SEQUENCE 106
SEHNSUCHT (Nostalgie)
Santa Samarea, Vadish colline
Ingrid, Pedro Gonzales, puis Vera et Lasse.
Dans la banlieue résidentielle, loin de la brume polluée de la ville basse. Un sanctuaire protégé par un barrage sécuritaire paramilitaire. On ne peut y pénétrer ni... s'en échapper, sans sauf-conduit. Les occupants de cette réserve d'air pur, de forêt de sapins et de prés bien entretenus, constituent une colonie très fermée. Une maison blanche de style colonial, aux colonnes doriennes, hautes fenêtres aux persiennes marron surmontées de frontons triangulaires, étincelle, noyée de rhododendrons et d'azalées. Il est deux heures p.m. Une jeune femme très blonde, vêtue de blanc, veille, assise sur un banc auprès d'un berceau. Deux garçons en short d'une douzaine d'années, roses, blonds, traits réguliers, bien peignés et bien habillés, sortent en courant de la maison et plongent vers le parc. La femme tient un livre ouvert sur ses genoux mais rêvasse.
Arrive Pedro Gonzales, tenue de jardinier, petit, maigre et la quarantaine usée. Attitude soumise et peureuse, visage buriné et bronzé.
PEDRO GONZALES
Excusez-moi, mademoiselle, le bruit de la tondeuse a dû vous déranger
INGRID C'est en effet l'heure de la sieste. Elle risque d'être perturbée par le vacarme. Aujourd'hui cependant elle va mieux. Demain elle risque de replonger, cette nuit c'est la pleine lune. C'est aussi difficile à supporter pour elle que pour les autres.
PEDRO GONZALES Pourtant elle ne manque de rien. Elle a une belle maison, un mari beau et riche, un enfant adorable et l'avenir assuré, sans parler du reste. Il y en a qui devraient bénir le ciel plutôt que se torturer alors que tant d'autres peinent à survivre.
INGRID Vous philosophez au lieu de travailler, Pedro, il ne sera pas content... Cependant, c'est incontestable, vous causez bien.
PEDRO GONZALES C'est que j'étais professeur de philosophie dans mon pays, mademoiselle, avant d'émigrer.
INGRID Cela ne nourrit pas son homme, je suppose.
PEDRO GONZALES Je gagnais ma vie, mais j'ai tenté ma chance à Santa Samarea et investi mes économies et ma santé dans un restaurant à Coppoli, près de la place des Occasions. Je me suis fait gruger et me voici aide-jardinier. Mais les terreurs, les angoisses qui vous tenaillent le ventre et qui jadis me saisissaient, n'ont pas disparu. Bon. Les voici, je ne veux pas qu'ils me surprennent en train de vous parler. Ils n'aiment pas cela.
(Il s'éloigne précipitamment. Entrent Vera très brune, très mince, très blanche et très aristocratique et Lars Hall, superbe gars d'une trentaine d'années, très blond, aux yeux clairs, grand et robuste. Pantalon de flanelle bleue et chemise blanche ouverte sur sa poitrine puissante).
LARS HALL Il faut que j'y aille. Prenez bien soin de vous. Tout va bien, Ingrid? Ne bougez pas. Qui vient de décamper en me voyant? Le bébé a besoin de tranquillité.
INGRID Ce n'était que Pedro.
LARS HALL Pedro?
INGRID L'aide-jardinier, Monsieur.
LARS HALL Ah! Il en a la tête mais pas les yeux. Que faisait-il ici?
INGRID Il s'inquiétait du bruit de sa tondeuse.
LARS HALL Pourquoi donc? C'est son job, non?
INGRID Il craignait que l'heure soit mal choisie.
LARS HALL Et c'est de ça qu'il vous entretenait? À l'heure du déjeuner la tondeuse dérange moins qu'à tout autre moment.
VERA Tu dois aller au bureau, chéri. J'ai la migraine et je vais me reposer. Ingrid, veillez à ce que nul ne me dérange jusqu'à l'heure du thé. Et surveillez bien Karl. N'oublie pas que son otite l'a fragilisé. Au revoir Lars, prenez bien soin de vous. (Elle sort). LARS HALL La migraine. Pas un mot sur son état, Ingrid. Elle est si sensible. Autant que toi! (Il rit). Je n'aime pas les âmes sensibles. Tu es solide, toi. Tu me rappelles mon pays... Notre pays. (Il l'enlace, la caresse, elle se laisse faire en détournant les yeux mais docile). INGRID Attention, elle peut surgir à l'improviste.
LARS HALL Au diable, elle et son père!
INGRID (En souriant) Tu es le diable.
LARS HALL Absente-toi ce soir. Va au cinéma à Bringstile. Son métèque de père se pointe ce soir. Bon il faut que j'y aille. J'ai faim de toi, je suis triste. Tu manques. Ce soir je t'attendrai et tu viendras.
INGRID Elle a le sommeil léger.
LARS HALL Pas cette nuit. C'est la pleine lune, mauvais pour son coeur. Elle prendra un tranquillisant. Cette nuit... Cette nuit, mon corps t'appellera et tu viendras. Tu viendras!
INGRID (Résignée) Oui. Je viendrai.
LARS HALL Ne fais donc pas cette tête! Elle ne bougera pas de son lit. Elle se sera heurtée à sa belle mère pendant le dîner et elle aura besoin d'une double dose de somnifère. Bon. Il faut maintenant que je me dépêche.
(Il fait mine de partir, puis se retourne brusquement).
Le jardinier, c'est qui?
INGRID Pedro Gonzales, tu sais bien, il appartient au service d’entretien du parc..
LARS HALL Je ne l'ai pas recruté. Je ne l'ai pas choisi. Prends garde, je ne veux pas le voir rôder ici.
INGRID Tu peux me faire confiance. Tu n'as jamais eu de problèmes avec moi.
(Elle reprend sa lecture et s'endort rapidement. Lasse part. Le bébé hurle et la réveille en sursaut).
.....  Dans le labyrinthe Le nombre important de visites reçues par les séquences de L'Entretien, m'a encouragé et m'a donné envie de compléter et de remettre en ordre, la série nommée "Saga" et dont le coeur est le duo d'amour entre Lasse et C
Suivi: Jun 02, 23:10