CHRONIQUE
Suite et fin de Pinball
La description de Kosinski sur l'accueil triomphal réservé dans les mass média à la triomphatrice du concours de Varsovie, me laisse perplexe. En effet tous ces concours n'intéressent que les magazines spécialisés et du point de vue médiatique sont tout simplement des non-évènements. Penser que les chaînes de télévision, la grande presse, accorde à la musique classique la même place que le festival de Cannes, la remise d'un Oscar, ou un concours de formules I me paraît tout simplement grotesque. A mon avis Kosinski tombe ici dans la romance et le kitsch. Ce n'est certes qu'une réaction et en lisant plus attentivement le texte, je trouverai la clé de cette invraisemblance.
Aujourd'hui il a fait un temps radieux à Deauville, et j'ai à nouveau joui de mon jardin. Mais les heures heureuses ont été assombries par la santé de Marina, dont la solitude totale lui pèse, elle qui était si heureuse et courtisée dans sa jeunesse, puis avec un mari qu'elle adorait.
Christa mon épouse, qui lui était inexplicablement hostile, et la fit beaucoup souffrir, changea la dernière année de sa vie. Elle comprit tout le mal qu'elle avait causé, minée par la souffrance, lucide sans se plaindre étonnée par mon amour. Son visage embellit, comme d'un enfant au regard naïf et émerveillé. Pour en revenir au rôle des personnages de Kosinski qui se jurent une fidélité d'une éternité modérée, je dois constituer une exception, car jamais il ne me vint à l'esprit de me remarier, ni d'avoir une liaison quelconque. Le souvenir de la chère disparue emplit encore mon coeur d'un chagrin irrépressible, mais sans le sentiment de culpabilité qui empoisonne encore aujourd'hui mes jours finissants.
Malgré que j'en aie, m'en voulant à mort, je ne parviens pas de me défaire de la profonde affection qui me lie au jeune homme. Il sera demain à Paris, et rien ne s'oppose à ce qu'il me parle, mais il ne le fera pas, en dépit de son intérêt immédiat, car je lui suis plus utile qu'il ne le pense, et il est en mon pouvoir de lui nuire sérieusement. Mais jamais cela n'arrivera car c'est cela l'affection : vous assumez les vilenies et le malheur de l'être cher. Rappelez vous l'amour touchant que le fils Jimmy Osten, porte à Gerhard Olsen son père, envers et contre tout. Mon fils a passé deux jours sur la Côte d'Azur, invité par Victor Pugachev, le successeur légitime de la dynastie illustre des Pugachev. Ils devaient aujourd'hui assister à la remise d'un prix à la Kosinski : celui d'une course de formule I.
Il est 4h15 du matin et il est temps de songer à dormir. Bonne nuit. Votre
Bruno Lussato.