Bouillon de culture
Friday, 21 December 2007
Une réponse de Bill Viola
A la suite de la journée du 15 Décembre à l'Elysée et chez moi. Il m'adressa la collection des DVD que j'avais prêtés à L'Elysée en rajoutant deux autres tirages très récents.
Cher Bruno
Quel jour spécial et merveilleux avons-nous passé tous ensemble hier! Nous étions si heureux de vous connaître vous et Marina et nous vous remercions de tout coeur d'être si généreux et passionnés pour l'Art et la Vie. Nous penserons à vous et nous vous souhaitons une rapide guérison et une pleine santé. Nous vous aimons tous deux
Bill Viola, Kira Perov, Blake et Andrei.
Toute la chaleur, la modestie et l'humanité de Viola et de sa femme et partenaire éclate dans ce petit mot et contraste avec tant de gloires médiatiques prétentieuses et méprisantes; glacées et mondaines. Même dans les salons dorés de l'Elysée, la famille Viola était parvenu à imprimer une ambiance conviviale et familiale. Plus de statut, plus de hiérarchie, plus de faux semblants, le maître dominait tout naturellement par son génie humain et spirituel. Nous nous sentions tous tout petits.
The Passing (le passage) est sans doute une des réalisations les plus célébrées de l'artiste. Elle peut paraître d'une dureté insoutenable car elle répond à des sentiments violents et antinomiques éprouvés par l'artiste au moment de la création. Un bébé qui nait pendant que sa mère adorée expirait, il pensa devenir fou, sa raison chancelait. Et il trouva sa voie en regardant sans ciller, sans détourner les yeux, sa mère en train de mourir, son cher visage, les associations de son enfance, et en même temps filmer la vie nouvelle, le miracle de la naissance qui seul permet la nécessaire catharsis. Ceci n'était posibble que par une maîtrise confondante, un contrôle total des images, une imagination et une création jailissante et un travail laborieux, minutieux, d'un sérieux comparable à celui des maîtres du passé.
J'avoue avoir vu sans plaisir "The Passing", c'est une expérience terriblement perturbatrice. Mais le premier choc passé, la terreur, la répulsion se transforme en pure et consolante beauté. Oui. Voyez "le Passage".
Sunday, 16 December 2007
Le nouvel humanisme force dela terre
Les riches, les très riches et leur culture.
- Avez-vous été au Mariage de Figaro?
- Non, mais j'ai envoyé un télégramme.
-Que puis-je offrir à votre fils pour sa communion? Un livre peut-être?
- Non. Il en a déjà un !
Ce n'est qu'un "joke" cité par la Méthode Assimil dont rient les allemands, et parodiés par la série des "Jokes" du célèbre peintre Richard Prince auquel Bonnet vient de consacrer une chronique. Mais hélas, aujourd'hui la réalité surpasse la plaisanterie.
Je ne parle pas ici des riches et des très riches qui font partie de Medusa, de Matrix et qui sont dans le vent et cultivés de famille et par tradition (François Pinault, Bernard Arnault etc); mais des authentiques force de la terre, cette classe moyenne ou pauvre qui à force de travail et d'astuce, sont parvenus avec une immense fierté à de faire un pécule de quelques millions de dollars. Les rapports de ces braves gens n'ont rien à voir avec la culture, ou plutôt ils sont de deux ordres :
1. Ils pensent qu'étant très riches, leur jugement esthétique est infaillible (il n'ont jamais eu le temps de lire des livres sur l'art ou de trop fréquenter les musées. Ils vont donc s'improviser décorateurs, mécènes, architectes, à partir de pauvres connaissances de bric et de broc. Ils trouveront une foule d'adulateurs qui vont réaliser comme Mansard pour Fouquet leur idéal de la beauté. Ce qui en sortira sera à peu près du même niveau que les meubles Romeo de SAS, et de ces lits décorés par Versace pourvu des tous les perfectionnements.
2 Ils ont compris qu'il ne pourront jamais rattraper le retard et que chacun ayant son métier, ils vont se fier à un aéropages d'experts et d'architectes de renom qui vont leur imposer des objets très mode, très sophistiqués, politiquement corrects, et généralement parfaitement sinistres.
Continuer à lire "Le journal du 17 décembre 2007"
Le dialogue entre Marina et Bill
Suite de "la France honore Bill Viola"
Verbatim de l'entretien au déjeuner à l'Elysée.
On vient de commander à Bill Viola un projet important pour la Cathédrale Saint Paul à Londres dont il vient d'esquisser le dessin. Il consiste en deux couloirs latéraux et une allée centrale. De chaque côté deux parois sont occupées par des vidéos. Celle de gauche représente la Vierge Marie, celle de droite n'est pas encore définie, sans doute un martyr... La Vierge Marie, c'est l'Eternel Féminin; la Terre; la Sainte Mère. Elle revêt l'apparence changeante de toutes les races, tous les âges, toute la vie.
Bill Viola me parle de Michel-Ange qui trois jours avant sa mort, travaillait encore animé par toute une vie de passion créatrice. Je lui raconte comment Matisse, alité, ne pouvant plus peindre, c'est fait apporter des liasses de feuilles pré-coloriées et des ciseaux, et a créé une oeuvre jaillissante et exaltante. La passion, l'esprit de création, l'ont emporté sur les pires handicap physiques. Cette histoire que ne connaissant pas Bill Viola, l'a beaucoup ému. Claude Guéant la lui a confirmée car il avait également été frappé par ce courage héroïque.
J'ai demandé à plusieurs amis ce qu'ils pensaient de la dernière création à Venise de Viola, qu'il tenait lui-même pour un achèvement. Leurs avis ont été admiratifs. En particulier une excellente architecte, Claire, a trouvé que c'était la plus magistrale et la plus bouleversante de ses chefs d'oeuvre. Mais la critique a été partagée parmi les critiques d'Art qui ont fait la moue, dont notre ami Frédéric Bonet. Viola que j'interroge me répond, "je ne veux pas donner mon interprétation, que chacun choisisse la sienne".
J'ai parlé de la dernière exposition d'Annette Messager , notamment de ces matelas qui semblent être animés d'un souffle vital, se gonflant et se vidant comme s'ils respiraient, et combien je rève visiter son atelier à Paris. Bill Viola partage mon admiration et avoue être très proche de l'artiste, de même qu'il apprécie beaucoup Boltansky.
Monday, 10 December 2007
Préparation
A la demande de John et d'Alexandre.
Samedi 15 décembre, je dois rencontrer Bill Viola qui fait une visite exceptionnelle à Paris. Comme je vais sans doute émettre un billet de même que Marina Fédier (qui a des atomes crochus avec les Viola), je vous suggère de vous procurer à toute vitesse et de visionner les deux DVD parmi les plus significatifs du grand artiste. Vous trouverez ces DVD au MAM de la Ville de Paris ou chez Amazon.
Un des premiers films et des plus mystérieux de Viola. Réalisé en deux ans au Japon, sous le patronage de Sony, il décrit le passage progressif, presque insensible de la nature la plus solitaire, la plus inviolée, aux rues illuminée au néon de Tokyo. Les paysages sont étranges et très poétiques, le talent de coloriste, la manipulation de la dimension temporelle, la structure de cette vidéo marquent l'avènement du plus grand vidéaste de notre temps, à l'instar de Bruce Neumann, et de June Paik, mais avec la poésie et la beauté en plus. C'est cette beauté immédiate, surprenante, digne des maîtres anciens qui a conféré à la vidéo ses lettres de noblesse et qui rend Viola immédiatement accessible même au profane.
C'est un DVD qu'il faut absolument voir et revoir, donc à conserver et à diffuser à ses amis. Les premières images en particulier (la nature solitaire) sont particulièrement fascinantes.
Pour qui veut se familiariser avec la démarche et le vocabulaire de l'artiste, ce DVD est indispensable. On y trouvera la dimension profondément mystique qui imprime sa marque dans des inspirations renaissantes. Giotto a fait une profonde impression sur Viola ainsi que le Caravage, mais le Zen a laissé également son esprit dans le dépouillement des paysages du désert.
The Passing, est un autre DVD qui relate l'expérience personnelle de Viola de la vie et de la mort. Son intensité est presque insoutenable et pour cette raison elle ne peut être conseillée aux non initiés.
Une bonne nouvelle si elle est confirmée : la reprise de Tristan et Isolde à l'Opera Bastille en Octobre 2008. Je la tiens de Mortier qui me l'a annoncée lors de la soirée du 25 Octobre à Versailles. Il me semble indispensable de ne pas manquer ce chef d'oeuvre d'Art Contemporain vidéo (à ne pas confondre avec une mise en scène comme celle de Chéreau à la Scala). J'ai bien fait le voyage à Rotterdam pour n'en voir qu'une version tronquée.
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