CHRONIQUE
REBIRTH - Re-naissance
Aujourd’hui 18 juin 2009, j’ai été baptisé selon les rites orthodoxes. Avoir embrassé la religion orthodoxe est une démarche qui n’a rien de spontané. En fait elle a été préparée lors de mes 35 ans, lorsque dans le plus grand secret j’ai commencé à écrire L’Entretien, Apocalypsis cum Figuris. Ce travail n’est apparu au jour que lorsque la Bibliothèque Nationale de France a été alertée par quelques calligraphes et a envoyé toute une équipe pour étudier le document. A l’issue de l’étude, la décision a été prise de déclarer ce manuscrit à peintures, comme partie du patrimoine de notre pays et de l’admettre dans la salle des manuscrits anciens, insigne honneur qui m’est fait avec comme contrepartie, le très grande difficulté d’accès à cette salle (gants blancs, masque de protection, garanties de compétence, etc.). Il faut des semaines de démarches pour tenir en main ces précieux manuscrits, des livres d’heures médiévaux, aux pages minutieusement tracées de Proust.
L’Entretien fut entrepris deux ans avant qu’un rabbin nommé Cohen déclara représenter un groupe de spécialistes de la cabale et que ces derniers eurent la révélation que j’étais dépositaire de de la pensée du plus grand des cabalistes : Moshe Hayyim Luzzatto. Deux années de suite je déclinai leur proposition d’apprendre l’hébreu pour poursuivre le travail de Luzzatto. Je ne me rendis compte que des décennies après que sans le savoir j’étais en train de dresser un schéma formalisé des forces et des doctrines du monde actuel, ce qu’aurait fait sans doute Hayyim s’il avait vécu aujourd’hui. Comme Luzzatto de son temps, notre époque l’aurait chassé, vilipendé, haï, moqué. Ce n’est que voici quelques années que l’on découvrit que j’étais en fait un descendant du grand cabaliste, de même que par ma mère, une Donati, j’étais lié à Dante, dont la femme était une Donati.
Mon manuscrit à peinture, devait être construit selon un triptyque avec l’enfer, le purgatoire et le paradis. L’enfer est fini d’écrire, j’en suis au purgatoire. Depuis l’inspiration a baissé et on désespérait d’éditer l’ouvrage, quand tout cela démarra aujourd’hui avec mon nouveau baptême. Alors que je suis un chrétien convaincu par le truchement de Bach, Mozart et Beethoven réunis, je remis en doute l’attitude rigide d’envoyés du pape. Deux exemples :
Ma femme se mourait mangée par le cancer et laissant mon fils de 14 ans, Pierre, orphelin.
Elle regretta toujours de ne pouvoir rentrer dans le sein de l’Eglise, étant divorcée à cause d’un amant qui la dupait. J’en parlai au supérieur de l’ordre des dominicains.
Ce dernier m’enjoignit de quitter ma femme, divorcée, et me détacher de l‘orphelin.
L’autre cas, est la décision du présent pape, d’excommunier une pauvre femme violée et son enfant sans toucher au violeur. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Jamais Jean-Paul II n’eut pris une décision aussi impopulaire.
Les raisons qui me firent opter pour la religion chrétienne furent les suivantes :
1. Lorsque le concile de Nicée, il eut un schisme. Sous l’influence du Vatican, on dut opter soit pour la reconduction de la religion initiée par le juif Pierre, au nom de la bible certes ; soit pour la nouvelle religion composée pour des raisons politiques. Je fus hostile à cette trahison des Ecritures.
2. La religion catholique met l’accent sur la douleur, le martyre, la sainteté des châtiments corporels, alors que la religion orthodoxe est tournée vers la résurrection.
PRÉCISIONS
La réaction de quelques amis à l’annonce de ma conversion à l’Eglise orthodoxe, a été la stupéfaction, d’autant plus qu’ils ne soupçonnaient pas chez moi, l’existence d’une préoccupation d’ordre religieux. Cette réaction sera amplifiée par le billet « re-naissance » et je ressens le devoir et le désir de m’en expliquer.
Depuis bien des années, tous les Noëls (comme les jours de l’an), mon fils les passe dans la très catholique Pologne, lui même pratiquant. Jamais il n’a éprouvé le désir de passer un seul Noël avec ma sœur et moi, seuls au monde. Nous prîmes alors l’habitude de trouver du réconfort à l’Eglise Episcopale de l’Avenue Georges V à Paris. Comme son nom ne l’indique pas, il s’agit d’un lieu œcuménique, ouvert à tous les croyants chrétiens : catholiques, protestants, anglicans etc. L’ambiance de ce saint lieu est à la fois familier, chaleureux et recueilli, et les hymnes sont magnifiques. L’assistance est composée d’employés des ambassades des Etats-Unis, du Royaume Uni, de Québec, d’Australie, et des pays du Nord. On peut y ajouter des dirigeants des filiales parisiennes de puissantes multinationales. Il participent à la messe, chantent les hymnes indiqués par des panneaux mobiles affichés sur les côtés. Mais les deux moments qui me frappèrent le plus furent le processionnal qui ouvre la messe et le récessionnal qui le ferme. Les enfants de chœur portant de grands chandeliers et suivis par les officiants, et l’évêque portant la Croix, font leur entrée, puis leur sortie sur des hymnes répétitifs, fortement scandés sur un rythme de marche et traversant toute la cathédrale par l’allée principale. Ils sortent de même symétriquement.
Le sentiment du sacré m’a été infusé par les deux grands compositeurs, J.S. Bach avec sa Messe en Si, Beethoven avec la Missa Solemnis. L’œcuménisme est révélé par le fait paradoxal que le protestant de la Messe en Si a suivi le texte catholique (je crois en… la Sainte Eglise chrétienne, une et apostolique) alors que le catholique Beethoven a fait une œuvre protestante ! Quelle importance.
Il convient de ne pas perdre de vue que la première église a été juive, et conformément à la Volonté du Christ, fondée par Pierre, la première pièce de l’édifice. S’ensuivirent la reconnaissance de la Sainte Vierge Marie, de la conception immaculée, et des Saints. Cette église a été bâtie avec la croyance des apôtres juifs. La seule différence entre la religion juive et la religion chrétienne, est que les uns attendent toujours un Messie, qui pour les catholiques a été ressuscité. Pour les Chrétiens de Constantinople, plus encore que le martyre et la crucifixion, la résurrection et l’avènement de la victoire du Bien sur le Mal sont importants. Et voici que pour des raisons politiques, Rome voulant surclasser Constantinople, il y eut une opposition au début mineure, mais par la suite qui aboutissant au Concile de Nicée, ne cessa de s’affirmer. La faille devint crevasse, puis abîme. La forme originale de l’Eglise, avec l’affirmation de la séparation de l’Eglise et l’Etat, Dieu et César, persiste aujourd’hui encore, orientée sur la jubilation et l’espoir. l’appeler orthodoxe est un pléonasme. L’Eglise perpétuée telle qu’elle fut fondée, est forcément orthodoxe. Les autres formes et avatars furent le catholicisme et la dissidence luthérienne, calviniste, anglicane… Les mobiles de telles évolutions fut avant tout politique et économique. Les princes allemands en avaient assez de payer de riches tributs à Rome. L’église anglicane naquit de la sensualité de Henri VIII qui voulait divorcer de Catherine d’Aragon, pour épouser Ann Boleyn, plus jeune, plus désirable et qui n’hésita pas pour cela de divorcer du même coup de Rome tout en s’appropriant des biens du clergé.
En opposition radicale avec l’Eglise Orthodoxe, l’Eglise apostolique romaine, mit l’accent sur la crucifixion et le martyre, faisant de la souffrance elle-même une vertu salvatrice. Il s’ensuivit un culte morbide de l’autoflagellation, qui combinée à des soubassements sexuels à peine déguisés peut nous paraître aujourd’hui répugnant.
Néanmoins il faut prendre ces considérations avec prudence. Alfred de Vigny proclamait que les chants désespérés sont les chants les plus beaux. Il est certain que dans les grandes œuvres musicales, les moments les plus émouvants, sont les plus pathétiques, les plus dramatiques, les plus tragiques. La crucifixion, les persécutions, la terreur de là mort, portent au questionnement, et ce que l’on peut reprocher à l’orthodoxie post byzantine, est son manque d’expression, une certaine raideur, la suppression de l’individualité avec ses faiblesses.
Toutes ces réflexions vous permettront de comprendre que tout en étant orthodexe, je n’entends pas sacrifier le moins du monde ma foi de catholique, de protestant, et ni le messages mystérieux et visionnaires qui proviennent de l’influence de Moshe Hayyim Luzzatto, ce mystérieux ancêtre.
Toutefois il y a un autre facteur qui pesa dans ma détermination. Ce fut Mischa qui me le fit découvrir. Mischa n’est pas religieux et encore moins pratiquant, mais il fut touché par ma décision. Car pour lui elle exprimait mon désir d’appartenance à de que l’âme russe a de plus profond. Ceci d’autant plus que tout a été l’œuvre de Tatiana, sans laquelle jamais je n’aurais trouvé les contacts, l’énergie, l’organisation indispensables pour ce baptême. Plus que d’apprendre le Russe, devenir, à mon âge et affrontant des périls sérieux, orthodoxe est une preuve d’attachement pour le pays qui m’a donné les affections, l’amour, le plus profond que j’aie connu dans toute mon existence.
Bruno Lussato. Ce 20 juin à minuit.
Voir la couverture photo du baptême dans le corps du billet
COUVERTURE PHOTO
Marina, Ina (une grande amie de Tatiana d'une haute spiritualité) Sandrine.
Tatiana, à gauche, le père Nestor
Bruno Lussato, bouleversé et passant en revue le cheminement qui l'amené à embrasser la religion orhodoxe. Marina, radieuse.
UNE PERSONNALITÉ D'EXCEPTION.