Yin et Yang
Une des caractéristiques majeures de l'ère nouvelle est une remise en cause radicale des valeurs traditionnelles et, parmi elles, le rôle de la femme dans la société. Angela Merkel a été le symbole de la capacité d'une femme à remplis avec succès les fonctions les plus élevées, mais le symbole le plus frappant est la composition du gouvernement de Nicolas Sarkozy, rejoignant pratiquement la parité entre hommes et femmes. La gauche l'avait rêvé, Sarkozy l'a fait. Rachida Dati, notamment est une figure emblématique qui montre qu'une femme issue des conditions les plus défavorisées, peut égaler sinon surclasser les hommes les plus trempés et les plus courageux... Et pourtant, toutes ces femmes gardent leur féminité, toutes les qualités qui en font une figure tutélaire de préservation de la vie, de protection, de sens du quotidien, de sentiment et de compassion ... pour ne pas citer le charme et la puissance d'attraction qui caractérise un si grand nombre de femmes au pouvoir, d'aujourd'hui.
Ci-contre, le chef d'orchestre Keri Wilson (Corriere della Sera) C'est un parfait symbole de Yang (précision, autorité, charisme) et Yin (séduction, beauté, attraction).
Ceci ne s'est pas fait d'un coup, ni facilement, loin de là, et il faut remonter à plusieurs décennies pour trouver la source d'une tendance qui ébranlé le monde et qui va bien plus loin que la simple égalité des sexes.
La première phase d'évolution de la femme, le passé
Billet complété
Tout à commencé, on le sait, par la pilule. Grâce à elle, l'homme a perdu le contrôle du destin de sa compagne : faire des enfants. La femme a pu assumer quand elle le voulait les joies de la maternité, qui sont aussi un handicap pour la vie professionnelle. Il s'agit là, outre une réalité pratique qui lui permet de terminer ses études, de choisir le moment où sa vie professionnelle atteint un rythme de croisière, pour avoir des enfants, mais aussi de la levée d'une restriction morale qui la mettait en état de faiblesse, de dépendance, auprès de mâles souvent machos qui en profitaient.
Mais les resistances sociales sont tenaces. Cette liberté acquise par voie biologique, il fallait la consolider du point de vue social, ce qui n'était pas évident. L'idée que les femmes étaient biologiquement inférieure aux hommes, était solidement enracinée dans la population. On pensait que sa conformation physiologique destinait sa femme à la maternité, que sa place était à la maison pendant que le mâle libéré de ses sujétions pouvait créer (des entreprises comme des oeuvres d'art et des théories scientifiques), création répondant à l'absence d'une création biologique, et à la fois compensation et richesse. Par ailleurs la référence constante à l'ethnologie et à la zoologie, avait implanté l'idée, qu'alors que la femelle devait se consacrer aux enfants d'une manière passive et sédentaire, le mâle devait courir pour la protéger et la nourrir... Notamment par prédation et combat. En un siècle dominé par le matérialisme biologique (cf. L'homme neuronal de J.P.Changeux) on pensait que les talents de l'homme et de la femme étaient réglés par des réactions hormonales. La testostérone devenait cause de courage et d'imagination créatrice, en un complexe que l'on nomme la virilité. A quoi bon dès lors de conquérir la liberté, pour la voir niée par les pesanteurs sociologiques?
Ceci n'est pas de la théorie. Effectivement lorsque la femme voulut s'instruire, aspirer aux mêmes fonctions, relever les mêmes défis que l'homme, elle ne rencontra que sarcasmes, préjugés, dérision, condescendance. Elle fut ainsi acculée a faire la preuve de son potentiel, à combattre la fatalité génétique qu'on voulait lui faire endosser. Il lui fallait montrer qu'elle avait en puissance, les mêmes qualités que l'opinion attribue à la virilité. Ne pouvant le démontrer par la douceur et la persuasion, elle dut avoir recours au défi, à la provocation et passer en force. Ainsi naquirent les mouvements féministes, qui donnèrent à voir un type de femme , qui était en quelque sorte une copie de l'image d'un macho. Les femmes montrèrent qu'elles pouvaient comme les hommes -sinon mieux qu'eux - accéder par la force, l'énergie, et la froide détermination aux postes jadis réservés aux hommes. Faire preuve de compétence ne suffisait pas. Et comme toujours, en pareil cas, elles se laissèrent dévier de leur rôle véritable, elles imitèrent les hommes dans leurs caractéristiques les plus contestables : une dureté, une exagération des valeurs yang, et surtout une apparence extérieure et un comportement attribué juque là au sexe fort.
Je me souviens de discussions que tenaient alors de jeunes femmes, très belles et talentueuses, qui travaillaient dans une grande entreprise de cosmétiques. Elles étaient très bien payées, elles jouissaient d'une liberté et d'une autonomie pareille à celles des collaborateurs masculins, mais cela ne leur suffisait pas. Elles voulaient séduire et conquérir l'homme, à leur guise, en user, puis le rejeter lorsqu'il avait cessé de plaire. L'une d'elle déclara " je veux bien avoir un compagnon, mais s'il est malade, je m'en débarasserai, je n'ai pas l'intention d'être une nurse !". Un conférencier me rapporta qu'un groupe de jolies spécialistes en marketing essayaient de draguer un de leurs collègues : "il est trop mignon, j'ai envie de me le faire !" Une des animatrices, eurasienne, opina : vous avez bien raison, il ne s'agit pas de se venger, mais l'homme pendant 2000 ans en a usé avec vous à votre guise, à présent c'est à votre tour. Les hommes ont les utilise comme des kleenex et puis on les jette!".
Le livre d'Elisabeth Badinter : L'Un est l'autre (Grasset 1986) allait dans ce sens, elle prétendait que la seule différence entre les sexes c'était l'éducation. Mettez un pistolet dans les mains d'une femme, une quenouille dans celle d'un homme et le tour est joué. Je fais allusion ici à une pièce d'Alfred de Musset: Barberine, dans laquelle l'héroïne, lassée des avances machistes d'un fat, le sequestre, et l'oblige à tenir le rôle d'une femme soumise, notamment en l'obligeant à filer la quenouille. Mon livre : Femmes, la Grande mutation, pourrait s'intituler en revanche : L'Un n'est pas l'autre, mais l'un égale l'autre.
La seconde phase d'évolution de la femme, le présent
Depuis, les choses ont bien changé. De plus en plus de femmes ont accédé et continuent d'accéder à des postes de haute responsabilité, dans les affaires, dans les professions libérale et dans la jungle politique. De Angela Merckel à Rachida Dati, elles ont fait preuve d'une fermeté largement égale à celle des hommes les plus déterminés. Elles n'ont donc plus rien à démontrer. La candidature de Ségolène Royal a montré qu'elles osent même avec quelque crédibilité, accéder aux fonctions suprêmes. On peut en dire autant dans le milieu artistique, où la concurrence est particulièrement féroce, et où une Louise Bourgeois, ou une Tracy Emin, comptent parmi les artistes les plus admirées. Plus besoin donc de proclamations féministes agressives pour ouvrir des portes ouvertes. Le problème est à présent de définir de quelle manière la femme peut arriver à occuper un staut égal à l'homme, mais non pas en l'imitant, voire en caricaturant ses pires excès Yang, mais en développant ses capacités propres, ses atouts spécifiques.
Ceux-là sont bien connus. La femme surclasse son compagnon masculin par son sens du concret, du quotidien, par son souci de la préservation et de l'harmonie, chez elle, dans la société et pour la planète. La femme donne la naissance, c'est l'origine du monde titre d'un tableau admirable et scandaleux de Courbet. Elle concentre en elle toutes les valeurs Yin de compassion, de sens de l'humain et de bon sens tout court. Contrairement à l'homme, hanté par des abstractions, elle ne perd jamais de vue les réalités quotidiennes.
Ces qualités deviennent cruciales pour l'avenir d'un monde qu'on nous décrit tous les jours, comme menacé des pires cataclysmes. Pour l'avenir des enfants de l'homme, condamné selon certains, à l'extinction. Pour l'homme, aujourd'hui sous une influence Yang non équilibrée par un Yin puissant, le pouvoir idéologique, financier, globalisant, militaire, l'emporte sur toute autre considération. Une machine infernale est lancée par des théoriciens abstraits de la croissance à tout prix, indifférents à l'environnement bien que faisant de beaux discours abstraits sur la nécessité de le préserver. La convivialité est sacrifiée à l'orgueil de la domination technologique. En sont témoins ces architectures démentes, symboles d'orgueil démesuré, et qui ne peuvent satisfaire que l'ego des architectes et de leurs commanditaires.
Mais afin que la femme puisse faire triompher son souci de la préservation et de l'humanisme, elle doit déployer une énergie, une force de conviction, une pugnacité dans la lutte, qui est proprement Yang. Et c'est précisément ce qui est en train de se produire.
Ainsi la fusion heureuse de la combativité Yang, et des valeurs Yin produit un équilibre garant du futur du genre humain, de l'avenir de nos enfants qui préoccupe viscéralement la femme. Et cette fusion des deux valeurs, permet également celle de pulsions contradictoires, en dépassant une vision étroite de conquête du pouvoir, ou d'utopie généreuse mais abstraite. Et cette quête de la fusion a un nom : il est "spiritualité", ce dépassement de l'ici et maintenant, de l'égoïsme à court terme pour atteindre l'amour de l'humanité.
Cet amour n'est pas une notion abstraite, pas plus que la spiritualité. Je me souviens d'une anecdote que m'avait raconté un de mes conférenciers. Un dévot interrogea Jesus : n'es-tu pas satisfait de moi? Vois: je ne manque pas une messe, pas un sermon. Jesus répondit : non je ne suis pas satisfait, car ton voisin est dans la peine et tu ne l'as pas aidé. Et ceux qui aident leur prochain m'aiment aussi, ceux qui s'en désinteressent ne m'aiment point. "
Combien de vieillards sont livrés à leur solitude, abandonnés par des enfants préoccupés par leur carrière et dispersés aux quatre coins de la nation ou de la planète? Abandonnés par des voisins qui les ignorent, ou parqués dans des maisons de retraite, sans jamais recevoir de visites de leurs enfants? L'amour et la spiritualité, mises en action par la femme, se traduisent par une pratique quotidienne, par des actes d'amour et d'abnégation.
Certes, cette évolution est encore bien timide, ce n'est qu'une direction que prend la femme. Mais rien ne s'oppose plus à ce qu'elle puisse répondre à son ardente obligation, de fusionner les contraires pour ménager à l'humanité, une sortie vers le haut.