CHRONIQUE
RECTO-VERSO
L’approche spécialisée ne montre que le petit bout de la lorgnette, elle donne une fausse sécurité au spécialiste, et à ceux qui s’y fient bien naïvement. Or la nature – ou disons plutôt le réel – sont un, un indivisible. Le dermatologue qui va me prescrire une crème pour mes démangeaisons, ignore qu’elles sont dues à une dégénérescence des neurones à l’extrémité de la peau La cause en est neurologique, mais elle-même est liée à son tour à une défaillance hépatique…
Edgar Morin, avait une jolie formule, bien dans sa manière : le tout est supérieur aux parties et les parties sont supérieures au tout. Un bon exemple en est la tapisserie. On ne peut la réduire à son carton, d’une pureté louable, ce serait passer sous silence le travail est le choix des fils de couleur et de la laine.
J’ai réfléchi à ce problème lancinant de l’abandon du jeune homme. En vain à cause de ses paradoxes : tantôt semblant affectionné, tantôt totalement indifférent à mon sort.
En suivant mon raisonnement, je compris qu’aux deux faces du comportement du jeune homme correspondent deux niveaux de perception.
Le premier, RECTO, est immédiat et blessant, révoltant même. Le second, VERSO est antinomique et met à jour des rassorts beaucoup plus vastes assortis d’accidents imprévisibles et cumulés.
RECTO
Tous mes amis à l’unisson, mon fils en tête, me dissuadent fermement de re cela m’a semblé évident. Je ne fais qu’aggraver mon humiliation en essayant de le contacter. Je dois faire un lâcher prise.
Et puis, on ne se refait pas lorsqu’on n’a pas envie de se refaire ! . Je ne suis pas homme à quitter le champ de bataille. Je veux savoir pourquoi il se conduit de cette façon. Hier matin j’ai donc envoyé un dernier SMS. A ma grande surprise, il répondit aussitôt et le voici chez moi, une heure plus tard ! . Je me suis alors aperçu qu’il n’avait reçu aucun de SMS jusqu’à aujourd’hui. Je compris que j’avais mal lancé mes SMS, à l’exception d’aujourd’hui, où j’ai pris conscience que ce n’est pas parce que mon portable affichait « envoyé » alors qu’il avait à peine commencé. J’ai alors envoyé correctement le SMS. Il eut réponse à tout avec le plus grand calme.
Il me dit qu’il me croyait à Deauville et qu’ayant contracté une grippe il avait scrupule à me la passer. Son attitude était d’un sang froid total, bien que tendu.
Lorsque je lui demandai « que dois-je dire en haut lieu ? »il me répondit
« -la vérité .
-Mais quelle est la vérité ?
- C’est ce que vous ressentez «
A la fin nous nous expliquâmes et il me sembla heureux que je ne lui tienne pas rigueur. Car je lui déclarai que lorsqu’on aime à ce point, on ne pense pas à son ego, à sa dignité, au qu’on dira-t-on. On redevient humble comme le moineau déplumé qui m’habite.
Il eut alors une réaction qui me stupéfia : lui l’orgueilleux, l’inatteignable, l’intraitable, au moment de me quitter, me saisit affectueusement par les épaules et me fit un hug. Son visage était radieux et souriant et il paraissait content de m’avoir revu, et de la manière dont je réagis.
VERSO
Ce fut une série de coïncidences qui nous conduisit à un tel éloignement. Bien. Il est sûr qu’il aurait dû me donner de ses nouvelles, et prendre des miennes ; et j’essaie de lui trouver des excuses. Je donne ainsi raison aux sceptiques qui me disent que ce jeu durera toujours. Les montagnes russes : tantôt il est odieux, tantôt le voici changé… Et je tombe à chaque fois dans le panneau !