Textures
Hier après-midi j'ai été invité au Concert de Valery Gergiev à la tête de sa phalange du London Symphony Orchestra, dans la Salle Pleyel rénovée. On devait à l'issue du concert donner la rosette de la Légion d'Honneur au chef international. Les oeuvres interprétées furent comme il se doit consacrées à un compositeur russe (Strawinsky avec la Symphonie d'instruments à vent et Le sacre du Printemps) et un compositeur français (Debussy avec Le prélude à l'après-midi d'un faune, et La mer). Gergiev à la tête d'un orchestre qui n'est pas le sien, l'a néanmoins fait sonner avec un splendeur et une cohérence légèrement supérieure, parait-il, aux performances réalisées avec celui du Mariinski de Saint Petersbourg. La Mer et Le Sacre, sont construits d'une manière opposée à la musique allemande de la même époque où règne la polyphonie et un sentiment exacerbé d'angoisse et de solitude. Les deux oeuvres sont formées de suites d'accords dissonants, construites par blocs sonore tantôt en rupture, tantôt en passage graduel de l'un à l'autre.
On peut légitimement comparer ces textures sonores formées d'agrégats superposés d'accords denses, conduites par une mélodie inexistante, et dépourvues totalement de signification autre que le resenti face à des dissonances barbares, cruelles et denses, accords d'accords, Vue de près la partition montre une extrordinaure recherche de couleurs sonores inédites d'une extrême délicatesse. De loin on l'appréhende comme un rythme barbare, entassant des blocs abrupts ou des nuances exquises entre accords. L'effet produit par la direction du grand chef russe, est sidérant, et parfois à la limite de la classe moyenne. Gergiev dirige sans baguette et l'acoustique de la salle rénovee amplifie le son jusqu'à l'étourdissement. On sort de là avec la même impression forte de retour à un monde barbare, d'avant notre civilisation, un monde traversé par la volupté et la cruauté, de la nature, des hommes et des rites. On peut comparer Strawinsky à Picasso et son Sacre aux Demoiselles d'Avignon. Debussy serait un Cezanne de la musique et remplaçant l'ancienne réthorique basée sur le développement axiomatique et le subjectivisme exacerbé du post-romantique, par la suppression de toute rhétorique. Les accords se frottent les uns aux autres, selon un processus informel. "les notes qui s'aiment"!
Si l'on pousse l'analogie, Schoenberg serait un Kandinsky musical, Berg, un Klee, nostalgique du temps passé.
Poisson d'avril
Il va de soi que le texte figurant dans le journal précédent, sont des canukars de premier avril. Les hommes politiques français tiendront compte - comme Reagan - de l'importance de diffuser la culture par l'exemple venu d'en haut, lorsque les poules auront des dents.