CHRONIQUE
Premiers balbutiements sur Apple Me voici à Deauville depuis hier. Le temps est radieux et je me remets, après la folie des grands restaurants à des mets plus simples, qui sont les bienvenus. Hier soir : jambon de Paris tranché très fin par le meilleur boucher de la ville balnéaire, des pommes de terre provenant d'un spécialiste de luxe, ruineux, en attendant d'aller aujourd'hui au marché. Des pommes de terre bien chaude que l'on trempe dans un peu de sel (sel de potassium dans mon cas) quoi de meilleur avec un oeuf à la coque bien frais et quelques petits poissons pêchés cette nuit et assaisonnés d'huile d'olive vierge pressée à froid? Non, mon horizon ne s'est pas limité à ces considérations gatronomiquement diététiques ! Ma nuit et une bonne partie de la journée d'hier m'ont permis de lire attentivement "pinball" de mon écrivain préféré : Jerzy Kozinski. Cet ouvrage, dont la première partie est ardue et la seconde concise et d'un simplicité kosinskienne, me fascine d'autant plus, qu'il traite de l'opposition entre le pop et la musique classique, la rigueur d'un certain Gerhard Osten qui considère Chopin comme un amateur et celle de son fils qui, en cachette et dans un incognito total pond des hits signé Goddard, qui sont les premiers du classement et le plus grand succès commercial. Le père Osten, croit que son fils est un professeur de littérature, et il est bien loin de se douter que caché dans un retraite de San Diego, il élabore éléctroniquement ses succès. Un des thèmes du livre, qui me touche personnellement, traite de l'amour infini que Jimmy Osten porte à son père Gerhard et dont celui-ci est bien loin de mesurer l'étendue. Gerhard est très fier de la maison "Etudes" qu'il dirige et qui est dévoué à la cause des jeunes compositeurs classiques. Ce qu'il ignore en revanche est que la firme qui le subventionne appartient à Goddard non fictif de son fils. Ce dernier, par pudeur lui laisse croire que cette subvention est due à son talent, qui d'ailleurs est réel. Mais la musique classique contemporaine ne se vend guère alors que le pop rapporte des tombereaux d'argent qui financent à l'insu du vieux sa firme ! Une des causes secondaires de l'admiration que Jimmy Osten porte à son père, est la fidélité que ce dernier porte au souvenir de sa chère épouse, une femme exceptionnelle, et sa rigueur morale et intellectuelle. Qu'on imagine son embarras et son chagrin, lorsque son modèle d'austère grandeur tombe amoureux d'un polonaise mi/russe, pulpeuse créature qui devine le sac d'agent à pomper. Elle lui fait croire qu'il est un excellent amant, au contraire de Goethe qui ne se remit pas du rejet, lorsqu'il avait 75 ans d"une jeune fille de 17 ans ! Il se tourna alors vers le second Faust, son chef-d'oeuvre. Avec la nouvelle pépée, rien de tel, et elle prend le vieillard par le sexe. Ce dernier l'épouse et explique à son fils qu'il a enfin trouvé le grand amour. Plus tard sa nouvelle femme le ruine en folles dépenses, et Gerhard Osten signifie à son fils , dont il ignore la seconde vie, qu'il ne pourra plus l'entretenir et qu'il laissera tous ses biens à la russo-polonaise. Un instant, Jimmy envisage de lui couper les vivres. Le voyant acculé à la banqueroute, la femme fuira celui qui n'est qu'un sac de ruine physique, ainsi son père lui reviendra plus sage et plus aimant. Puis il renonce à son projet de peur que Gerhard se suicide ou succombe à une crise cardiaque en apprenant la vérité. Il laisse faire. Dans mon entourage proche je connais ainsi un jeune homme d'une force et d'une intelligence exceptionnelle. Cet homme glacial, soutient les affaires de son père et les mène vers le succès, son père qu'il adore au delà de toute expression. J'ai vu son regard d'adoration lorsqu'il était en sa présence. Il rayonnait de bonheur, et il existait entre père et fils une complicité touchante, un engagement à toute épreuve. Et voilà que soudain le père succombe au charme d'une pulpeuse créature qui se fait mettre enceinte pour s'offrir le mariage de rêve. Elle, modeste secrétaire d'une obscure agence de voyage, la voici promue au rang de dame de la haute aristocratie des affaires ! Le jeune homme ne se plaignit pas, il ne montra en rien ses sentiments, mais mon coeur saigna pour lui, car bien qu'il ne m'aimât guère, je lui étais dévoué.