CHRONIQUE
OECUMENISME
Ce billet est issu de la redistribution de la fin du billet précédent.
NOTE IMPORTANTE
Si vous n'avez pas pu avoir accès à mon blog, ce n'est pas parce que je suis malade, c'est mon serveur qui l'est. Il fonctionne par intermittence et il faut se dépêcher pour enregistrer les textes écrits en word. Demain on essaiera de contacter les responsables.
La réaction de quelques amis à l’annonce de ma conversion à l’Eglise orthodoxe, a été la stupéfaction, d’autant plus qu’ils ne soupçonnaient pas chez moi, l’existence d’une préoccupation d’ordre religieux. Cette réaction sera amplifiée par le billet « re-naissance » et je ressens le devoir et le désir de m’en expliquer.
Depuis bien des années, tous les Noëls (comme les jours de l’an), mon fils les passe dans la très catholique Pologne, lui même pratiquant. Jamais il n’a éprouvé le désir de passer un seul Noël avec ma sœur et moi, seuls au monde. Nous prîmes alors l’habitude de trouver du réconfort à l’Eglise Episcopale de l’Avenue Georges V à Paris. Comme son nom ne l’indique pas, il s’agit d’un lieu œcuménique, ouvert à tous les croyants chrétiens : catholiques, protestants, anglicans etc. L’ambiance de ce saint lieu est à la fois familier, chaleureux et recueilli, et les hymnes sont magnifiques. L’assistance est composée d’employés des ambassades des Etats-Unis, du Royaume Uni, de Québec, d’Australie, et des pays du Nord. On peut y ajouter des dirigeants des filiales parisiennes de puissantes multinationales. Il participent à la messe, chantent les hymnes indiqués par des panneaux mobiles affichés sur les côtés. Mais les deux moments qui me frappèrent le plus furent le processionnal qui ouvre la messe et le récessionnal qui le ferme. Les enfants de chœur portant de grands chandeliers et suivis par les officiants, et l’évêque portant la Croix, font leur entrée, puis leur sortie sur des hymnes répétitifs, fortement scandés sur un rythme de marche et traversant toute la cathédrale par l’allée principale. Ils sortent de même symétriquement.
Le sentiment du sacré m’a été infusé par les deux grands compositeurs, J.S. Bach avec sa Messe en Si, Beethoven avec la Missa Solemnis. L’œcuménisme est révélé par le fait paradoxal que le protestant de la Messe en Si a suivi le texte catholique (je crois en… la Sainte Eglise chrétienne, une et apostolique) alors que le catholique Beethoven a fait une œuvre protestante ! Quelle importance.
Il convient de ne pas perdre de vue que la première église a été juive, et conformément à la Volonté du Christ, fondée par Pierre, la première pièce de l’édifice. S’ensuivirent la reconnaissance de la Sainte Vierge Marie, de la conception immaculée, et des Saints. Cette église a été bâtie avec la croyance des apôtres juifs. La seule différence entre la religion juive et la religion chrétienne, est que les uns attendent toujours un Messie, qui pour les catholiques a été ressuscité. Pour les Chrétiens de Constantinople, plus encore que le martyre et la crucifixion, la résurrection et l’avènement de la victoire du Bien sur le Mal sont importants. Et voici que pour des raisons politiques, Rome voulant surclasser Constantinople, il y eut une opposition au début mineure, mais par la suite qui aboutissant au Concile de Nicée, ne cessa de s’affirmer. La faille devint crevasse, puis abîme. La forme originale de l’Eglise, avec l’affirmation de la séparation de l’Eglise et l’Etat, Dieu et César, persiste aujourd’hui encore, orientée sur la jubilation et l’espoir. L’appeler orthodoxe est un pléonasme. L’Eglise perpétuée telle qu’elle fut fondée, est forcément orthodoxe. Les autres formes et avatars furent le catholicisme et la dissidence luthérienne, calviniste, anglicane… Les mobiles de telles évolutions furent avant tout politiques et économique. Les princes allemands en avaient assez de payer de riches tributs à Rome. L’église anglicane naquit de la sensualité de Henri VIII qui voulait divorcer de Catherine d’Aragon, pour épouser Ann Boleyn, plus jeune, plus désirable et qui n’hésita pas pour cela de divorcer du même coup de Rome tout en s’appropriant des biens du clergé.
En opposition radicale avec l’Eglise Orthodoxe, l’Eglise apostolique romaine, mit l’accent sur la crucifixion et le martyre, faisant de la souffrance elle-même une vertu salvatrice. Il s’ensuivit un culte morbide de l’auto flagellation, qui combinée à des soubassements sexuels à peine déguisés peut nous paraître aujourd’hui répugnant.
Néanmoins il faut prendre ces considérations avec prudence. Alfred de Vigny proclamait que les chants désespérés sont les chants les plus beaux. Il est certain que dans les grandes œuvres musicales, les moments les plus émouvants, sont les plus pathétiques, les plus dramatiques, les plus tragiques. La crucifixion, les persécutions, la terreur de là mort, portent au questionnement, et ce que l’on peut reprocher à l’orthodoxie post byzantine, est son manque d’expression, une certaine raideur, la suppression de l’individualité avec ses faiblesses.
Toutes ces réflexions vous permettront de comprendre que tout en étant orthodoxe, je n’entends pas sacrifier le moins du monde ma foi de catholique, de protestant, et ni le messages mystérieux et visionnaires qui proviennent de l’influence de Moshe Hayyim Luzzatto, ce mystérieux ancêtre.
Toutefois il y a un autre facteur qui pesa dans ma détermination. Ce fut Misha qui me le fit découvrir. Misha n’est pas religieux et encore moins pratiquant, mais il fut touché par ma décision. Car pour lui elle exprimait mon désir d’appartenance à de que l’âme russe a de plus profond. Ceci d’autant plus que tout a été l’œuvre de Tatiana, sans laquelle jamais je n’aurais trouvé les contacts, l’énergie, l’organisation indispensables pour ce baptême. Plus que d’apprendre le Russe, devenir, à mon âge et affrontant des périls sérieux, orthodoxe est une preuve d’attachement pour le pays qui m’a donné les affections, l’amour, le plus profond que j’aie connu dans toute mon existence.
Bruno Lussato. Ce 20 juin à minuit.