CHRONIQUE
LE MEILLEUR ET LE PIRE DES JOURS
Le meilleur et le pire jour de ma vie, j'étais à Moscou, d'où je viens de rentrer hier soir.
Le meilleur car j'ai ressenti d'une manière concrete l'amour que me portent mes deux fis adoptifs. Inimaginable. Ceux qui m'ont reproché de n'aider que des riches et des puissants devraient avoir honte, car tous les jeunes que j'ai sauvé de la médiocrité, sans compter DAREK pour qui j'ai tout fait pour lui refaire une situatio et le sortir de prison afin de protéger et sauver son gosse. Grâce au talent remarquable de notre ami S*** on l'a tiré d'affaire et sauvé son fils. Nous n'avons même pas reçu un mot de remerciements, et il ne se soucie pas de savoir si je suis toujours en vie. Je puis en dire autant de bien des jeunes et de moins jeunes que j'ai aidé et j'ai été payé d'une ingratitude comparable. Certes, il y a eu la déféction des Poliakoff qui m'a porté un coup terrible, et Sandrine qui a été comme une parents proche envers ma soeur et moi. Et qu'est-ce que cela prouve? C'est qu'il faut tout simplement de garder de généraliser et de coller des étiquettes au x individus selon qu'ils sont riches ou pauvres, russe ou français. Cela ne vaut que statistiquement parlant.
Ce Jeudi a été le pire et le meilleur de ma vie,disais-je. La meilleure façon pour vous l'expliquer est de vous raconter mes impressions de Moscou depuis le début.
LE DÉPART
Par souci de discrétion je ne nommerai pas mes deux fils par le coeur sinon par les initiales M*** et O***. Marina ayant exprimé devant M*** son désir de voir les clèbres coupoles du Kremlin, il l'invita aussitôt le 27 et le 28 pour les lui faire visiter, et par la même occasion de me revoir au bout de plus de quatre mois d'absence physique. (car il me téléphonait presque tous les jours pour prendre des nouvelles de ma santé). Sa générosité se manifesta dès le départ, car il me donna le sympathique et jovial Patrick, un viennois pour ne pas me lâcher d'un pouce de porte à porte. En plus je disposais comme d'habitude d'un service d'ordre de cinq chauffeurs et gardes du corps expérimentés et de la célèbre Mercédès ultraperfectionnaie pour les VIP, plus chère qu'une rolls Royce. Grâce à la protection de la France qui me procura un ordre de mission officiel et de la Russie qui aplanit toutes les formalités de visa, ce qui eût demandé des semaines, voire des mois d'attente, fut réalisé en une semaine.
Ma soeur était terrorisée à l'idée d'avoir de graves problèmes au tympans car elle ne prend pas l'avion depuis dix ans de peur de devenir sourde. En France elle fut traitée avec désinvolture. En Suisse à Nyon, elle bénéficia de l'examen autrement approfondi du Dr.Dermi qui lui donna une médication efficace. Par ailleurs le jet privé qu'on mit à notre disposition négocia les descentes avec beaucoup de douceur et de lenteur, ce que les avions de lignes ne peuvent se permettre. Ainsi que je l'ai dit, nous fumes pris en charge par PATRICK qui ne nous lâcha plus pendant les voyages et notre séjour. Marina fut surprise de l'amabilité du personnel du Bourget, et de la serviabilité de l'hôtesse mise à notre disposition. Elle connaissait tous les trucs pour éviter les douleurs aux tympans. Notamment dans la montée jusqu'à 10 000 m et la descente à partir de 10 000m elle collait contre les deux oreilles deux gobelets contenant des serviettes d'eau bouillante.
Lors de ma dernière opération à Villejuif où je fus admirablement traîté par le Dr. Debaere, un des meilleurs praticiens de France, je sortis indemne de toute douleur due à l'opération, mais perclus de douleur dans le bas du dos. Les garçons qui me transbahutaient d'un lit à l'autre ressemblaient à des garçons bouchers, et en avaient la délicatesse. Il me jetèrent sans ménagement d'un plan à l'autre comme ils l'auraient fait d'un quartier de boeuf, ou d'un sac de pommes de terre. J'arrivai à moitié paralysé à San Remo, ou une excellente masseuse me guérit en diux séances douces d'une heure chacune. En revenant à Divonne je commis des imprudences en forçant sur le kilométrage en descente et me retrouvai avec des douleurs musculaires, à la hanche cette fois. Hélas je fus soigné par un ostéopathe compétent, et quelque peu cuistre, qui empira notablement la situation. La deuxième séance fut pire que la première et je marchai courbé comme un vieillard. C'est ainsi que la veille de mon départ je glissai de ma baignoire et attrappai une telle douleur que je me demandai s'il était bien prudent de partir à Moscou. Mais j'avais un ordre de mission officiel côté français et la protection de mon fils adoptif M*** devenu une des personnages les plus puissants du pays. Je ne pouvais me dérober.Hélas en dépit desinjections antidouleurs intraveineuses et d'antiinflammatoires puissant, Jeudi la douleur crût à tel point, que je passai ma journée à hurler comme une bête blessée. J'était entouré par les medecins particuliers de M*** et O*** et même d'un masseur qu'ils avaient fait venir de 100 km de Moscou mais qui se révéla impuissant. Enfin la douleur diminua mais je dus me promener dans un fauteuil pour handicapés que je ne quittai plus depuis.
LE SÉJOUR
Pendant que je me morfondai dans ma chaise roulante, Marina très active visita de fond en comble le Kermlin et les bâtiments anciens qui le bordent et sous la conduite de Tatiana, omniprésente, evoyée par O*** une messe grandiose, où elle faillit étouffer sous la masse des fidèles. Christianisme pas mort. La veille sur ordres de O*** Tatiana m'emmena chez Hermès pour l'acheteer un manteau, Jean Maire ayant entre autres choses, oublié ma parka. Elle en profita pour y joindre pour le rendre présentable au dîner offert par M*** chez lui où il avait invité sa famille, une cravate, un cache-col assorti, un pullover, et ... une paire de pantalons.J'était comme dans une bulle, mais elle insista pour me faire essayer plusieurs paires, ce qui me causa d'horribles douleurs à la jambe gauche. En revenant je fus saisi d'affreuses douleurs qui me forcèrent à décliner l'invitation de M*** à venir chez lui. Il devait m'envoyer une voiture avec gyrophares, mais c'était impossible, je souffrais trop. Ce fut lui qui vint dîner avec sa charmante soeur à l'Hôtel. Ne le vîmes ainsi tous les soirs et il fut d'une sollicitude digne d'un fils. Le lendemain je fus saisi des grandes douleurs et ce fut le plus affreux jour de ma vie. Je souffrai bien plus avec les radiofréquences, mais j'étaits en France à l'Hôpital Cochin, mon second foyer en quelque sorte. Et on s'y attendait. Cet affreux Jeudi on ne savait à quoi attribuer ces douleurs qui résistaient à tout traîtement; avec des médecins sans doute compétents mais ne parlant que russe, et hors de mon pays. Comble de malheur, on laissa Marina me voir, et elle fut totalement affolée. des snobs le recommandèrent chaleureusement l'Hôtel Metropole comme le plus anciens et le plus sélect de la ville. Je trouvai une gigantesque bâtisse emplie d'un labyrinthe de couloirs vides et avec dans toutes les chambres un bruit de ronronnement insupportable de moteur. Ma soeur choisit la chambre qui m'était réservée comme étant plus silencieuse mais à la salle de bains conçue pour des handicapés.
IMPRESSIONS DE LA VILLE
Le gigantisme prévaut. De l'aéroport au centre moderne de la ville où se dresse, stalinien, le bureau de Poutine, les bâtiments de vingt étages, massifs et ornés de clochetons et motifs étranges; se succèdent. Les trottoirs sont vides, la route interminable. On ne se croirait pas dans une ville mais dans un cauchemar. Tout change lorsqu'on se trouve dans la vieille ville, des bâtiments géants hérissés de symboles; aux colonnes de l'épaisseur d'une fenêtre, et des maisons de toutes les couleurs pastel : vert clair, jaune, blanc, rose brique adoucie. Enfin nour voisi au Metropole à côté du Blshoï et de l'immense centre commercial de style orientaliste, où se pressent Bottega Veneta, Gucci, Chloe, Armani, ou Prada. Bien plus loi et à l'écart la boutique Hermès très mal achalandée et inférieure à celle de Deauville.
Au détour, un éblouissement :le Kermlin. Le peu que j'en ai vu justifie le voyage et donne raison à Marina. La Maison Blanche, l'Elysée, les Gratte-ciel de New York semblent malingres et minuscules à côté de cette ville de brique rouges hérissées de coupoles dorées et de bâtiments et cathédrales multicolores, vives et irréalistes comme des dessins animés. J'aurais voulu prendre des photos, mais j'était trop malade pour le faire, et je ne le regrette pas, car aucune photo ne saurait transmettre le rayonnement onirique de ce monument unique au monde. Rien de comparable. Je suppose que ceux qui ont visité Angkör ont du subir une influence analogue.
Toujours pas de monde dans les rues, et seulement des russes à l'exception de jeunes qui se prélassaient sur une terrasse donnant sur le Kremlin, à proximité d'une baraque-bar. Cela avait un air vaguement sinistre renforcé par le nombre et la sévérité des agents de police qui vous dévisagent d'un air méfiant,prêtes à vous envoyer en prison pour une simple infraction. Je pus ainsi sentir physiquement l'inflluence de M*** parle respect des explication de son chauffeur aux agents qui lui permit de garer sans problèmes devant les magasins. La voiture officielle aux petits rideaux froncés et tirés pour respecter l'intimité des personnalités dut jouer un rôle.
Poliakoff Senior me déclara à plusieurs reprises que je faisais partie de sa famille et que j'avais le droit de sermonner comme un grand père, mon "petit fils" Axel. Il me dit aussi qu'il possédait les immeubles de la place rouge face au Kremlin, les plus chers de la planète. J'imaginais à quelque immeuble comparable aux jardins de l'avenue Gabriel face à l'Elysée, ou, de l'autre côté, à Attila fleau des rats fac à l'Elysée.
Or les immeubles en question n'ont rien à voir avec ces petites choses. Imaginez plutôt des enfilades interminables d'immenses palais de style orientalisant percés de voutes d'entrée de grande hauteur et vous écrasant de leur masse. je compris alors concrètement la puissance et la richesse du Poliakoff dont la dynastie fit une partie de l'histoire de ce grand pays, et aujourd'hui soutenue par l'Eglise Orthoidoxe, principal courant fédérateur du pays. Je ressentis alors la folie de croire aux paroles affectueuses de l'un, des,promesses de l'autres, qui n'étaient qu'un pourboire verbal servi aux percepteurs et aux domestiques. Et je crus à cette folie : moi, faire partie de la famille illustre et respectée des Poliakoff! Et jouer les susceptibles parce que le jeune homme que j'avais formé m'avait rejeté et me l'avait dit une nuit. On me dit : il est trop jeune, il mûrira. Mains non, il savait tenir ses distances et s'était lassé de cet initiateur qui l'agaçait avec ses reproches mal venus.
Un vertige me saisit alors dans cette ville d'une puissance écrasante, gigantesque comme les oligarques qui la soutiennent. Que peuvent-ils trouver à un petit professeur à la retraïte ? Certes je les aime et je rendis des services, le joru même de mes grandes douleurs, j'étouffai ma souffrance pour militer en leur faveur auprès d'une haute personnalité de l'Etat. Je me sens à jamais débiteur de leur bonté. L'un d'eux me dit alors que j'avais échouée : tant mieux comme cela vous saurez que je ne vous ai pas fréquenté pour vous manipuler, il n'y a plus de questions di'ntérêt entre nous, vous le constaterez. Et il tint parole. Une autre fois, comme je lui disais que je n'étais pas important et que j'étais à leur service,il me répondit, chez nous le fils obéit au père, et vous êtes notre père à O*** et à moi. C'est nous qui vous obéissons; et il tint parole. il se rapporcha de O*** et cela me donna une grande paix intérieure. Cela restaura ma dignité perdue avec les Poliakoff, ce mois de Juillet.
RETOUR ET CATASTROPHE
Marina avait été terrorisée de me voir dans cet état Jeudi et nous décidâmes de partir le 28 au lieu du 29 comme prévu. Un quart d'heure avant le départ elle sortit de sa baignoire et surprise par les proportions inusuelles des dispositifs pour handicapés elle tomba et se brisa gravement l'épaule. C'est ainsi que deux handicapés retournèrent à Paris, reçus par les sapeurs pompiers puis à l'Hôpital américain où on diagnostiqua une sérieuse fracture de l'humérus. Aujourd'hui, elle souffre atrocément, son bras est paralysé et, elle, si vive et si active, condamnée à une vie perilleuse. Demain, je pars à Cochin pour des analyses de mes douleurs inexplicables à la jambe, et nous voici séparés l'un de l'autre
Une consolation : O*** veut que Marina me succède au Musée du Mingei et Philippe Boudin la forme d'une manière magistrale. Il a trouvé pour notre collection des pièces dignes des plus grands chefs d'oeuvre du Japon, et surclassant nettementpar leur rareté et leur qualité, bien des pièces de la collection Montgomery. Je voudrais bien survivre assez longtemps pour écrire le catalogue de la nouvelle collection qui devrait mériter le nom de Western Mingei-Kan. Nous avons décidé d'acheter une chef d'oeuvre : un bouddha la main levée sculpté début Edo par un moine itinérant célèbre, dont il n'existe aucun exemplaire dans des collections privées occidentales. Mais il faut encore se procurer le droit de l'exporter du Japon, et nous sommes très respectueux des legislations en vigueur. L'autre pièce importante est une incroyable costume en daim ciselé d'un grand Seigneur, complet des chaussures aux gants et à la coiffure. Rien de comparable n'a été vu en occident. Mais ceci est une autre histoire.
Marina trouve que je ne devrais pas ainsi de vous informer de tels détails de notre vie, d'autres au contraire approuvent. J'ai décidé de m'ouvrir à vous en respectant toutefois l'anonymat des personnages. On ne peut raconter les choses à demi.
Je suis content de cette confidence. Il est 1h37 et demain je pars à 8heures pour Cochin, pleun de confiance dans ceux qui m'ont donné leur amour et à qui j'ai donné le mien, un jeu win win, dernier message avant une semaine pleine de périls et de vissicitudes.
Votre Bruno Lussato.