La mondialisation heureuse
Heureuse ou malheureuse, la libéralisation des échanges, entraînant la délocalisation de milliers de PME européennes est au centre des clivages entre candidats. En fait derrière cette question se cachent des postulats, c'est à dire des présupposés dogmatiques qui d'un côté prétendent faire appel à la raison et aux réalités économiques, de l'autre au vécu des populations et au bon sens. Une fois de plus tout compromis est difficile entre les tenants des deux positions, et ces derniers, chacun de son côté s'appuient sur une vision cohérente du monde de l'entreprise.
La très grande majorité des économistes et des financiers, suivis par les politiciens européens, prônent le libre échange comme un facteur de prospérité et de toute manière une tendance incontournable. Ils s'appuient sur une vision de l'entreprise en tant que machine à faire du profit rapide, toute autre considération étant bannie des réalités sinon des discours. L'exemple extrême de leur logique est le noeud sémantique (c'est à dire le faisceau de croyances inanalysées) que j'ai nommé MATRIX d'après le film-culte.
MATRIX est une face de Janus, dont une partie est macroéconomique et fondée sur la notion de globalisation et de division internationale du travail, l'autre entrepreneuriale et organisationnelle, basée sur le mode de fonctionnement des entreprise et privilégiant la massification et l'hypercentralisation au niveau mondial. Les conséquences de MATRIX ont transformé profondément notre mode de vie et notre façon de penser, pour le meilleur comme pour le pire.
Les detracteurs de MATRIX et de la libre concurrence entre nations, évoquent la disparition en Europe, des artisans, de PME, le saccage systématique de notre agriculture, et une destruction de nos spécificités. Ils militent pour une fermeture des frontières ou tout au moins un relèvement des barrières douanières. Je ne puis personnellement intervenir dans la partie macroéconomique du débat, car je ne m'estime pas compétent, mais en revanche je puis contribuer à l'éclairer en me plaçant dans une approche systémique et une logique entrepreneuriale. J'espère que vous me rejoindrez dans la première de mes masterclasses que vous pourrez atteindre par le moteur de recherche à "masterclasses" ou à "mondialisation heureuse".
Lire à la suite de cette introduction, une réflexion sur la calligraphie.
Considérations sur la calligraphie et l'écriture manuelle.
Depuis que je suis enfant, je me suis plu à confectionner des albums thématiques, soigneusement écrits et illustrés. Par la suite, étudiant, je me fabriquer des anti-sèches qui condensaient la matière d'un sujet d'examen sur une carte à peine plus grande qu'une carte de crédit. Je n'osai pas m'en servir pour tricher par peur d'être démasqué, mais le travail considérable d'élaboration de ces "puces" de connaissance manuscrites me permit d'intérioriser les sujets, et par l'économie imposée d'un espace aussi restreint, d'apprendre à discerner l'accessoire de l'essentiel. Je me situais à l'opposé de la pratique actuelle consistant à copier-coller des article entiers de Wikipedia.
Devenu adulte, je fus fasciné par les magnifiques livres d'heures, et manuscrits à peinture, en particulier ceux réservés aux moines et aux étudiants pour leur usage personnel. Le texte magistral était calligraphié en deux colonnes centrales et en caractères assez larges : onciales, gothiques ou humaniste, les commentaires des étudiants figuraient sur les marges généreuses, en bonne place. Loin de déranger la noble ordonnance du texte magistral; les didascalies et les notes écrites en caractères minuscules donnaient vie et tension à la page. Il est vrai que les étudiants, conscients de l'importance du manuscrit, qui reflétaient celle de son contenu, se donnaient beaucoup de mal pour tracer leur ductus, souvent dans une encre de couleur différente. Bien souvent, ils ornementaient les marges de personnages fantaisistes : chimères, génies, ou de plantes décoratives : astragales, et d'animaux vairés : écureuils, licornes ou salamandres.
On peut estimer qu'il s'agit là de pratiques médiévales ou renaissantes archaïques et que le traitement de texte permet aujourd'hui une perfection dans la présentation, une rapidité dans l'écriture, qui étaient interdites aux clercs d'autrefois. Mais il s'agit là, à mon avis, d'une conception singulièrement étroite de la fonction d'écriture. Il ne s'agit pas en effet dans ce cas de rédiger des textes administratifs et prosaïques, mais de dialoguer avec la feuille en rassemblant toutes les ressources de l'esprit : non seulement la valeur rationnelle du contenu, mais aussi sa mise en page personnelle et toujours variée, sa mise en valeur esthétique, son énoblissement par le choix du papier et de l'encre.
Le lenteur du ductus (c'est à dire de la ligne d'écriture), le soin apporté à la forme et à la liaison des lettres, plongent le scripteur dans un état assez proche de celui de la cérémonie du thé. Un découplage se fait entre la main qui trace et invente dans le silence, la volupté du geste et de la pression de la plume sur la surface active du papier à la cuve, et l'esprit, dont la partie consciente occupée par le contenant, libère l'inconscient de la tyrannie du temps et de la raison formalisée.
L'irregularité du ductus manuscrit, surtout tracé sans lignes-guides horizontales, ne peut être plus cirtiquée que les " défauts" des des tapis de tribu et des dentelles faites main.
Malheureusement mes moyens financiers ne me permettaient pas d'acheter les magnifiques codex médiévaux et renaissants. Je palliai ma frustration en essayant de m'en confectionner tant bien que mal. Au début j'utilisai du papier d'Arches et BFK Rives, j'appris à différencier et à hiérarchisér, les feuilles sublimes des papiers japon impérial, d'une délicate teinte ivoire, les coûteux japons nacrés, chatoyants selon leur exposition à la lumière, le rugueux papier RIchard de Bas, dont la texture rappelle la texture des murs d'Auvergne et du Perigord noir. J'utilisais pour écrire un rapidograph à encre de chine, ou des stylos Waterman, à pointe fine, des Montblanc anciens, à plume large et acceptant de l'encre de chine.
Les textes ainsi élaborés lentement, comme l'araignée tisse sa toile étaient sensiblement différents de ceux que je dactylographiés. Ils avaient une qualité d'intimité, de sensibilité, due à ma connivence entre la pulpe des doigts et le frottement de la plume sur la feuille.
Ce ne fut qu'après vingt ans de pratique de l'écriture, que j'accédai à un stade supérieur. Je fus poussé par le caractère presque sacré de l'Entretien, incompatible avec une technique relâchée. Je pris des leçons avec Claude Mediavilla, un des plus grands calligraphes mondiaux, et ce fut aussi difficile que d'apprendre le piano. Mes nombreux voyages au Japon me firent découvrir le monde du Washi, le papier à la cuve fait à la main; dont l'importance et la variété ne peut se comparer qu'à celle de nos grands crus français. Les japonais furent émus par mon enthousiasme et m'aidèrent à constituer une collection, une des plus importantes d'Europe, que l'on peut admirer au Musée du Stylo et de l'Ecriture. (3, rue Guy de MAupassant, PAris 75116, ouvert le dimanche de 14h30 à 18 heures. Tel. 06 07 94 13 21). Une caractéristique du papier washi, est qu'on ne peut le reproduire, il ne s'apprécie qu'au toucher, comme le vin au goût.
L'équivalent europeen ou asiatique du papier japonais est d'une variété étonnante sans atteindre la perfection et l'ascèse des production des grands maîtres souvent déclarés trésors vivants par les autorités culturelles japonaises. Une adresse à retenir : Calligrane, rue du Pont Louis Philippe, où on trouvera des boutiques de papier italien ou japonais. Cete "rue du papier" est fréquentée par les designers, les artistes, et les créateurs de tout poil. Faites-y un tour.
Par la suite, après m'être familiarisé avec la calligraphie traditionnelle, tracée par des plumes Brause, et utilisant des gouaches de noir de fumée, vermillon naturel ou bleu lapis lazuli, j'évoluai vers des technologies mêlant intimement la spontanéité de la main avec les outils Pilot : gels, plumes calligraphiques, feutres, et surtout la merveilleuse "parallel pen" qui permet une précision voisine de celle de la plume d'oie. L'Entretien point de départ d'une aventure en Hypertexte n'aurait pu exister sans ces techniques, auquelles il faut ajouter le texture et la couleur très particulière du papier "peau d'éléphant" diffusée en France par Stouls.
Ci-contre, pages du manuscrit "Pepys I". Ecriture humaniste. On notera que la couleur de la gouache varie d'une lettre à l'autre, ce qui imprime à la page une vibration particulière. Le papier, la plus Brause, les gouaches utilisées font partie de l'arsénal classique du calligraphe.
Ci-dessus, une calligraphie sur fond mica argent de Pentel, appliquée sur une feuille de papier peau d'éléphant gris-bleu, caractères tracés avec des feutres calligraphiques Pilot. P.1669 d'un codex qui en comporte plus de 4000. Les ors sont également de Pilot.
Ci-dessus, une combinaison entre le scanner, photoshom, des feutres gouachés uniposca, des plumes calligraphiques Reform, des gels Pilot, sur papier éléphant.