouer au chat et à la souris, à faire durer le moment d'affreuse fascination qui paralysait la proie convoitée. Avant de la sacrifier au gnome de la forêt, il voulait la déguster confortablement, tranquillement, en savourant chacun de ses halètements de jouissance et de terreur. La fierté animale de montrer son corps, l'instinct de parade du mâle devant la femelle prise en chasse et capturée, l'emporta sur l'instinct de préservation. S'il y avait piège, comme il le soupçonnait, ses mâchoires ne pouvaient le happer, pensait-il, qu'après le troisième souhait. C'est celui-ci qui constituait sans aucun doute l'appât, une promesse de suprême jouissance. Une arme cachée, quelque bague empoisonnée, un dard mortel lové dans le plus profond de ses parties intimes devaient logiquement se déclencher au moment de l'étreinte. On peut supposer qu'une fois nu et penché sur elle, il l'aurait inspectée avec le plus grand soin avant de la prendre. Il songeait peut-être à tout cela au moment d’ôter sa chemise par dessus tête, se livrant imprudemment à sa victime.
Mrs. REUBENSTEIN
En effet, c'est épouvantablement logique et ça me déçoit terriblement. Que se serait-il passé si Marguerite l'eût laissé vivre? L'aurait-il tuée? Si ce n’était le cas il serait redevenu un minable dans un corps de Geek. Un Woody Allen sans l'intelligence!
JOHN ABELL
Comment voulez-vous que je le sache? Après tout ce n'est qu'un conte, et on peut lui donner la conclusion que l'on souhaite. La princesse se remariera sans doute avec un prince tout ce qu'il y a de convenable et aura de beaux enfants. Mais cette fin serait suspecte. Nous nous sentons tous des Don Ottavio auprès de Don Juan.
Mrs. REUBENSTEIN Que voulez-vous dire? Je n’ai rien à voir avec ce Don Ottavio, que je ne connais ni d’Adam ni d’Eve.
DAVID KAHN
Don Ottavio est un personnage du plus célèbre opéra de Mozart, Kiki. Donna Anna a été violée de nuit, par un déséquilibré masqué, à l'appétit sexuel insatiable, qui a de surcroît embroché son père venu à la rescousse. Don Ottavio, son fiancé officiel, gentil et ennuyeux comme un sociologue de Harvard, jure de la venger, mais remet toujours au lendemain son projet, car il veut des preuves, toujours plus de preuves de la culpabilité de Don Juan, dont elle a reconnu la voix envoûtante. Il cause, il cause, Don Ottavio, mais il n'agit pas. Il faut dire que le psychopathe manie aussi bien les armes que la rhétorique que celles du combat et qu'il n'est pas facile d'en venir à bout. Quoi qu'il en soit, le diable finit par en débarrasser l'assistance et Donna Anna est libre d'épouser le doux et sirupeux Ottavio. Mais à son tour elle remet le jour de ses noces à la Saint Glinglin, prétextant un deuil qui n'en finit plus.
JOHN ABELL Les monstres séduisants et dangereux ont bien plus de charme aux yeux des dames que les époux béats et pépères.
Mrs. REUBENSTEIN C'est bien vrai. Je n'ai connu que ça, bien nourris, prospères, hommes d'affaires tordus mais prudents, bons joueurs de golf, avec au bout du parcours, si je puis dire, une crise cardiaque, ou, ce qui est pire, un Alzheimer. Et tous ont du ventre, beaucoup de ventre. Quand j'y pense, à la place de la fille, j'aurais épargné Hellewijn.
DAVID KAHN On va vous en chercher un, Kiki, on vous le trouvera! L'argent achète tout, même un Hellewijn.
LAHI NOIR Je crains que ne berciez madame Reubenstein de douces illusions. L'époque n'est pas favorable aux grands fauves et puis... Les Hellewijn, s'il en reste, savent fort bien chasser tous seuls et n'ont nul besoin d'un mécène.
JÉRÔME BONIMENT (toussant)
Nous désirons tous remercier Maître Zoubov et son valeureux conteur, pour cette passionnante soirée romantique. Nous avons beaucoup de jeunes gens ici, surtout parmi les agents de sécurité de la SONIM, qui seraient heureux de tenir le rôle du héros auprès des dames un peu nostalgiques. Et pas de risque d'arrachage de coeur, sinon au figuré, mais attention au porte-feuille! Les pièges ne sont pas là où on pourrait le penser et nous déclinons toute responsabilité pour les aventures particulières. Elles sont d’ailleurs interdites par le règlement de la SONIM. Si vous vous livrez ou vous cédez à des avances, ce sera à vos risques et périls, non couverts par les assurances.
Mrs. FITZGIBBONS Madame Reubenstein et moi, avons passé l'âge de nous payer des gigolos, mais je retiens de tout ça un avant-projet de thriller... à condition de relooker cette histoire. Dites, Abell, qui a les droits du scénario?
JOHN ABELL Il date du quinzième siècle Madame, et a été revu par Charles de Coster à mi-chemin du XIX siècle.
Mrs. FITZGIBBONS
L'Europe, c'est chiant. Toujours à protéger quelque chose. Mais tout se négocie. Le moyen âge, le diable, le sexe, l'amour vache, ça n'est pas nouveau mais ça se vend toujours du tonnerre. Mon astrologue m'a affirmé que Pluton a quelque chose à voir dans tout cela... La part du diable...
MATTI
Je suis navré de devoir mettre fin à cette soirée. Merci encore et ne faites pas de cauchemars. La forêt des Caraïbes n'est pas celle du moyen âge flamand.
Remaniement du 3 janvier 2005. 4h17
Remaniement du 13 janvier 2005 9h30
Revu le 27 février 2005
La princesse
.....  Dans le labyrinthe Le nombre important de visites reçues par les séquences de L'Entretien, m'a encouragé et m'a donné envie de compléter et de remettre en ordre, la série nommée "Saga" et dont le coeur est le duo d'amour entre Lasse et C
Suivi: Jun 02, 22:29
A propos de la légende de Hellewijn, version complète avec commentaires. Rectification  Je me suis aperçu en parcourant les billets les plus lus que la version complète de Hellewijn a été tronquée de sa conclusion. (A partir de : Zoubov : voici qu
Suivi: Sep 19, 04:08