Lendemain de fête
Suite de l'article du 6 mai sur les sondages
L'information
De toutes les élections auxquelles j'ai assisté, aucune n'a donné naissance à des débats et des commentaires aussi peu agressifs. Le signal de cette mansuétude a été donné par la posture ligne basse de Sarkozy face à la Sainte... pardon, à la saine colère de Royal. Bien qu'il soit impossible d'en être sûr, les menaces de guerre civile de cette dernière, tranchant avec le calme et l'humilité de son adversaire, n'ont pas été payantes et ont donné l'image d'une gauche idéologique et floue.
Les éléphants de la gauche, visiblement embarrassés par la forte participation qui renforce la légitimité du vote, ont mis en garde leurs militants contre les dérapages. Au lieu d'accuser la droite de magouilles et de désinformation, ils ont fait leur mea culpa, et ont conclu - sauf Lang - à la nécessité de réformer la gauche. Et le recentrage se ferait par l'élimination des extrêmes désavoués par les urnes, en faveur d'un centre invertébré.
Autre nouveauté : la joie était là. On sentait que si on votait Royal par haine de Sarkozy, on votait pour Sarkozy, pour Sarkozy. L'enthousiasme et la jeunesse des supporter d'une droite décomplexée contrastait avec tout ce que les médias nous suggéraient à propos du vote jeune, synonyme de vote socialiste.
La fête : sans complexe, après avoir diné au Fouquet's de son ami François Pinault, (ce qui constitue une bonne publicité pour l'établissement), avec des millairdaires et des stars du show business, le futur président s'est rendu place de la Concorde, lieu symbolique- pour un gigantesque show : salué par Johnny Halliday, chantant la marseillaise avec Mireille Mathieu, au milieu de danseurs bigarrés dont une dame à moitié nue. Il délivra un discours émouvant das lequel il s'appropriait de tous les thèmes de son adversaire : la lutte contre l'exclusion, l'écologie et le réchauffement de la planète, l'aide à la veuve (violée) et l'orphelin (exploité) quel que soit sa nationalité. Le coeur était au rendez-vous dans une atmosphère de liesse populaire inouïe. Une nouvelle page d'histoire s'ouvrait pour la France, annonçant la fin de la sinistre exception française.
L'information derrière l'information
Les mots sont les mots, les postures sont des enveloppes qui dissimulent les présupposés idéologiques. En fait rien n'a changé, la France est toujours divisée en deux blocs idéologiques, donc incompatibles. Le mythe de la coopération entre blogs, chère à Bayrou a été reprise par son rival. Mais ce dernier n'y croit pas et on le comprend. C'est pourquoi il se dit près à accueillir -avec prudence - des hommes de gauche, à conditions que leurs idées soient solubles dans le projet de la droite de Sarkozy.En d'autres termes on veut bien des gauchistes mais à condition qu'il s pensent à droite.
Cette modération, cette humilité feinte, répondant à la Sainte Colère - pardon, à la saine colère de la madone socialiste, a été payante. Elle s'est transmise aux leaders de la gauche, près d'exploser de frustration, en particulier DSK, Fabius et Hollande. Mais il suffit d'un courant d'air pour que le feu reprenne, et plus vite que l'on pense.
La bataille des legislatives est cruciale car elle décidera de la composition du bloc adverse. Les sondages donnent 58% au bloc de droite, mais on a vu à quel point les Ipsos et autres officines se sont trompées en acrodant plus de 54% à Sarkozy. Cette bataille sera tout sauf courtoise, car la volonté d'apaisement de Sarkozy, commencée par calcul et terminée par l'autosuggestion due à l'ivresse de la victoire, risque de n'être qu'un mince glacis. Demain... ce sera un autre jour.