...... Le duo d'amour de L'Entretien
Pour la compréhension de ce duo, il est recommandé de lire auparavant l'introduction qui rappelle les événements précédents.
Pour cela cliquez ici ► XXXXX
Personnages :
Lars Hall II, dit Lasse. Président d'une organisation financière et industrielle tentaculaire, située en Amérique du Sud et en Californie, et dont le siège se situe à Santa Samarea, entre Los Angeles et Sans Diego. FIls d'une dynastie d'armateurs suédois et de grands industriels hanséatiques, il s'est marié avec Vera Bentzinger,dont le père a hérité d'une fortune amassée par les nazis réfugiés en Argentine. Il a une fille, et on vient d'apprendre qu'elle vient de mourir dans des circonstances troubles. Lasse est le type même de l'idéal nazi : blond, grand, athéltique comme un dieu grec. Ses yeux sont trop clairs et durs, sa voix tour à tour douce ou impérieuse.
Bruno-Anton Zemlinsky. Violoniste de second ordre, jeune et ambitieux, compagnon de Clara. Frêle et sujet à des sautes d'humeur.IL enseigne au conservatoire de musique de Santa Samarea.
Clara. Pianiste, accompagnatrice et compagne de Zemlinsky. Elève du conservatoire de Santa Samarea et issue d'un milieu très modeste. Elle est orpheline et seule au monde. Beauté réveuse et fragile, elle séduit par sa présence et sa distinction, plus que par sa beauté discrète. Tenue vestimentaire sévère et sobre, comme il sied à une pianiste de concert.Très blonde et regard bleu limpide souvent perdu dans le vide.
Valentin Ludell. Personnage central de l'Entretien. Avocat new-yorkais, très cultivé et intellectuel comme un geek, il s'est lié d'amitié avec Lars lorsque celui-ci étudiait à New York. Il lui a servi de mentor et comme récompense le suédois l'a cocufié en lui enlevant sa maîtresse, Christine Ludell dont il a eu deux jumeaux et qu'il a abandonnée aussitôt.
Christine Ludell. Se marie avec Ludell, en lui faisant croire que les jumeaux sont de lui. Lorsque Lars se marie avec Vera, Christine survient et réclame la paternité pour les jumeaux et une pension alimentaire substantielle. Lars y consent, mais elle ne peut en profiter : elle meurt dans un accident d'avion, pense-t-on.
****LA SEQUENCE 160
PROMENADE A DEUX VOIX
« Codex éléphant » Vol XII, p. 1218. -652 avant l'an 2000 Le jardin tropical du Campanelli's Resort
Lars Hall et Clara.
LARS
Votre mari a beaucoup de chance. Je l'envie.
CLARA
Est-ce un compliment?
LARS
Non. Une constatation. Je donnerais tout ce que je possède pour être à sa place.
CLARA
Vous me connaissez à peine.
LARS
Je vous sens.
CLARA
Que sentez-vous?
LARS
Vous devez le ressentir aussi.
Regardez-moi dans les yeux.
CLARA
Ils sont tristes.
LARS
Les vôtres sont magnifiques. Ils sont noyés de brume. Hier ils pétillaient, pleins de feu, quand nous avons dansé.
CLARA
C'était agréable.
LARS
Je ne me suis jamais senti aussi troublé de ma vie. C'est ma première rencontre avec mon âme.
CLARA
Vous moquez-vous de moi? (Elle l'observe attentivement). Non. Vous êtes sérieux. Vous souffrez. Je le sens.
LARS
Je n'ai pas eu de chance avec les femmes. Ma mère, à peine l'ai-je connue. Ma femme vient de mourir; pitoyable, écrasée par le poids d'une fatigue à vivre. Ma maîtresse d'antan, m'a donné deux enfants, puis m'a trahi. Les gosses étaient ses otages, moi, un enjeu. Jamais le moindre sourire sincère, le moindre regard profond... comme le vôtre.
CLARA
Je voudrais pouvoir vous aider.
LARS
Trop tard. Je vous ai connue trop tard. Je suis libre mais vous ne l'êtes plus.
CLARA
J'aime mon compagnon.
LARS
Il est fin, doux, et sensible. C'est un artiste, comme vous.
CLARA
Vous avez des caractères opposés. Vous avec quelque chose de froidement brutal, une sauvagerie réprimée à grand peine.
LARS
Ai-je été brutal envers vous?
CLARA
Vous avez toujours montré la plus grande délicatesse à mon égard. Quand vous me regardez et que vous souriez... Mais avec les autres, votre regard est souvent dur, insoutenable, je l'ai remarqué et mon compagnon aussi. Il a eu peur. Vous êtes craint, on le dit.
LARS
Avez-vous peur de moi?
CLARA
Non. Avec vous je me sens en sécurité. Je vous crois capable de beaucoup de tendresse si on est loyal avec vous.
LARS
Je n'ai jamais connu ni tendresse, ni loyauté.
CLARA
Je suis désolée. Cela me rend infiniment triste, croyez-le.
LARS
Auprès de vous, mon sentiment de solitude devient intolérable. Je pense à ce qu'aurait été ma vie si je vous avais connu avant que vous ne vous soyez engagée. Mais avec moi vous auriez été plus ... moins ..., enfin, oui, moins ... qu'avec votre gentil compagnon.
CLARA
Je l'aime beaucoup. Nous ne nous sommes jamais séparés. On a fait ensemble nos études, mais le meilleur c'était lui. Je rêvais de devenir une grande concertiste, mais je n'ai pas l'étoffe! Je crois que je finirai au foyer, Kirche, Kuchen, Kinder. J'adore les enfants. J'ai enseigné dans un collège, le saviez-vous ? Les jeunes m'aiment bien, même les voyous des quartiers pauvres. On y trouve toujours une étincelle de bonté que l'on peut réveiller... Oh, excusez-moi, je débite des platitudes!
LARS Ne vous arrêtez pas! J'entends votre voix... moi aussi je ... Ah, je ne trouve pas mes mots. Vous m'intimidez peut-être.
CLARA
Moi, intimider un homme aussi puissant? C'est moi qui devrais me faire toute petite!
LARS Vous pensez que j'essaye de vous séduire ?
CLARA Non, je crois que vous êtes sincère et que je me trouve au bon endroit et au bon moment. Je suis bien trop insignifiante pour qu'un homme de votre importance prenne la peine de me faire la cour.
LARS
On ne vous aime pas. Vous n'êtes pas aimée, pas vraiment aimée.
CLARA
Pourquoi dites-vous cela?
LARS Parce que vous vous rabaissez. Un homme passionné vous renverrait l'image de la femme merveilleuse que vous êtes. Il ne supporterait pas de vous voir vous dévaloriser. Si j'avais eu la chance de vous posséder, je vous aurais fait sentir minute après minute, ma confiance, mon admiration, mon bonheur. Vous auriez succombé sous mon amour et par contagion, vous vous seriez aimée vous même!
CLARA
Je ne vous pensais pas aussi romantique, Lars. Croyez-moi, vous trouverez une femme digne de vous, qui vous aimera pour vous-même, sans restriction, sans arrières pensées. Que j'aurais voulu être celle-là! Moi aussi, je serai triste de vous avoir connu, de vous quitter. Vous voyez, je n'éprouve pas de fausse honte à vous l’avouer : je me trouverai bien seule après cette soirée, cette promenade, ces confidences. J'aime sincèrement Bruno, mais quand on a connu des héros, on a peine à se contenter des hommes.
LARS
Vous parlez comme quelqu'un que j'ai beaucoup aimé.
CLARA
Une amie d'enfance?
LARS
Un mentor, vieux avant l'âge, qui m'a offert son amitié voici une dizaine d'années et qui a bien décliné depuis, le malheureux.
CLARA
Que je voudrais être, comme lui, votre initiatrice, ne jouer que pour vous!
LARS
Il me disait cela aussi.
CLARA
Est-il mort?
LARS
Presque.
CLARA
Il me faut vous laisser, mon ami va bientôt se réveiller et il faut que je sois là pour le rassurer, lui remonter le moral. Hier il pense avoir mal joué. Ni monde ni applaudissements à son concert. Par malchance Baba Kakhazian se trouvait dans le bar et tous ont déserté la salle de concert pour lui demander un autographe et pour lui demander de chanter... à cette horripilante créature.
LARS
Les gens ici, n'aiment pas la musique classique.
CLARA
Ailleurs non plus. Mais vous, oui. Je l'ai bien senti. Quand j'ai joué Brahms, Beethoven, Schumann, mon jeu vous faisait vibrer...
LARS
Vous me faites vibrer. Quand je suis auprès de vous, résonnent mes fibres les plus intimes. Donnez moi votre main, posez là doucement, sur mon cœur, sentez le battre.
CLARA
Sa pulsation allegro, accelerando, presto, prestissimo, se communique au mien : sentez-le vous aussi. N'est-ce pas troublant? Vous êtes tout rouge, que vous arrive-t-il?
LARS
Nous sommes emboîtés. Vous me correspondez comme une serrure à sa clé.
CLARA
C'est une image un peu sexuelle.
LARS
C'est animal, c'est organique... ça arrive une fois dans la vie. Prenez mon cœur si accordé au vôtre.
CLARA
Je n'oublierai pas cette promenade. Merci pour votre offrande. Acceptez aussi la mienne : un baiser! Le premier et le dernier.
(Elle lui donne un baiser léger sur le front. Il la saisit et colle ses lèvres contre les siennes en un baiser profond sans qu'elle se débatte).
LARS
Quel est votre nom véritable? Pas votre nom de scène. Clara est un nom d'artiste. (Clara se tait. Long silence). Pourquoi me le cacher? Livrez moi votre nom.
CLARA
Diana.
LARS (Il la saisit par les épaules et l'immobilise en la dominant de toute sa stature. Il se penche vers elle sans l'embrasser et plonge son regard dans le sien. Elle ne réagit pas).
Long silence. D'une voix très basse, un peu rauque mais mélodieuse et douce.
Diana, ce soir, à minuit, tu me rejoindras au bungalow Hartzman. Je t'attendrai. Ce soir, tu seras à moi. Nous serons seuls et je te prendrai. La nuit me donnera raison. Je sais que tu viendras. Contre le tien, mon cœur sera toujours en été, mon corps contre le tien dans la plénitude de la fécondation, tes seins : de beaux fruits dans la coupe de mes mains. Ce sera la plus belle des fêtes, l'amour dans toute sa gloire. Mon être tout entier t'attendra, mes cellules te réclament. Tu viendras... (Il la lâche).
CLARA
Vous m'effrayez. D'où vous vient cette certitude?
LARS
De ce que tu m'aimes. Mon amour te hèle, tu t'approches, il t'encercle comme un lasso et te hale jusqu'à mon corps.
CLARA Elle part précipitamment. Je vous téléphonerai... Je dois y aller. Adieu.
Commentaire de l'auteur Cette scène ressemble à une séquence d'un Soap Opera; savonneuse et douceâtre, comme la lessive des ménagères qui tout en nettoyant les assiettes sales, dévorent les images à l'eau de rose et se prennent pour Clara. Mais ceci c'est l'information. Au fur et à mesure que progresse l'intrigue, apparaît l'information derrière l'information. Si le coeur vous en dit, continuez la lecture
LA SÉQUENCE 161
SIGNAL DE DANGER
L'appartement de Bruno-Anton Zemlinski Clara, Bruno.
BRUNO
Tu es essoufflée. Il est tard. Il t'est arrivé quelque chose? Tu es étrange.
CLARA
Oui, Bruno. Il faut que je te le dise et je ne sais pas par où commencer.
BRUNO
Pourquoi pas par le commencement?
CLARA
Hier, pendant que tu répétais, j'ai dansé. Et après le concert, alors que tu voyais ton imprésario et que tu étudiais ton planning, j'ai encore dansé. Ce matin, pendant que tu dormais, je me suis promenée avec celui avec lequel j'avais dansé.
BRUNO
Je t'ai déjà vu avec lui. Nous l'avons entrevu lors d'un de mes concerts à Santa Samarea. Méfie-toi, il a mauvaise réputation. Il ne faut pas t'approcher de lui.
CLARA
Il m'a invité à le rejoindre cette nuit. Il sera seul dans son bungalow. Il veut faire l'amour avec moi.
BRUNO
Quoi? Tu plaisantes ou j'ai mal compris?
CLARA
Tu as compris.
BRUNO
Quel culot ! Parce qu'ils ont des dollars, des relations, une position sociale, ils pensent qu'ils peuvent tout se permettre. C'est l'Amérique qui a corrompu le monde et ils ont corrompu l'Amérique. Mais fais attention, il est dangereux comme un cobra! Il faut le traiter avec ménagement. Et puis, il peut nous être utile, nous sponsoriser.
CLARA
Je lui ai dit que je lui téléphonerais.
BRUNO
Tu as bien fait. Il ne faut jamais refuser net. Ne dis ni oui, ni non, comme les chinois. Gagne du temps. Plus il attendra, plus il sera accro. On pourra profiter de l'opportunité. Tu pourrais entretenir avec lui de simples relations amicales. Je te l'ai dit, il a le bras long et si tu entres dans son clan, toutes les portes s'ouvriront devant nous. Il pourrait subventionner mon récital Bach. Il ne te refusera pas ça.
CLARA
Je lui dirai que je serai ce soir à minuit au bungalow comme il me l'a demandé.
BRUNO
Il n'en est pas question. Ce type est un barbe bleue. Les deux femmes qui lui ont fait des enfants sont mortes dans des circonstances troubles. Que veux-tu donc faire ce soir chez lui?
CLARA
Un enfant.
BRUNO
Un enfant!
CLARA
Je me donnerai à lui jusqu'à ce qu’il me fasse un enfant.
BRUNO
Un enfant? Tu me fais marcher et je n'apprécie pas. C'est de mauvais goût. Un enfant! Pourquoi un enfant?
CLARA
Parce que je l'aime. C'est tombé sur moi comme la foudre, sur lui aussi, j'ose l'espérer. Je suis désolée Bruno. J'ai de l'affection pour toi, mais... je suis sûre de moi. Je suis totalement éprise, je le désire.
BRUNO
Ressaisis-toi ma puce. C'est le soleil. Viens, assieds-toi là et discutons calmement.
CLARA
Je suis calme. Je t'assure Bruno que la dernière chose au monde que je souhaite c'est de te faire de la peine. Je t'aime profondément, j'apprécie ta gentillesse, ton soutien dans les moments difficiles. Je croyais... Encore hier je croyais t'aimer. Ensuite… Je l'ai vu. Je l'ai senti contre moi et je me suis trouvée prise dans un maelström de sentiments. Je ne puis résister. Quand ses yeux se posent sur mon corps, ou plongent dans les miens, je donnerai tout au monde pour lui appartenir. Je sais bien que c'est un rêve sans espoir et je ne me fais guère d'illusions. Pour lui, je représente un peu de chaleur pour combler une solitude passagère. Je lui ai demandé de m'appeler Diana.
BRUNO
Diana? Pourquoi Diana ?
CLARA
Il pensait que Clara était un nom de scène et je l'ai laissé sur cette illusion. D'instinct j'ai lancé ce nom.
BRUNO
Diana, c'est un joli nom. Soyons sérieux maintenant. Tu me l’as dit toi même, cette aventure est condamnée à l'échec. Il te laissera sur le pavé, seule. Tu te retrouveras seule.
CLARA
Non. Pas seule.
BRUNO
Avec de beaux souvenirs. C'est pis que tout. Non c'è maggior dolor che ricordar i giorni felici nella disgrazia. Avec le spectre d'une nuit de félicité.
CLARA
Avec un enfant de lui.
BRUNO
Il ne le reconnaîtra pas. On dit qu'il en a dans tous les coins du globe, comme les marins en sèment dans tous les ports.
CLARA
Il a pourtant reconnu ceux de Christine Ludell, sa première maîtresse.
BRUNO
Ça ne lui a pas réussi, elle est morte peu après. Une mort suspecte.
CLARA
Je ne lui demanderai pas de légitimer l'enfant. Il ne connaîtra même pas mon intention d'en avoir.
BRUNO
As-tu pensé à ta carrière? Aux chances de trouver un beau parti? Où dénicheras-tu un Ludell, un cocu consentant, battu et content, qui consente à élever le fils de son rival?
CLARA
Tu seras là.
BRUNO
Tu plaisantes?
CLARA
Bien sûr! Je ne veux pas d’un nid du coucou. Je l'élèverai seule, cet enfant de lui, j’en assume la responsabilité. C'est pourquoi je le rejoindrai ce soir, et les soirs suivants s'il le faut.
BRUNO
Tu as toujours évité de tomber enceinte. Quand je t'ai demandé un enfant, tu m'as répondu que ce serait un obstacle à notre... à ta carrière et que nous n'étions pas prêts. Et voici que maintenant tu ne rêves que de te faire engrosser, comme une génisse qui va au taureau! C'est franchement bestial.
CLARA
C'est vrai. C'est animal. Je ne le nie pas.
BRUNO
Réveille-toi. Téléphone-lui que tu es prise ce soir.
CLARA (Au téléphone) Allo, ici Diana. À minuit. Au bungalow. J'y serai.
C’était sa messagerie vocale.
BRUNO (accablé) Je t'ai perdue. Que vais-je devenir?
CLARA
Qu'allons-nous devenir? Je te retrouverai demain matin, on y verra sans doute plus clair. Les choses tournent toujours autrement que prévu. Courage.
SÉQUENCE 170
Résolution à la tonique.
AMOUR HÉLANT
L'AMOUREUSE VIENDRA
Le bungalow Hartzman au
Campanelli's Resort.
Lasse, Clara
LASSE
Enfin te voilà! Je n'ai cessé de penser à tes merveilleux cheveux, à tes yeux étoilés, à ta bouche, à tes seins, à...
CLARA
Arrête! Je suis là, tu vois : je suis venue!
LASSE
Je le savais. Tu ne pouvais ne pas venir!
CLARA
Non, je ne pouvais pas!
LASSE
Une femme ordinaire aurait protesté. Agacée, elle m'aurait remis à ma place, reproché ma présomptueuse assurance, ma fatuité. Tu as cédé tout naturellement à mon appel, sans justification, sans la moindre réticence, sans coquetterie. Tu n'es pas une jeune fille ordinaire.
CLARA
Je connais ta légende. À quoi bon feindre? Mon maître de psychologie à Fontanahead University me disait que je n'ai pas de Persona. Mon ego n'est pas très développé et je suis consciente de mon incapacité à me frayer un chemin dans la vie. Bruno est un homme vraiment doué, plein de feu, d'imagination, alors que je n'ai aucun pouvoir créateur, ni même de réel talent. C'est décourageant. Que veux-tu que je fasse? Me marier pour avoir des enfants et faire la cuisine, ou poursuivre à l'ombre de Bruno, la carrière déprimante d'une femme d'artiste? Je ne puis m'y résigner. J'éprouve une immense soif d'absolu. Et tu es mon idéal, celui qui seul pourra étancher ma passion. Une nuit, une seule. Il me restera un gage, un souvenir à chérir jusqu'à mon dernier jour. Je ne suis pas présomptueuse et je sais bien que je suis indigne de toi. Je suis tombée au moment opportun. Tu as perdu les deux femmes de ta vie et c'est ma chance. Je ne vais pas la laisser passer.
LASSE
Tu me sembles convaincue que notre rencontre ne sera qu'une aventure sans lendemain. Et en dépit de cela tu te livres à moi sans savoir ce qui t'attend. C'est surprenant.
CLARA
Il vaut mieux avoir des remords que des regrets, dit le sage. Ce qui m'attend, je le connais et c'est à ma portée : demeurer auprès de toi, te servir, jusqu'à ce que tu en aies assez. Je partirai alors, sans me plaindre.
LASSE
Que sais-tu au juste de moi? Je n'ai pas bonne réputation, tu ne l'ignores pas.
CLARA
Je te connais par le regard du dedans, celui qui ne trompe pas. Pour qui est frappé par la foudre, les secondes sont des siècles. Je te connais depuis des siècles. Tes yeux à toi, sont une source d'effroi pour mon esprit. Mais ils parlent à mon coeur. Toujours changeants, ils s'assombrissent quand ils me détaillent, comme à présent. Tes cheveux sont d'or mat niellé, splendides et virils dans leur raideur sauvage. Tu souris si peu... Mais quand tu ris, je me sens en joie, rassurée. Le soleil luit alors, tes yeux étincellent, de ce bleu lavande qui suit l'orage. Oui, quand tu es songeur, c'est à un ciel d'orage que tes yeux me font penser, tes iris troubles, vairons.
LASSE
Tiens, tu connais ce mot?
CLARA
Il est aussi rare que la chose. On dit que c'est le privilège des dieux d'avoir comme toi un oeil pers, et l'autre d'un vert cerné de violet. Et ton corps? Je ne le connais pas. Quelquefois, je le devine mince et souple, d'autres fois large et râblé. Cela dépend de ta tenue. Jamais ne t'ai vu déshabillé... je veux dire en maillot de bain ni en shorts comme les touristes d’ici. Cela me manque, car le corps a son langage, et il parle à l'instinct d'une femme. Tu es du Lion?
LASSE
Non. Scorpion ascendant Sagittaire. Avec beaucoup de planètes au dessous de l'horizon, et Mars, Saturne et Pluton dominants. Tu y crois à ces choses-là? Moi je ne me fie qu'en ce que je sens, que je touche : tes cheveux de soie souple et lisse, tes yeux verts tachetés de brun, tes lèvres expressives et douces, tes seins ronds et ta chair épargnée par la morsure du soleil. Cette chair de temps de pluie, rose et fraîche comme d'un enfant, j'en ai faim. Je te désire comme aucune autre avant toi.
CLARA.
Je suis une personne très banale. Ma famille est d'origine modeste et je l'ai perdue toute jeune. Cela me fait penser que tu ne sais rien de moi. Toi tu es connu, on parle de tes exploits de raider, de tes succès financiers, de ton clan et aussi de tes ennemis et de tes combats. Tu es implacable dit-on.
LASSE
Tu lis donc les tabloïds et les feuilles financières? Et moi qui te prenais pour une artiste très romantique!
CLARA
C'est le docteur Aschi qui m'a parlé de toi, hier au Resort. Et à Fontanahead tu passes pour un homme puissant, redoutable et très secret.
LASSE
Je n'aime pas la publicité, en effet. Ah! On nous apporte le repas. Oui, Maurice, posez tout ici et venez débarrasser demain à midi. (Maurice chuchote à l'oreille de Lasse). Comment? On vient de l'apporter. Qui? Ah. Mrs Deveray-Sterling. C'est urgent? Bien, merci.
CLARA
Qu'est-ce donc?
LASSE
Un enregistrement et une montre de survie Breitling semblable à la mienne. Excuse-moi chérie, pourquoi n'irais-tu pas au jacuzzi pendant que j'examine ces ... documents. Cela risque de t'ennuyer. Attends-moi je vais t'y rejoindre.
Seul, il parcourt la cassette et actionne le message inscrit dans la Breitling, puis téléphone en se servant d'un écouteur relié par radio à un portable invisible.
Olaf, tu vas demander à quatre agents basés à Genève de se rendre au Kiruna. Il doivent prendre par surprise quatre tueurs : Frantz - oui? - Frantz, c'est ça, un sumotori et deux faux gardes du corps répondant au pseudo de Hank et de Chris. Tu les neutralises comme d'habitude. Je les veux sains et saufs à la plateforme après demain. Puis tu assureras la protection juridique et physique de qui tu sais. Je le rejoindrai dans quelques jours avec les gosses. Rassure-le, il doit être traumatisé à l'heure qu'il est. OK. Oh, Diana, entrez donc, j'ai fini la communication. Et le Jacuzzi?
CLARA
L'eau du jacuzzi est à peine tiède et vous me voyez en peignoir, ce qui n'est guère convenable, car ma robe est tombée dans le bassin! Je l'ai essorée et mise à sécher dans le sauna. Sans y ajouter de l'eau! Puis-je m'asseoir ou avez-vous ... as-tu d'autres communications en vue? En Europe il est matin tôt.
LASSE
En Europe? ... J'aurais aimé t'y emmener, à la maison familiale de Sylt, et aussi à Paris, à Londres ou à Saint-Tropez. Aimerais-tu voyager avec moi? (Il l'observe attentivement). Et à Gstaad, ça te dirait?
CLARA
Bien sûr. Tout faire avec toi!
LASSE
Y compris l'amour? Bien entendu. Tu ne touches à rien! Tu manges comme un oiseau. Tu es un oiseau ou tu n'aimes pas?
CLARA
Je vais te sembler idiote... Mais je me sens intimidée... À mon âge! Tes caresses. Je les ressens avec... un peu de crainte peut-être.
LASSE
Rends-les moi et ton angoisse s'évanouira. Encore. . . Caresse moi la nuque à présent. Les épaules aussi... Bois un peu de chardonnay, celui-ci est excellent. Tu vois que je t'ai détendue. Tu es bien?
CLARA
J'ai la tête qui me tourne un peu.
LASSE
Viens t'asseoir auprès de moi, ici, oui ici. (Il l'entraîne vers le canapé). Allonge-toi contre moi, que je te caresse les seins. Dégage-les. Es-tu vierge?
CLARA
Comment le sais-tu?
LASSE
Instinct de poseur d'appeaux.
CLARA
J'ai eu peur un instant. Je suis heureuse à présent. Continue... embrasse-moi, tu ne l'as pas encore fait. Et je voudrais voir ton corps... Je n'arrive pas à l'imaginer. Mets-toi torse nu!
LASSE
Voilà. Es-tu déçue?
CLARA
Non. Surprise. De près il est massif, très musclé, mais les abdominaux sont bien dessinés. Ton ventre est long, bien plus que je ne le pensais. De loin tu fais très juvénile élancé, presque mince et c'est trompeur. Et puis tu as une toison toute blonde sur les avant-bras et pas sur le reste du corps qui est aussi blanc que le mien. Tu manques de soleil! Ou peut-être tu as une peau de blond.
LASSE
Détrompes-toi. Je bronze très vite. Et puis tu exagères, je suis encore halé, plus que toi! Je te retourne le compliment. Ne te vexe pas ! J'ai horreur des chairs grillées pain d'épice. Je préfère ton teint de lait. Non! Ne touche pas à mon jean. Pas encore.
CLARA
Tu dois me prendre pour une allumeuse! J'ai un peu honte. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je n'ai pu m'arrêter. J'avais... J'ai envie de me fondre en toi.
LASSE
Cela ne saurait tarder, mon oiseau. Mais auparavant il faut que tu saches tout sur moi, enfin, ce qui importe pour notre relation. Après tu jugeras si tu veux toujours de Lasse.
CLARA
Tel que tu es je te veux. Sans restriction. Je te le dis du fond de mon coeur, de mon âme, de mon corps. Serais-tu Barbe Bleue que je n'en démordrai pas. Pour la première fois je suis amoureuse, totalement, sans compromis.
LASSE
Et si j'avais un problème sexuel? Qui expliquerait mon mariage tardif... et ma réticence à baisser mon jean et mon slip?
CLARA
Tu veux me faire comprendre que tu es impuissant? Ou homosexuel? Ce n'est pas possible, je sens ton désir. Mais même si c'était le cas, je t'aimerais tout autant. Faible, malade, déchu tu me trouverais à tes côtés. Je te veillerai dans l'infirmité, je te défendrais contre tes adversaires. Je suis ton anima, ton ange gardien et ça n'a rien à voir avec le sexe. Si tu ne peux faire l'amour, quelle importance ? Si je veux te voir nu, c'est parce que ton corps, c'est toi.
LASSE (Riant).
Quelle imagination érotique! Infirme, homo, impuissant et pourquoi pas grabataire? Non Diana, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Baisse mon jean, tu comprendras, tu me voulais nu, voilà ton souhait exaucé!
CLARA (saisie) Mon dieu!
LASSE.
Ce n'est pas lui qu'il convient d'invoquer, mais plutôt le diable! Tu as compris. J'ai eu des problèmes avec des femmes et Vera en particulier. Elle était vierge au début de notre relation, comme toi, et Christine. En dépit de mes précautions, je l'ai déchirée, traumatisée. Dans une certaine position, je risque de tuer ma partenaire, et crois-moi, c'est une fin lente, dégradante et douloureuse. Christine n'a pas été la seule à l'expérimenter.
CLARA (troublée) Pourtant on dit que le vagin s'adapte à tout!
LASSE
Bien sûr, même à un âne, à un cheval... ou à un minotaure si on en croit la légende. Mais ce sont là des tortures chinoises de l’époque Han, et après les avoir subies, la victime, si elle leur survit, est impropre à l'amour... humain pour le restant de ses jours. C'est pourquoi elles étaient en orient réservées aux épouses adultères.
CLARA
Tu n'es ni un âne, ni un cheval et je sais que tu m'initieras avec douceur. Je te désire et je n'ai pas peur de toi. Ce n'est que dans les films érotiques qu'un sexe peut être dangereux.
LASSE
Ce n'est que dans les films érotiques qu'un étalon trop bien monté est une aubaine pour sa femelle. Il y a des limites à la tolérance et pour le vagin étroit d'une vierge un organe de cette taille, de cette forme et de cette cambrure est un instrument de supplice. De plus je pratique l'étreinte réservée et je resterai en toi jusqu'au petit matin. Je suppose que ces détails anatomiques et ... peu poétiques, doivent te choquer mais j'ai voulu être honnête.
CLARA
Je suis à toi, quels que soient les risques. Une femme qui met un enfant au monde souffre bien. Pourquoi pas aussi lorsqu'elle le conçoit? Fais de moi ce que bon te semble.
LASSE
Diana. Il n'y a pas que le vagin. Il y a une autre voie et la mort est quelquefois au bout. Je t'ai averti : d'autres ont subi une fin atroce par mon corps.
CLARA
Comme tu l'as dit, je suis vierge et vulnérable... De plus, je suis menue, mon ossature est délicate et frêle ma constitution. Tu es élancé mais lourd, tes membres sont longs et musclés mais massifs. Mais je suis résistante, je prends le risque et je n'ai pas peur. L'amour est plus fort que la peur.
LASSE
On fera donc l'amour toute la nuit, et à l'aube je t'exécuterai. Comme Christine. Pour les mêmes raisons. Car tu es un agent infiltré de SPECTRE.
Commentaire de l'auteur
On reconnaît ici quelques ingrédients des séries B, les allusions sexuelles crues, puis la violence et la perversion se précisent, tranchant avec l'ambiance sentimentale du soap opera, pour aboutir à un coup de théâtre. C'est un cliff hanger ce procédé qui empêche le zapping des ménagères. Après la pub, elles auront envie de savoir comment Clara,va se tirer d'affaire.
La dernière phrase, en huit mots fait basculer la scène, dévoilant l'information derrière l'information. La séquence 160 n'est plus la scène à l'eau de rose typique du soap opera, mais la préparation d'un thriller gore. On s'explique le ton contraint des répliques. Les personnages s'expriment par des phrases très courtes, très controlées, comme deux escrimeurs jaugeant leur habileté. La douce Clara est une manipulatrice, mais Lars Hall, est un dangereux prédateur, peut-être client de Minotaure, ainsi que le suggère sa communication téléphonique. C'est de plus un pervers sexuel, se plaisant à jouer au chat et à la souris.
Si vous désirez en savoir plus ... car d'autres coups de théâtre vous attendent : l'information derrière l'information derrière l'information, faites le savoir dans un commentaire. Sinon j'arrête pour ne pas déflorer le suspense.
Signaux faibles Le rapport signal-bruit est un paramètre important qui a un impact décisif sur la désinformation. Celle-ci fleurit en effet, lorsque les messages sont noyés dans le magma: bruit de fond, signaux parasites, formes aléatoires, in
Suivi: May 29, 02:50
.....  Dans le labyrinthe Le nombre important de visites reçues par les séquences de L'Entretien, m'a encouragé et m'a donné envie de compléter et de remettre en ordre, la série nommée "Saga" et dont le coeur est le duo d'amour entre Lasse et C
Suivi: Jun 02, 22:33
Pour apprécier ces séquences, il est indispensable au préalable de lire les séquences qui précèdent. Pour commencer, cliquer ici ►  XXXXX SÉQUENCE 172 PIÈGE La chambre à coucher du bungalow Hartzman. Premières heures du matin Lasse et
Suivi: Jun 15, 22:31