Tuesday, 14 July 2009
CHRONIQUE
JOUR DE SANG
Lorsque je demeurais au dernier étage du Rond Point des Champs-Elysées, toutes mes relations ambitionnaient de voir le défilé du 14 juillet de mon balcon... Le dernier était particulièrement fastueux et je prévoyais ce jour-là une audition du Requiem de Mozart dirigé par Joseph Krips, aux Capucins. Sefit alors un partage des eaux. Les gens que j'estimais et qui étaient de mon bord, se retrouvèrent aux Capucins pour commémorer ce jour de deuil national, où les prémisses sanglantes de ce qu'il annonçait était, avec la Saint Barthélémy et les massacres nazis justiciable de la formule d'André Malraux : "Ce jour-là l'homme donna des leçons à l'enfer". Les autres me remercièrent chaleureusement pour leur avoir permis d'assister à la liesse populaire. Ils appartenaient à un système de valeur que je comprenais fort bien mais que je ne partageais point.
En 1989, toute une école d'historiens professionnels et courageux, François Furet entre autres, s'attaquèrent au mythe tout puissant, pour essayer, derrière les concrétions accumulées d'ignorance et de mauvaise foi, de découvrir ce qui restait de réalité, puis de comprendre à partir de ces vestiges, ce qui avait pu engendrer une des grandes abérrations de l'histoire. Je veux bien que celle-ci soit forgée par les vaiqueurs, mais imagine-t-on aujourd'hui que la population allemande toute entière, commémore, ou laisse commémorer, l'avènement de Hitler ou la Nuit des grands couteaux?
Pour faire court, ce que l'on découvrit, et qui fut d'ailleurs largement diffusé et compris par érudits et classe dominante, ce fut que la réalité avait été outrageusement déformée, que ce soit par les révolutionnaires, ou par les romantiques, par Taine ou par Michelet. Et la falsification répétée à des millions d'élèves, au cours des générations, renforcée par le jour honteux promu comme un au fait, finit par devenir vérité, selon une des lois fondamentales de la désinformation.
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PETITE CHRONIQUE
J’ai eu le plaisir et la surprise de recevoir ce 14 juillet, la visite de Tatiana, qui venue de Moscou, reprend l’avion pour Moscou le 15 à 15heures. Celle que je considère un peu comme ma fille adoptive fut très contente de rencontrer les Russes dont Marina a fait la connaissance. Elle c’est une Tatiana, la grâce faite femme, rayonnante de joie et de douceur, et parlant l’italien ce qui assure un lien, car son mari, un brave homme à la voix superbe, ne parle que le russe. Tatiana (la mienne) était toute heureuse de rencontrer un compatriote et ils ont commencé à se parler avec beaucoup d’animation. Se vérifie l’adage : un Russe + un Russe = la Russie.
Je me suis fait photographier entre mes deux Tatiana. Quel joli nom ! Je me dis que si au cours de mon existence j’avais connu une de ces créatures de rêve, mon rêve eût pleinement été réalisé : tomber amoureux ! Mais Marina me ramena sur terre : elle n’aurait pas voulu de toi. Les femmes veulent un homme protecteur, qui s’intéresse à elles, qui aime se divertir … Le contraire de ce que tu es : égocentrique, enfermé dans ton univers, orienté vers ton travail, un intellectuel, quoi !
Elle a certainement raison. Mais cela fait mal. Et puis elle oublie un fait déterminant. Lorsque j’étais jeune, Staline et ses successeurs étaient au pouvoir. Les femmes russes étaient de grosses bonnes femmes aux souliers plats, habillées d’une espèce d’uniforme que récuserait une SDF, sans grâce ni intérêt. La libéralisation a transformé la race et une nouvelle génération de créatures merveilleuse en est sortie, comme le papillon sort de la larve écœurante.
Là où est Tatiana, Oleg n’est jamais loin. J’espère l’avoir au téléphone pour lui demander de faire un nouvel effort pour les merveilleux mingei que Boudin a vu au Japon.
Bruno Lussato 14 juillet à minuit, 15 juillet à 8h30
JOUR DE SANG (suite)
Les thuriféraires de toute obédience de la Révolution Française et de son moment crucial : la prise de la Bastille en fut, ont donné deux interprétations pour justifier ce haut fait, l’une symbolique et idéologique, l’autre factuelle. Les deux se sont vérifiées en 1989 de véritables falsifications.
La désinformation idéologique.
La prise de la Bastille est un acte hautement symbolique qui représente l’odieux arbitraire de l’ancien régime et la terreur qui régnait dans cet espèce de Buchenwald avant la lettre. Toutes sortes de légendes et de rumeurs, s’attachaient à ce lieu, précédant et de loin 1 789 : l’emprisonnement de l’homme au masque de fer, des cachots où l’on torturait, où en quelques sorte on enterrait les opposants éclairés au régime, les combattants de la cause du peuple, sur des décisions arbitraires, les fameuses lettres de cachet. Il y avait là la terreur que suscite la tour de Londres vues par Shakespeare, et qui atteint son apogée avec le monstre par excellence : le roi Richard III, le barbe bleue qui n’hésita pas à faire étouffer les adorables enfantelets d’Edouard, comme le montre un tableau d’un pompier qui encore naguère figurait dans le petit Larousse illustré. Pour prendre un exemple contemporain, il s’attachait à la Bastille la réputation douteuse de Guantanamo.
Le problème est que tout ceci est radicalement faux et que le symbole repose sur des racontars, ou pire des fraudes habilement orchestrées. La plupart des embastillés étaient des escrocs, des criminels, des fanatiques dangereux. C’était d’ailleurs le cas des soi-disant victimes libérées le 14 juillet 1789 par des révolutionnaires, qui n’eurent rien de plus pressé que d’en expédier en prison ! Les légendes de l’homme au masque de fer , de la cruauté réservée au Marquis de Sade, ne sont que des légendes fabriquées par l’hubris populacier. De même la légende devient désinformation pure chez Shakespeare. La romancière Josephine Tee dans « The daughter of time » (la fille du temps, c’est à dire la vérité) met sous forme d’un policier ce que les historiens ont révélé. Le roi Richard III était un homme intègre, libéral, ayant une haute conscience du bien de l’Etat. Il fut victime d’Henri VII, un personnage infect, avare, spoliateur, sans scrupules, menteur et tueur. Mais voilà. Henri VII était le père de Henri VIII, le redoutable Barbe Bleue : colérique, glouton, esclave d’impulsions sexuelles non maîtrisées, lui même père de la grande Elisabeth, qui soutenait le poète-dramaturge. Ce dernier fit taire ses scrupules pour sauver sa situation et fut le principal agent de désinformation en faveur des Tudor.
La désinformation factuelle
Elle concerne les évènements qui eurent lieu le 14 juillet 1789 à la Bastille. On en retient l’image flatteuse d’un bastion pris de haute lutte par de courageux résistants issus du peuple et désarmés, contre les puissantes forces de la réaction, armées jusqu’au dents.
Ce fut le contraire qui se passa. Pour faire court, disons que tous les assiégés acceptèrent de se rendre à condition qu’ils ne seraient pas inquiétés et qu’ils auraient la vie sauve. Les représentants du peuple leur donnèrent cette assurance, après quoi ils n’eurent rien de plus pressé que de massacrer les Suisses désarmés, et la plupart des assiégés, dont leur chef, De Luynes, dont la tête fut lentement décapitée par un garçon boucher qui utilisa pour cela un petit couteau. Ce ne fut que le début de l’horreur qui entacha la Révolution Française et qui ne prit fin que par son rejet par Napoléon Buonaparte qui lui donna une conclusion qui en dit long sur l’efficacité des crimes commis par la populace fanatisée par des misérables. Au Royaume succéda l’Empire ! Un empereur autrement volontaire suivit le roi démocrate et faible.
Evidemment, le paradigme de la révolution manquée est exporté aujourd’hui partout dans le monde, mais a évacué heureusement l’Europe occidentale.
On ne saurait jamais suffisamment insister sur le fait que ces horreurs furent rêvées par des intellectuels souvent autoproclamés. Dans le cas de la Prise de la Bastille, ce fut le triptyque impossible qui anima le levain sanglant : LIBERTÉ –ÉGALITÉ – FRATERNITÉ.
N’importe que être doté d’un minimum de jugeote, comprendrait que Liberté et égalité, sont rigoureusement antinomique, et le le mot fraternité n’est qu’un formule creuse. So nous sommes tous frères, nous ne sommes frères de personne ! Mais la formule a été soutenue par des êtres à qui manquait la jugeote. Seuls des intellectuels pouvaient pondre une telle aberration, et cédant à la mégalomanie, ils revendiquèrent pour eux « les lumières ». Tout ce qui était ailleurs ou avant, était de ce fait classé dans l’obscurantisme.
Vive le 14 juillet, jour de liesse !
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