Estuaire Nantes > < Saint-Nazaire 2007
Jusqu’au 1er septembre
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Qui a dit que les politiques se méfiaient comme d’une guigne de l’art contemporain?
À mille lieux des rejets caricaturaux ou des empathies parfois démagogiques, la manifestation « Estuaire Nantes > < Saint-Nazaire 2007 », initiée par Jean Blaise, directeur du Lieu unique à Nantes, s’impose comme une belle réussite culturelle et politique, en ce qu’elle impose l’art contemporain comme un facteur à part entière d’un processus d’aménagement du territoire et de définition d’une identité métropolitaine.
Avec le recul de l’implantation industrielle, les villes de Nantes et Saint-Nazaire font face à la nécessité de reconvertir des zones situées en pleine ville. Avec cette opération estivale, qui voit une trentaine d’artistes investir des structures culturelles des deux villes, mais aussi divers sites urbains et les rives de l’estuaire de quelques 60 kilomètres qui les relie, preuve est faite que « l’art contemporain a sa place au cœur de la cité, même quand il dérange », pour reprendre un propos très volontariste de Jean-Marc Ayrault, le maire de Nantes. Un édile que l’on a pu voir expliquer le plus tranquillement du monde le sens de son action à l’un de ses administrés, manifestement mécontent de voir la grande statue de la place Royale enfermée dans un amas décrépi de tôles ondulées (une intervention de l’artiste japonais Tatzu Nishi, qui a construit une véritable chambre d’hôtel autour de la statue, à visiter le jour et à vivre la nuit).
Les espaces institutionnels sont de la partie, tel le Musée des Beaux-Arts qui accueille une formidable installation in-situ d’Anish Kapoor. Svayambh (2007) transfigure littéralement l’édifice, avec un wagon de trente tonnes de cire rouge qui se déplace lentement, d’avant en arrière, sur un podium situé à 1,5 mètre de hauteur qui traverse tout le patio pour aboutir dans l’entrée. Traversant les arcades, il y laisse des traces de son passage, entre violence contenue et lyrisme tragique.
Anish Kapoor, Svayambh, 2007
Cire synthétique, bois, nergalto, métal.
Parcours : 45m x 3m.
Wagon : 7 m x 3 m x 4,50 m
© Cécile Clos, photographe du musée des Beaux-Arts de Nantes, Ville de Nantes.
Dans l’espace urbain, la démonstration s’opère sur l’Ile de Nantes, vaste chantier à ciel ouvert, qui a déjà vu s’implanter un palais de justice imaginé par Jean Nouvel et poursuit sa mue sous la houlette de l’urbaniste Alexandre Chemetoff.
C’est sur le quai des Antilles que les transformations apparaissent les plus patentes. Alors que Daniel Buren, avec la complicité de Patrick Bouchain, y a installé 18 cercles de 4 mètres de diamètre qui à la nuit tombée s’illuminent de couleurs et redessinent la voie (Les Anneaux, 2007), le vaste Hangar à Bananes, ancienne mûrisserie de 8 000 m2, a été complètement reconverti. Divisé en « cellules » ouvertes sur la Loire, il a permis l’installation de cafés et restaurants branchés qui redonnent vie au site. Un espace d’exposition y a été également aménagé, pour lequel Laurence Gateau, directrice du Frac des Pays de la Loire, a conçu « Rouge Baiser », un accrochage sensible et remarquablement agencé d’œuvres de sa collection.
À Saint-Nazaire, la disparition des chantiers navals a laissé vacants de nombreux espaces. Mais c’est sur le site du port lui-même que Felice Varini, avec Suites de triangles (2007), réussit à imposer une nouvelle conscience du territoire. Reconstituée depuis une terrasse, une ligne adjoint des figures géométriques éclatées dans l’environnement, sur des hangars, des toits ou des silos. Réassemblés ou pas, ces motifs constituent le prodige d’amener le regard à se détourner du large pour redécouvrir un port délaissé.
Sur les rives de l’Estuaire, les sites livrés aux artistes jalonnent le territoire. On peut les aborder par la terre ou les découvrir par voie d’eau, notamment grâce à une croisière fluviale quotidienne spécifiquement organisée.
Si les interventions sont d’intérêt inégal, certaines s’avèrent particulièrement pertinentes ou drôles dans ce contexte. Avec Did I Miss Something ?, Jeppe Hein a installé un jet d’eau de 20 mètres de hauteur, qui ne se déclenche que si quelqu’un s’assoit sur banc situé sur la rive. Près d’une écluse, Erwin Wurm a accroché un bateau déformé qui semble vouloir rejoindre ses congénères (Misconceivable, 2007). Un curieux campement d’architectures mobiles et d’habitats légers – avec des projets de Dré Wapenaar, Atelier Van Lieshout ou Denis Oudendijk – fait surface à Frossay. Et on voit même un réplique de l’ancienne auberge de Lavau-sur-Loire s’enfoncer dans le fleuve (Jean-Luc Courcoult, La Maison dans la Loire, 2007).
Certaines installations, telles celles de Buren, Wurm ou Tadashi Kawamata, qui toujours à Lavau a pensé un chemin s’enfonçant dans les marais qui aboutit à un observatoire (L’Observatoire, 2007), sont pérennes. Elles viendront enrichir les prochaines éditions, prévues en 2009 et 2011. Occasion sera alors donnée de mesurer le chemin parcouru par cette identité territoriale en cours de constitution.
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