Sunday, 13 May 2007
Le défi culturel du président Sarkozy
Ceux qui ont voté pour Nicolas Sarkozy, souvent avec réticence, ont obéi à la conviction que dans des temps difficiles un homme fort et protecteur est nécessaire. Le mot "homme" est pris en tant que "gender", au sens de personne, Madame Tatcher et Angela Merckel, de ce point de vue peuvent être considérée comme des "hommes" forts. Telle n'était pas maman Royal, qui protégeait les Français comme une maman en tant de paix " je m'occuperai bien de vous, n'ayez pas peur, je suis une maman de quatre enfants".
Les votes de Sarkozy n'ont pas été de sympathie mais de raison, voire d'enthousiasme, non pour l'homme, mais pour ses idées, et aussi pour son courage, verbal certes, mais tout commence par là. Le nouveau président a dû relire la vie des hommes illustres, des grands hommes d'état, et il a compris qu'on ne pouvait sauver un pays qu'avec une cohérence sans faille, une concentration des pouvoirs, inévitable lorsqu'il y a un péril aux frontières, Kurt Lewin a fort bien expliqué tout cela. De surcroît, le nouveau président, plus qu'une réussite électorale a eu le mérite incontesté, d'avoir accompli une mutation idéologique pendant que la gauche stagnait, écartelée entre l'extrême gauche et l'extrême stagnation.
Le moteur qui a insufflé ce courage à Nicolas Sarkozy, et l'a transformé en un leader charismatique, a été la claire conscience qu'il représentait un noeud sémantique fort mais asphyxié par le terrorisme intellectuel, la langue de bois et le politiquement correct. Il n'a pas cru nécessaire de masquer ces convictions par une "enveloppe" qui l'aurait entraîné dans le terrain de ses adversaires. Le noeud sémantique qu'il a déclaré est Force de la Terre. Je renvoie le lecteur à "Virus" ou à défaut à ses deux condensés : celui du Figaro magazine et celui, minimaliste de C.G. à l'intention d'un homme d'Etat. Sarkozy a opposé à sa vision du monde "Force de la Terre" à celle qu'il rejette et qui en est l'image négative : "Medusa", qu'il assimile aux scories radioactives krypto-trotzkistes issues de l'implosion de Mai 68, ce dernier mouvement provenant à son tour, de l'explosion de "Diamant Vertueux", le marxisme-léninisme stalinien en une multitude de déchets toxiques.
Or "Force de la Terre" est passé par trois stades : le premier est primitif, c'est celui des pionniers qui ont forgé la puissance américaine, le second est humaniste, c'est celui de la Florence des Medicis, le troisième, est régressif, limité à l'utile et à l'agréable. C'est celui dela bourgeoisie du XIXème siècle, qui soustrait des valeurs Force de la terre de travail, de famille et de patrie, les tares de la rapacité, de l'admiration du clinquant, de la force économique, du dédain de la culture vivante.
Or Nicolas Sarkozy, qui prône l'ouverture politique, devrait également mettre en oeuvre l'ouverture culturelle. L'incident du Yacht, et du Fouquets a été exploité malhonnêtement par une gauche qui se veut vertueuse.Mais derrière sa désinformation se cache une information authentique : la "gaffe" n'a été possible que parce que le nouveau président s'est déclaré non pas pour Force de la terre humaniste, mais pour son avatar rétréci. En témoignent son éblouissement devant les fortunes spectaculaires, envers le luxe tapageur, le vedettariat et une compensation pseudo intellectuelles. Pour le nouveau président, les artistes, ne sont pas Boulez ou Dutilleux, mais Johnny Halliday et Mireille Mathieu. Les garants de la pensée philosophique sont Glucksmann et Alain Minc. C'est ce que j'avais appelé un bouillon d'inculture, devenu plus tard "bouillon de culture".
Que se serait-il passé si Dutilleux et Boulez avaient remplacé les stars du show-biz? Un désastre! Car l'inculture du président était en phase avec celle du grand public. Par ailleurs, ceux qui se sont ralliés à la culture contemporaine, se sont révélés incapables de l'assimiler, et en sont sortis snobs, prétentieux et utopistes. Ce sont les bobos manipulés par les leaders d'opinion Médusa.
Que faire? Il est nécessaire, comme l'a fait Pompidou, avant lui, que le Président donne l'exemple en honorant les grands génies qui continuent à produire des chefs d'oeuvre. Non, la musique ne s'arrête pas à Debussy, ni la peinture à Chagall. Malheureusement la production artistique mondiale submerge comme un tsunami le public qui éberlué visite des exposition sans rien en saisir. La musique classique dite d'avant-garde est dans un meilleur état, car elle échappe à la spéculation. Néanmoins la connaissance et le "connoisseurship" artistiques sont réservé à une élite souvent snob et gauche-caviar. Ses membres votent d'autant plus volontiers Bayrou ou Royal, qu'ils sont bien à l'abri des conséquences économiques d'un tel choix. Mais comment reconcilier les oeuvres ésotériques, voire même sophistiquées comme les derniers quatuors de Beethoven ou les installations de Huyghe; avec les gens qui travaillent, qui prennent l'art contemporain pour de la fumisterie, ce qu'il est sans doute, mais pas toujours?
Il est important tout d'abord de lutter contre le déferlement en limitant notre recherche de sens aux plus grands. Par exemple en France, les compositeurs Henri Dutilleux, Pierre Boulez, Pascal Dusapin et quelques autres dont unanimement considérés comme des cimes artistiques. Lavier, Buren, Arlette Messagier, Pierre Soulages, Martial Raysse ou Pierre Soulages émergent de la production courante. Je ne me sens pas qualifié pour parler de la poésie et de la littérature, mais je suis certain que l'unanimité se fait autour de certaines oeuvres. Il incombe au président de marquer par des gestes éclatants, son intérêt personnel pour cette poignée de "trésors nationaux vivants" et d'attirer en France les plus prestigieux artistes étrangers. Dans le projet "New Wave" nous avons commencé à répertorier 25 grands artistes. Le plus difficile reste à accomplir : étudier leur oeuvre, essayer de comprendre leur sens, développer une pédagogie qui les mette à la portée des hommes de bonne volonté, dépourvus de snobisme mais désireux de s'instruire et de dépasser la première répulsion pour ce qui dérange parce que trop innovant.
Si le Président montre - à côté de son attraction pour le show biz,le star system et la richesse ostentatoire (qui sont indispensable pour s'attirer la sympathie d'une partie notable de la population), met en place au niveau de son équipe restreinte à l'Elysée, une structure d'accueil des plus grandes gloires mondiales, - ce qu'on fait ses prédécesseurs - et qu'à l'exemple des américains et des allemands, il encourage le mécénat privé, il contribuera à promouvoir la culture véritable en France. Il faudra à en finir avec la politique de saupoudrage de nullités bien en cours ou d'honnêtes et sympathiques médiocrités, pour se concentrer sur les cimes, et sortir notre pays de la lethargie culturelle où elle se trouve et qui fait l'objet des railleries apitoyées de nos voisins anglais ou allemands. Je le répète, l'exemple vient d'en haut et la tâche de refondation et de rattrapage, de l'enfance à la vieillesse, de notre retard artistique et culturel, ne peut être laissée exclusivement au ministère de la Culture et de l'éducation. C'est une priorité stratégique et régalienne.
Alors, seulement, Nicolas Sarkozy quittera Force de la Terre régressive, pour s'épanouir avec Force de la Terre humaniste, qui a toujours été la gloire de la France avant que Médusa ne l'envahisse.
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